Deux nouveaux albums Debussy : on ne s’en lasse pas, même si de nombreux compositeurs actuels ont viré leur cuti et lui préfèrent dorénavant Ravel. J’adore aussi Ravel bien sûr, mais peut-être que ces nouvelles préventions vis-à-vis de ‘Claude de France’ sont-elles motivées par sa place dans la dissolution de la tonalité, avec Schoenberg et après Wagner et qu’il fut une des icônes de la mouvance boulézienne ?
En cette année du centenaire, j’ai déjà commenté l’intégrale Warner et deux albums éreintés par nos chers critiques français : ceux des ‘vieux’ Barenboim et Pollini. et j’allais oublier ma comparaison de 160 versions de la Cathédrale engloutie.
Et voici deux doubles CD consacrés à Debussy, l’un chez Klarthe (détails ici) par le quintette Syntonia dont j’ai pu vanté les mérites (cf. leurs CD Ginastera et Koechlin), comme pour le récent récital de son pianiste Romain David. C’est d’ailleurs amusant ou plutôt significatif de constater que j’ai entendu également Jonas Vitaud, artiste principal de l’autre album et accessoirement Roustem Saïtkoulov qui l’accompagne dans la Petite suite, lors de récitals organisés par l’association Arthèmes…
L’album Klarthe nous offre un florilège de pièces variées et bien agencées : mélodies chantées par Maya Villanueva à la voix si claire, pièces pour piano seul (notamment la 3e des Images oubliées : « Quelques aspects de ‘nous n’irons plus au bois’ parce qu’il fait un temps insupportable » et la 2e série d’Images avec par exemple une lecture magnifique de couleurs et de galbe des Cloches à travers les feuilles). Une curiosité : l’arrangement pour violon et piano de Minstrels par Debussy lui-même jouée ici avec toute la verve requise par la violoniste Stéphanie Moraly, également remarquable de finesse et de style dans la Sonate pour violon et piano.
Le CD 2 propose trois arrangements réalisés par Benoît Menut : Le prélude à l’après-midi d’un faune pour quintette avec piano, qui ne m’a pas fait oublié l’orchestre et, pour soprano et quintette : Noël des enfants qui n’ont plus de maison et le « Jet d’eau » tiré des Cinq poèmes de Charles Baudelaire, magique. La voix captivante de Maya Villanueva termine en beauté la partie Debussy avec les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé.
Il se termine par une œuvre dédiée au quintette Syntonia, Regards dans la brume du compositeur Tôn Thât Tiet (1933*) ou Trois regards sur le « Prélude à l’après-midi d’un faune » ; le lien n’est pas toujours évident avec le modèle sauf dans le mouvement central, mais c’est une musique attachante, à la fois statique et chatoyante.
Album magnifique.
L’album Debussy concocté autour de Jonas Vitaud s’intitule « Debussy jeunes années ». Dès la Suite bergamasque, on est frappé par la palette sonore du piano de Jonas Vitaud, mais aussi par une certaine intériorité ou une profondeur que l’on ne s’attend pas forcément à trouver dans ces pages (quelle délicatesse dans le Clair de lune, lui que je sais jouer Brahms avec tout le poids et l’ampleur requis…). Amusante Mazurka. Suive les Images oubliées et l’Arabesque n° 2 (pourquoi pas la 1 ?). Vient ensuite la Fantaisie pour piano et orchestre avec le Secession orchestra dirigé par Clément Mad-Takacs. Il y a longtemps que je n’avais écouté cette pièce : ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais il y a une certaine fraîcheur que l’on ne retrouvera pas forcément plus tard et quelques passages symbolistes prémonitoires. Piano bien capté, belle prestation du soliste.
Le CD 2 débute par une aérienne Petite suite pour deux pianos. Viennent ensuite les Ariettes oubliées chantées par le ténor Sébastien Droy, interprétation sensible. Très belles Trois chansons de Bilitis par la Mezzo-soprano Karine Deshayes, excellent accompagnement.
Pour terminer, la transcription pour piano par Jonas Vitaud lui-même du Prélude à l’après-midi d’un faune. C’est une réussite absolue ! On est pris de bout en bout et, cette fois, on n’en vient pas à regretter la version originale…
Un album très réussi pour le « côté frais » de Debussy…