Schoenberg Piano concerto

Sélection de disques / médias pour découvrir la musique contemporaine
Ce livre d’entretiens « La musique du temps réel » avec deux interlocuteurs est en fait une rareté : finalement peu de grands musiciens et compositeurs s’expriment de nos jours sur leur perception de la musique ou sur leurs confrères, anciens et actuels.
Philippe Manoury est devenu au fil des – déjà nombreuses – années une figure importante de la musique ‘contemporaine’ au niveau international. Un peu vite catalogué comme un ‘bébé Boulez’ ou ‘bébé IRCAM’, il suffit de consulter le catalogue de ses œuvres pour constater l’étendue de sa ‘palette’. L’idée de ce ‘blog’ étant d’amener ‘l’honnête mélomane’ à découvrir la musique moderne, ce papier consacré à cet ouvrage en forme de dialogues y trouve toute sa place. D’autant plus que, parallèlement, Philippe Manoury est professeur à l’université de San Diego, ce qui montre à la fois ouverture d’esprit, esprit de pédagogie et puissance de travail…
Ses propos sont très clairs, à la manière d’un Boulez justement, mais moins conceptualisant.
Une première partie est consacrée principalement à l’électronique / informatique en musique, (évoquant notamment le problème posé par l’évolution continue de cette « lutherie technologique » à la pérennité des œuvres), mais tout au long de ces entretiens reviendra sempiternellement la question de la – faible – place de la musique contemporaine dans nos sociétés actuelles.
Une partie centrale est consacrée aux compositeurs qu’il apprécie – ou moins -, avec quelques surprises, dans son Panthéon musical, par exemple : Ainsi la nuit de Dutilleux, les premières partions de Xenakis pour orchestre, la micro-polyphonie de Ligeti, les premières œuvres de Magnus Lindberg, , Lachenmann, Rihm, Donatoni, Janacek, Berg, et surtout Debussy et quelques jeunes contemporains. Par contre, pas la musique répétitive américaine et de grosses réticences par rapport à une part importante de la production de Messiaen.
Deux chapitres sont consacrés en outre à la vie et à l’enseignement musicaux aux États-Unis et aux spectacles traditionnels japonais.
Le tout dernier chapitre traite encore plus précisément de la place de la musique contemporaine dans la société, évocation bien pessimiste quant au manque de culture musicale à l’école et parmi nos élites françaises. Çà me rappelle un propos de Boulez bien ‘boulezien’ que je cite de mémoire : Quand on pense que le Premier ministre [Raffarin à l’époque] ne va au concert que pour écouter Johnny Halliday, c’est dire le niveau ! (c’est vrai qu’à une époque, on pouvait voir souvent un Barre ou un Giscard à l’Opéra, sans parler des Pompidou, mais depuis ?).
Il dénonce à la fois la pauvreté insigne de l’enseignement musical français, encore une fois le manque de culture musical subséquent de nos ‘élites’ et surtout la soupe tonale insipide et terriblement conditionnante dont on est abreuvé tout au long de notre quotidien.
Une grande partie de l’ouvrage serait à citer – ce qui en fait plus un livre de chevet qu’un simple recueil d’interviews – ne serait-ce que par le chapitre consacré à ses œuvres préférées qui incite à les découvrir ou redécouvrir – mais surtout par ses tentatives de définition de ce qui pour lui fait une œuvre contemporaine intéressante : on citera par exemple ce passage : « Tout l’enjeu est là : il faut satisfaire les attentes – apporter ce que les neuropathologistes appellent des « récompenses » [ cf. ] – mais également savoir les décevoir et aussi les surpasser ».
On finira par deux réflexions :
– il déplore la quasi-inexistence de la critique musicale vis-à-vis des créations contemporaines dans la presse, relayée certes par les blogs spécialisés qu’il trouve représenter une sorte de ghetto de luxe – au moins ici c’est plutôt le blog « 9-3 » de la musique contemporaine…
– il cite le concept de musiques « agroupantes » telles que la musique militaire ou les rave parties que j’abhorre également (je me rappelle choquer mes copains ado en déclarant que pour moi les Rolling Stones me faisaient penser à de la musique militaire…).
Bref, précipitez-vous sur cet ouvrage et sur son blog – j’y reviendrai prochainement à propos des Variations Diabelli, à l’occasion de la réédition par PragaDigitals d’un live de Sviatoslav Richter, pianiste d’ailleurs cher à Manoury !
Cf. aussi l’interview réalisée par Bruno Serrou en juin 2012, qui reprend des thèmes évoqués dans l’ouvrage.
Arnold Schönberg – Pierrot lunaire – Alda Caiello – Prazák Quartet – Suite op.29
Orchestral Hi-Fi & dopamine
![]() Cela a été récemment prouvé : comme avec les drogues ou la nourriture, la musique peut générer chez certains la circulation de dopamine, « neuromédiateur du plaisir et de la récompense ». Chez moi, cela se traduit, au disque ou lors de concerts exceptionnels – et pas seulement orchestraux -, par la génération de frissons du crâne aux doigts de pieds… Si la littérature au sujet de la dopamine insiste sur le plaisir lié à l’attente de la récompense de retrouver des effets connus, çà peut marcher aussi avec des œuvres jusque-là inconnues, par exemple avec la découverte d’un inédit de Karl-Amadeus Hartmann par Kubelík : les Hymnes symphoniques. Sans doute l’émotion de retrouver mêlés les styles de Stravinsky et de Berg… Pour en rester à l’orchestre reproduit sur une chaîne Hi-Fi, je voulais illustrer ce propos par deux monstres sacrés de la direction d’orchestre, Stokowsky et Svetlanov ; deux interprètes qui ont pu paraître parfois outranciers, le 1er surtout, mais qui ont laissé quelques enregistrements très « dopamine » ; Svetlanov nous a donné à Paris nos plus beaux moments de concert, même si çà ne « marchait » pas à tous les coups. C’était un spécialiste du crescendo fffff : dans certaines œuvres, la salle vibrait tant que l’on croyait que l’on allait s’envoler… (ne pas manquer non plus son interprétation délirante d’Islamey de Balakirev, que l’on peut trouver sur Youtube… ou ses symphonies de Tchaikovsky chez Canyon). Quant à Stokowsky, ici la Grande Pâque russe avec l’orchestre symphonique de Chicago (1968) avec un superbe effet de soufflet :
Enfin, encore un peu de dopamine avec le 3e mouvement de la 9e de Mahler par Kubelík en concert à la Bavaroise en 1975, certes bien moins bien enregistré : J’ajoute évidemment (31/10/12) la récente réédition du Tricorne par Ansermet chez Praga Digitals, ici pas besoin d’extrait, il faut se précipiter pour l’acquérir et l’écouter en SACD… en plus ce n’est pas cher.
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![]() That was recently proven: as with drugs or food, the music can generate circulation of dopamine, “neurotransmitter of the pleasure and the reward”. For me this results, on Hi-FI or sometimes in exceptional concerts – and not only orchestral -, by the generation of shivers from cranium to the toes… If the literature about the dopamine insists on the pleasure related to waiting the reward of finding known effects, that can go also with works previously unknown, for example with the discovery of a new work of Karl-Amadeus Hartmann by Kubelík: Symphonic Anthems. Emotion probably linked to discover a work which blends wonderfully the styles of Stravinsky and Berg… (not to miss either its delirious interpretation of Islamey de Balakirev, which can be found on Youtube… or his symphonies of Tchaikovsky for Canyon). As for Stokowsky, here Eastern Russian Overture with the Chicago symphony orchestra (1968): (rather clean) Cf. also, for example, his magic Images by Debussy with the LSO for EMI. Lastly, still a little dopamine with the 3rd movement of Mahler’s 9th with Kubelík in concert with the Bavarian in 1975: (not so clean as Haitink or Boulez, but who cares again?) Of course I will add (10/31/12) the Three cornered hat by Ansermet at Praga Digitals: the best reissue I have heard for years; no excerpt here for this very famous session, just get it and listen to it on a SACD device… (bargain price moreover). |
Ensemble intercomtemporain – Susanna Mälkki
Né en 1952, Philippe Manoury est un des plus importants compositeurs français vivants. Dans le cadre d’une série cherchant à faire découvrir la musique contemporaine aux mélomanes de bonne volonté, voici une excellente introduction à ce compositeur, avec ces « Fragments pour un portrait ». Une des multiples préoccupations de Manoury est la notion de « work in progress » (il cite volontiers Francis Bacon) chère à Pierre Boulez ; au sujet de cette œuvre, il déclare : « La totalité [des 7 mouvements] devrait tendre vers l’émergence d’un « portrait », d’une image musicale qui, je l’espère, devrait apparaître en filigrane sur l’ensemble de ces pièces. » cf. son commentaire de l’œuvre. On trouvera sur son site des extraits de chacun des 7 mouvements. Comme pour Gruppen de Stockhausen ou Le sette chiese de Mantovani, l’œuvre est pour plusieurs ensembles instrumentaux (3 ici). Chemins fait penser aux introductions du Sacre, on trouvera des « accelerando-diminuendo » à la Berg, etc., tout cela donnant une musique très vivante, rythmée, colorée. |
Born in 1952, Philippe Manoury is one of the foremost actual French composers. In our series seeking to let music lovers discover contemporary music, this is an excellent introduction to the composer, with these « Fragments for a portrait ». |
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« La ville […première sonate…] » date de 2002. Ce n’est pas une sonate même si l’oeuvre dure près de 36′, puisqu’elle comporte pas moins de 19 mouvements… Dans la plaquette du SACD (superbe prise de son), l’auteur évoque de façon presque onirique les correspondances entre sa récitation mentale de la Sonate de Liszt et les images perçues lors de sa déambulation dans le vieux quartier praguois de Malá Strana. Il évoque aussi des procédés de Berg, tels que certains morceaux rétrogrades inversés. C’est ce qui donnera la structure de l’oeuvre. Citons-le : « C’est sur le principe des « formes différées » que s’articule cette œuvre. Des éléments monodiques (lents et méditatifs), des résonances harmoniques, des échelles sonores descendantes, des « toccatas », des « fugues » s’entremêlent les uns aux autres dans une forme dirigée distribuée symétriquement par rapport à un centre. Cette symétrie effectue un retour en arrière, comme si l’œuvre devait revenir à son point de départ. Mais il s’agit d’une fausse symétrie (le parcours global n’est pas inversement identique) que vient perturber de vraies symétries, (il arrive que des bouts de parcours reproduisent un cheminement voisin du précédent). Le centre est polarisé sur une note pivot (ré) qui s’impose peu à peu depuis le début et s’incarne dans un grand silence avant que l’œuvre ne semble revenir à son point de départ. » Un certain ésotérisme semble poindre ici, mais en fait cette œuvre est très vivante. Elle gagne à être lue sur un ordinateur : on s’évade ainsi de la linéarité d’écoute pour comparer un à un les mouvements en miroir… déformé. |
recording), the author evokes in an almost dreamlike way the correspondences between his mental recitation of the Sonata of Liszt and the images perceived during his wandering in the old Prague area of Malá Strana. It evokes also Berg’s processes, such as certain reversed and retrograde pieces. This will give the structure of work. Let us quote him: “It is on the principle of the “differed forms” that this work is articulated. Monodic Elements (slow and meditative), harmonic resonances, downward sound scales, “toccatas”, “runnings away” intermingle the ones with the others in a directed form distributed symmetrically compared to a center. This symmetry carries out a return behind, as if work were to return to its starting point. But it is about a false symmetry (the total course is not conversely identical) which comes to disturb true symmetries […]. The center is polarized on a note pivot (D) which is essential little by little since the beginning and is incarnated in a great silence before work does not seem to return to its starting point. “ A certain esotericism seems to come up here, but this work carries a very lively listening. It gains being read on a computer: one escapes thus from the linearity of listening to compare the movements one by one on the two sides of the mirror … deformed.
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Ensemble intercomtemporain – Susanna Mälkki
Un compositeur majeur de notre temps de 38 ans, à la tête d’un catalogue imposant. Philippe Jordan a créé à Paris son Concerto pour violon en février dernier ; quand on connaît l’exigence de ce chef vis-à-vis des partitions contemporaines… Pour la description de ces 9 pièces, on se référera bien sûr aux propos de l’auteur (+extraits de l’œuvre). On n’indiquera ci-dessous que nos rapides impressions à l’écoute de l’œuvre, destinées simplement à inciter à la découverte. Au fait, ne pas confondre Bruno Mantovani et Annunzio Paolo Mantovani, chef d’orchestre de musique légère !
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A major composer of our time – 38 yo – having already composed numerous works. A gratifying work with splendid sonorities: Le sette chiese (« seven churches ») was created in 2002 in Strasbourg under the direction of Jonathan Nott. For the description of these 9 pieces, refer of course to the words of the author (+ excerpts). We indicate below our quick impressions, simply willing to invite to the discovery. Just don’t confuse Bruno Mantovani and Annunzio Paolo Mantovani, a famous conductor of light music! |
I – La piazza Santo Stefano |
I – The Piazza Santo Stefano |
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Des ostinatos, des fulgurances aux vents, des éclats de percussions donnent effectivement l’impression d’une vie grouillante devant l’église. |
Ostinatos, searing winds, percussion fragments actually give the impression of a bustling life in front of the Church. |
L’église de Saint Jean-Baptiste |
The church of San Giovanni-Battista |
La première partie est un long crescendo, très dynamique, suivi d’un épisode mystérieux, avec de nombreux micro-intervalles, de multiples interventions solistes, bois ou cordes, le tout dans une atmosphère très fourmillante. |
The first part is a long crescendo, very dynamic, followed by a mysterious episode, with many micro-intervals, multiple soloist interventions, wood or string, all in a very lively atmosphere. |
La crypte |
The crypt |
Cette partie reprend un peu l’esprit de la précédente, avec des babillages de la clarinette, puis du violon sur de nombreux traits secs, rapides et aigus. On pense à des envolées d’oiseaux ou des nuées d’insectes lumineux. Quelques références au grégorien à la fin donnent un tonalité religieuse à cette pièce. |
This part takes a little spirit of the previous, with babblings of the clarinet and violin, dry, fast and acute. One thinks of birds flights orf luminous insects. A few references to Gregorian chant at the end give a religious tone to this piece |
La basilique du sépulcre |
Tomb basilica |
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La pièce la plus longue (9’24 »). Une longue séquence aux pianos et percussions sourdes évoque l’obscurité de l’endroit, l’apparition du violon puis de flûtes suraigües amène la 2e partie sensée illustrée la lumière éclairant les reliques présentes dans un dynamisme croissant et virtuose jubilatoire. |
The longest piece (9’24 « ). A long sequence of pianos and low percussion refers to the darkness of the place, the appearance of the violin and super acute flute brings to part 2 illustrating the light illuminating the present relics in a growing dynamic and exhilarating virtuoso. |
L’église du martyrium |
Martyrdom Church |
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Une visite des 5 chapelles de l’église avec une fin militaire. |
A visit of the 5 chapels of the Church with a military end. |
Edited by Severine Neff – Norton critical scores
W. W. Norton & Company, Inc. – 2006 – 340 p.
Pour les anglophones, mentionnons l’existence de cette très intéressante série (16 autres titres disponibles). L’ouvrage fournit la partition complète du quatuor, son contexte historique (et personnel : Schoenberg était trompé par sa femme, dont l’amant sera plus tard amené à se suicider), une analyse détaillée et des documents de l’auteur, d’interprètes, de critiques de l’époque, etc. … et à écouter dans la version des Pražák (1997 – dans sa configuration avant le remplacement de Václav Remeš par Pavel Hůla en 2010), avec la soprano Christine Wittlesey.
On signalera également la version rayonnante par les Pražák du quatuor n°4, op. 37. Voilà une œuvre plus immédiatement accessible pour qui est habitué aux derniers quatuors de Beethoven. La structure de chaque mouvement est plus simple et le traitement de la série permet de nombreux pôles tonals. Ajoutons que l’œuvre est presque souriante ! et que la prise de son est d’une absolue limpidité.
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We would like to draw attention here on this superb collection (16 other titles available). This books include the entire score, its historical context, a detailed analysis, and commentaries by the composer, his students and contemporaries (Mahler for example who declared having great difficulty to understand this score…). .. to be listened to in the Pražák version (1997 – PragaDigitals) with the soprano Christine Wittlesey.
One will also announce the radiant version by the Pražák of quartet n°4, Op. 37. Here is a work more immediately accessible for who is accustomed to the last quartets by Beethoven. The structure of each movement is simpler and the processing of the series allows many tonal poles. Let us add this is an almost smiling work! and that the sound recording is of an absolute limpidity. |