Medtner par Vittorio Forte – Rachmaninov par Matthieu Bergheau

Odradek publie cette année deux enregistrements d’œuvres pour piano de Nikolaï Karlovitch Medtner (1879-1951) et de Sergueï Vassilievitch Rachmaninov (1873-1943).
Les deux compositeurs étaient amis et se vouaient une profonde admiration mutuelle.

Si Medtner a été bien moins célèbre de son vivant que Rachmaninov, tant comme pianiste que comme compositeur. les deux ont écrit des œuvres dans un style post-romantique et Medtner composa pas moins de quatorze sonates pour piano.

Vittorio Forte (cf. interview) propose trois cycles de courtes pièces de Medtner :  8 Mélodies oubliées op.38, 4 Fragments lyriques op.23 et 6 Légendes  op.51 – cycles dont les dates de composition s’échelonnent de 1911 à 1928. Les huit mélodies oubliées font plus que soutenir l’attention de l’auditeur, elles enchantent par des mélodies doucement nostalgiques. Vittorio Forte y montre à la fois souplesse et empathie, mais aussi possède la virtuosité nécessaire que chaque pièce nécessite même si aucune n’est démonstrative.

On retrouve cette ambiance mélancolique si personnelle avec les deux premiers « Fragments » ; le troisième « Tempo di valse » semble apporter plus de sourire mais vire assez vite en mode mineur et le quatrième devient franchement introspectif, mais toujours avec un charme aussi indéfinissable que prenant.

Les six Skazki (légendes ou contes) semblent, d’après des histoires avec des personnages (Cenrdillon, Ivan le Fou). Elles paraissent plus légères et simples que les deux autres cycles, mais, très évocatrices, captivent tout autant. Vittorio Forte a complété ce programme avec sa propre transcription  de La Muse, premier des Sept poèmes d’après Pouchkine op.29. (Medtner s’établira en Angleterre en 1936 ; il bénéficia du soutien de Jayachamarajendra Wadiyar Bahadur, le Maharajah de Mysore, qui fondera la Medtner Society et entreprit de faire enregistrer toute son œuvre par le compositeur – notamment cette « Muse » où il accompagne Elisabeth Schwarzkopf).

La sonorité chaude du Bechstein utilisé paraît parfois un peu voilée, mais cela s’accorde très bien aux partitions. Un très beau disque Odradek.


C’est donc apparemment les pieds dans l’eau que Matthieu Bergheau propose les deux sonates pour piano et les Variations Corelli de Rachmaninov, enregistrées dans le même studio « Les Sphères » d’Odradek où j’avais eu le bonheur d’entendre un récital du pianiste Artur Pizzaro l’an dernier (cf.).

La musique pour piano de Rachmaninov, sans doute le plus grand pianiste du XXe siècle m’a toujours paru un peu bavarde et pourtant souvent fascinante et laissant une impression durable sur l’auditeur. La virtuosité est ici plus apparente que chez Medtner, elle est  consubstantielle à l’œuvre, comme chez Liszt.

La première sonate (1908) est inspirée de la Faust symphonie de Liszt dans ses trois mouvements. La deuxième (1913) impressionne tout autant que la première, surtout dans son troisième mouvement ébouriffant.  Les variations sur un thème de Corelli datent de 1931, la dernière œuvre pour piano seul de Rachmaninov.  C’est une œuvre de toute beauté qui fait souvent penser à la Rhapsodie sur un thème de Paganini composée trois ans plus trad. Matthieu Berheau m’a paru présenter toutes les qualités techniques et musicales pour interpréter ce programme, avec une superbe sonorité tout du long.

Un deuxième disque Odradek qui nous console des actualités néo-staliniennes actuelles…

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