Rencontre avec le pianiste François Dumont

Rencontre avec le pianiste François Dumont

François Dumont
François Dumont – Site

Nous nous sommes rencontrés lors d’un déjeuner rapide – ce jeune trentenaire est aussi sympathique qu’on l’imaginait. J’avais été déjà conquis par son accompagnement de la violoniste Elsa Grether, un récital à Gaveau à l’occasion de la sortie d’un CD Bach, et il y a peu en soliste et à la tête de l’Orchestre symphonique de Bretagne dans deux concertos de Mozart.

Parcours

Originaire de Lyon, né dans une famille mélomane, il a pu aller souvent et très tôt au concert (« vers 6/7 ans, la symphonie Les Adieux, et un choc vers 10 ans avec La Valse de Ravel ! » Il s’est mis au piano dès 4 ans, suit des études musicales au Conservatoire de Lyon avant d’intégrer (de 14 à 18 ans) le CNSMDP et de suivre les enseignements de Bruno Rigutto et d’Hervé Billaut. « J’ai eu la chance que l’on m’a fait travailler plutôt que de me lancer trop tôt dans la carrière » (il ne se produira pas en concerto avant l’âge de 15 ans). Il suivra à la fameuse Académie internationale de piano du lac de Côme les conseils de Leon Fleischer, Dmitri Bashkirov, Fou Ts’ong, Murray Perahia ou encore Andreas Staier, William Grant Naboré et Malcolm Bilson.

Même s’il n’est pas un inconditionnel des concours de piano, il se présenta et fut lauréat de nombre d’entre eux, à commencer par le Concours Chopin de Varsovie et le Reine Elizabeth. « J’avais déjà commencé à donner un certain nombre de concerts et c’était parfois compliqué de bloquer 15 jours de mon agenda pour participer à un concours, mais ce sont des concours un peu mythiques. Ils ont certainement aidé au développement de ma carrière et surtout le premier m’a donné une certaine reconnaissance chopinienne ».

Carrière

François Dumont est heureux du déroulement de sa carrière, notamment le fait d’alterner concertiste, récitaliste et musicien de chambre : « ces trois aspects s’enrichissent mutuellement et permettent notamment d’appréhender toutes les facettes d’un compositeur. Même si la maturation des œuvres prend beaucoup de temps, j’ai la chance d’apprendre vite les partitions et d’avoir une bonne mémoire. Il faut d’ailleurs pour une nouvelle œuvre alterner des moments de travail intense et de silence, la laisser à l’écart pour y revenir avec plus de profit.

Pratique

« Je travaille toujours une œuvre à partir de la seule partition. Mais j’écoute ensuite bien sûr des interprétations mythiques pour me faire une idée de ce qui a pu être proposé par les meilleurs : François ou Perlemuter dans les concertos de Ravel par exemple, concertos qui vont d’ailleurs paraître prochainement chez Naxos où je suis accompagné par l’Orchestre national de Lyon dirigé par Leonard Slatkin. Mais des semaines avant un concert ou un enregistrement, je n’écoute plus aucune autre interprétation afin de ne pas être influencé.

« Je travaille toujours une œuvre à partir de la seule partition. Mais j’écoute ensuite bien sûr des interprétations mythiques pour me faire une idée de ce qui a pu être proposé par les meilleurs : Samson François ou Vlado Perlemuter dans les concertos de Ravel par exemple, concertos qui vont d’ailleurs paraître prochainement chez Naxos où je suis accompagné par l’Orchestre national de Lyon dirigé par Leonard Slatkin. Mais lorsque le concert ou l’enregistrement approche, j’essaie de ne plus écouter de versions, même celles que j’aime particulièrement, afin de ne pas être tenté d’imiter.

« Je pense que les salles devraient avoir leur piano, comme à la Philharmonie – ou il y a encore quelques années le merveilleux Steinway de Claudio Arrau à La Chaux-de-Fonds. J’ai choisi récemment chez un loueur un excellent piano, mais on s’est aperçu qu’il était accordé à 440 Hz, ce qui était trop haut pour l’orchestre avec qui je jouais, il a donc fallu le ‘descendre’ au dernier moment… Mais si je possédais un piano merveilleux, je me verrais mal l’emporter avec moi de par le monde comme un Michelangeli ou un Zimmermann…

Direction d’orchestre

« Je n’ai pas l’ambition – en tous cas pour le moment, de devenir chef. Je le fais uniquement pour les concertos de Mozart, Bach, Haydn, peut-être pour les deux premiers de Beethoven. Diriger moi-même les concertos de Mozart, même si je les donne aussi avec profit avec un chef d’orchestre, fournit de nombreux atouts : cohérence sur les tempi, les articulations, les dynamiques, le style. On risque simplement de perdre un peu de projection de son du piano lorsque l’on a enlevé son couvercle. Autre avantage : on connaît la partie d’orchestre par cœur, dans les moindres détails! C’est en fait un peu comme pour le piano : arriver à produire un son voulu au travers d’un geste. Pour les concertos de Mozart, j’essaye d’instaurer un dialogue entre le piano et l’orchestre; les passages intimes et délicats sont plutôt l’apanage du soliste, par opposition aux tutti d’orchestre vigoureux; ce modèle vient du concerto baroque, contrairement aux concertos romantiques où le soliste fait souvent corps à l’orchestre au niveau de la puissance sonore. Mais il faut surtout maintenir un flux musical tout du long et s’adapter aux orchestre : ils ont chacun leur ‘temps de latence’ par rapport à la battue du chef : il faut absolument pouvoir s’y adapter et pouvoir l’épouser. »

Le concert

TV : De nombreux instrumentistes ou compositeurs me parlent des moments « où le courant passe ».
FD : Bien sûr que j’y suis très sensible. A contrario je peux être parfois gêné par les tousseurs. Avez-vous remarqué qu’ils toussent plutôt volontiers lors des passages très calmes? L’humain a peur du vide… J’aime bien l’idée du concert non enregistré, son côté éphémère, même si je suis heureux de retrouver par exemple les enregistrements de concerts mythiques, comme le dernier récital de Dinu Lipatti !

Interprètes

Parmi les anciens : Lipatti, Cortot, Schnabel, Serkin ou Arrau, pour l’orchestre Furtwängler, Carlos Kleiber et René Jacobs pour l’opéra. Parmi les vivants, j’ai une admiration sans limite pour Lupu, Argerich, Barenboim, Perahia…

Projets

« Parmi les projets discographiques, outre le cycle des concertos de Mozart avec l’Orchestre symphonique de Bretagne, l’enregistrement des deux concertos de Ravel sortira bientôt chez Naxos, ainsi qu’un récital Moussorgski, les Nocturnes de Chopin et les Trios de Schubert avec le Trio élégiaque, qui existe depuis plus de dix ans.

Je serai prochainement en Chine pour une tournée de concerts, puis au Texas pour les deux Concertos de Ravel. En septembre, je donnerai un récital Bach à Piano aux Jacobins, retransmis à distance via le système Disklavier pour être illustré au même moment par le danseur et chorégraphe Pierre Rigal. Je donnerai cet été un programme autour de la résonance au Festival de la Meije, au cours duquel je jouera notamment  « Les travaux et les jours » de Tristan Murail ».

Le pianiste

Le chambriste

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