Il y a dix ans j’avais entendu en concert une interprétation éblouissante d’Erlkönig par le pianiste François-Frédéric Guy, mais le papier que j’avais consacré à des créations récentes de musiques d’Hugues Dufourt (1943*) ne laissait pas deviner que l’intégrale de son œuvre pour piano occuperait 2 CDs.

Au programme de cette intégrale interprétée par huit jeunes pianistes :

An Schwager Kronos, 1994 - Pierre Rouinvy
Meeresstille, 1997 - Rodolfo Faistauer
Rastlose Liebe, 2000 - An Chen Jasmin Zhang
Erlkönig, 2006 - Hongye Liu
La ligne gravissant la chute, 2007 - Kotoko Matsuda
Vent d’automne, 2011 - Vadim Saukin
La Fontaine de cuivre d’après Chardin, 2013 - Manon Delort
Reine Spannung, 2015 - Kotoko Matsuda
Tombeau de Debussy, 2018 - Valentin Mansard

Des pièces écrites donc sur près de vingt-cinq ans. Ici, les pièces font plus référence à la littérature (Goethe) qu’à la peinture.

An Schwager Kronos fait référence à un poème de Goethe sur lequel Schubert écrivit un lied. Dans cet hommage au romantisme allemand, on distingue certaines caractéristiques de l’écriture d’Hugues Dufourt, comme ces accords à la fois complexes et « chauds », ces processus lents de transformation – une musique souvent mystérieuse dont l’inventivité interpelle et incite à la réécoute.

Meeresstille – autre poème de Goethe, mais ce n’est pas « Mer calme et heureux voyage », titre de la cantate de Beethoven : ici la mer calme décrite dans un lent mouvement répétitif laisse pressentir des catastrophes…

Rastlose Liebe, (« Amour sans trêve »), toujours sur un texte de Goethe est une pièce rapide, « torrentielle » dixit le compositeur.

Erlkönig, (Le Roi des aulnes) est sans doute le chef d’œuvre de cette anthologie, peut être la pièce la plus extravertie. C’est la dernière pièce pour piano que le compositeur a consacrées à Goethe et à Schubert. C’est une pièce entêtante, très virtuose, il me semble que cette interprétation est moins frappante que celle de François-Frédéric Guy en concert.

Le reste du programme est à l’avenant : des heures d’écoutes d’un univers aussi personnel que captivant.