Né en 1952, Philippe Manoury est un des plus importants compositeurs français vivants.
Dans le cadre d’une série cherchant à faire découvrir la musique contemporaine aux mélomanes de bonne volonté, voici une excellente introduction à ce compositeur, avec ces « Fragments pour un portrait ».
Une des multiples préoccupations de Manoury est la notion de « work in progress » (il cite volontiers Francis Bacon) chère à Pierre Boulez ; au sujet de cette œuvre, il déclare : « La totalité [des 7 mouvements] devrait tendre vers l’émergence d’un « portrait », d’une image musicale qui, je l’espère, devrait apparaître en filigrane sur l’ensemble de ces pièces. » cf. son commentaire de l’œuvre.
On trouvera sur son site des extraits de chacun des 7 mouvements.
Comme pour Gruppende Stockhausen ou Le sette chiese de Mantovani, l’œuvre est pour plusieurs ensembles instrumentaux (3 ici).
Chemins fait penser aux introductions du Sacre, on trouvera des « accelerando-diminuendo » à la Berg, etc., tout cela donnant une musique très vivante, rythmée, colorée.
Born in 1952, Philippe Manoury is one of the foremost actual French composers.
In our series seeking to let music lovers discover contemporary music, this is an excellent introduction to the composer, with these « Fragments for a portrait ». One of the many concerns of Manoury is the notion of « work in progress » (he cites Francis Bacon) ; about this work, he said: « all [of 7 movements] should tender towards the emergence of a « portrait », a musical image which, I hope, should appear in watermark on all of these parts. » Extracts of each of the 7 movements on his Web site. As in Stockhausen’s Gruppen or Le sette chiese by Mantovani, the work is for several instrumental ensembles (3 here). Chemins makes you think of the introduction of the Sacre, you can discern « accelerando-diminuendo » as Berg, aso… this giving a very lively, rhythmic, colorful music.
« La ville […première sonate…] » date de 2002. Ce n’est pas une sonate même si l’oeuvre dure près de 36′, puisqu’elle comporte pas moins de 19 mouvements…
Dans la plaquette du SACD (superbe prise de son), l’auteur évoque de façon presque onirique les correspondances entre sa récitation mentale de la Sonate de Liszt et les images perçues lors de sa déambulation dans le vieux quartier praguois de Malá Strana. Il évoque aussi des procédés de Berg, tels que certains morceaux rétrogrades inversés. C’est ce qui donnera la structure de l’oeuvre.
Citons-le : « C’est sur le principe des « formes différées » que s’articule cette œuvre. Des éléments monodiques (lents et méditatifs), des résonances harmoniques, des échelles sonores descendantes, des « toccatas », des « fugues » s’entremêlent les uns aux autres dans une forme dirigée distribuée symétriquement par rapport à un centre. Cette symétrie effectue un retour en arrière, comme si l’œuvre devait revenir à son point de départ. Mais il s’agit d’une fausse symétrie (le parcours global n’est pas inversement identique) que vient perturber de vraies symétries, (il arrive que des bouts de parcours reproduisent un cheminement voisin du précédent). Le centre est polarisé sur une note pivot (ré) qui s’impose peu à peu depuis le début et s’incarne dans un grand silence avant que l’œuvre ne semble revenir à son point de départ. »
Un certain ésotérisme semble poindre ici, mais en fait cette œuvre est très vivante. Elle gagne à être lue sur un ordinateur : on s’évade ainsi de la linéarité d’écoute pour comparer un à un les mouvements en miroir… déformé.
recording), the author evokes in an almost dreamlike way the correspondences between his mental recitation of the Sonata of Liszt and the images perceived during his wandering in the old Prague area of Malá Strana. It evokes also Berg’s processes, such as certain reversed and retrograde pieces. This will give the structure of work. Let us quote him: “It is on the principle of the “differed forms” that this work is articulated. Monodic Elements (slow and meditative), harmonic resonances, downward sound scales, “toccatas”, “runnings away” intermingle the ones with the others in a directed form distributed symmetrically compared to a center. This symmetry carries out a return behind, as if work were to return to its starting point. But it is about a false symmetry (the total course is not conversely identical) which comes to disturb true symmetries […]. The center is polarized on a note pivot (D) which is essential little by little since the beginning and is incarnated in a great silence before work does not seem to return to its starting point. “ A certain esotericism seems to come up here, but this work carries a very lively listening. It gains being read on a computer: one escapes thus from the linearity of listening to compare the movements one by one on the two sides of the mirror … deformed.
Un compositeur majeur de notre temps de 38 ans, à la tête d’un catalogue imposant. Philippe Jordan a créé à Paris son Concerto pour violon en février dernier ; quand on connaît l’exigence de ce chef vis-à-vis des partitions contemporaines… Une œuvre réjouissante, voire jouissive au niveau des sonorités : Le sette chiese (« Les 7 églises ») fut créée en 2002 à Strasbourg sous la direction de Jonathan Nott. L’œuvre emploie quatre groupes (« deux ensembles quasiment symétriques fonctionnant généralement dans un principe d’antiphonie, plus un trio formé des instruments les plus graves au fond de la scène, et six musiciens disposés en arc de cercle et en hauteur »). On ne discerne pas évidemment cette disposition en simple stéréo.
Pour la description de ces 9 pièces, on se référera bien sûr aux propos de l’auteur (+extraits de l’œuvre).
On n’indiquera ci-dessous que nos rapides impressions à l’écoute de l’œuvre, destinées simplement à inciter à la découverte. Au fait, ne pas confondre Bruno Mantovani et Annunzio Paolo Mantovani, chef d’orchestre de musique légère !
A major composer of our time – 38 yo – having already composed numerous works.
A gratifying work with splendid sonorities: Le sette chiese(« seven churches ») was created in 2002 in Strasbourg under the direction of Jonathan Nott. The work employs four groups (« two almost symmetrical sets operating generally in a principle of antiphony, plus a trio formed of the instruments the most serious at the bottom of the scene, and six musicians arranged arc of circle and height »). This is unfortunately only simple stereo.
For the description of these 9 pieces, refer of course to the words of the author (+ excerpts).
We indicate below our quick impressions, simply willing to invite to the discovery. Just don’t confuse Bruno Mantovani and Annunzio Paolo Mantovani, a famous conductor of light music!
I – La piazza Santo Stefano
I – The Piazza Santo Stefano
Des ostinatos, des fulgurances aux vents, des éclats de percussions donnent effectivement l’impression d’une vie grouillante devant l’église.
Ostinatos, searing winds, percussion fragments actually give the impression of a bustling life in front of the Church.
L’église de Saint Jean-Baptiste
The church of San Giovanni-Battista
La première partie est un long crescendo, très dynamique, suivi d’un épisode mystérieux, avec de nombreux micro-intervalles, de multiples interventions solistes, bois ou cordes, le tout dans une atmosphère très fourmillante.
The first part is a long crescendo, very dynamic, followed by a mysterious episode, with many micro-intervals, multiple soloist interventions, wood or string, all in a very lively atmosphere.
La crypte
The crypt
Cette partie reprend un peu l’esprit de la précédente, avec des babillages de la clarinette, puis du violon sur de nombreux traits secs, rapides et aigus. On pense à des envolées d’oiseaux ou des nuées d’insectes lumineux. Quelques références au grégorien à la fin donnent un tonalité religieuse à cette pièce.
This part takes a little spirit of the previous, with babblings of the clarinet and violin, dry, fast and acute. One thinks of birds flights orf luminous insects. A few references to Gregorian chant at the end give a religious tone to this piece
La basilique du sépulcre
Tomb basilica
La pièce la plus longue (9’24 »). Une longue séquence aux pianos et percussions sourdes évoque l’obscurité de l’endroit, l’apparition du violon puis de flûtes suraigües amène la 2e partie sensée illustrée la lumière éclairant les reliques présentes dans un dynamisme croissant et virtuose jubilatoire.
The longest piece (9’24 « ). A long sequence of pianos and low percussion refers to the darkness of the place, the appearance of the violin and super acute flute brings to part 2 illustrating the light illuminating the present relics in a growing dynamic and exhilarating virtuoso.
II – Basilique des Saints Vital et Agricola
II – Basilica of St. Vitale and Agricola
Dédiée à Olivier Messiaen, la pièce s’ouvre effectivement par un superbe choral de cuivres suivi d’un trio de percussions peut être un peu convenu.
Dedicated to Olivier Messiaen, the piece opens effectively by a superb brass Chorale followed by a trio of percussion.
La cours de Pilate
Pontius Pilate court
On retrouve des éléments de l’environnement extérieur utilisés dans la 1e partie. Çà fait un peu du Messiaen / Ligeti en plus percussif.
There are elements of the external environment used in the 1st part. Here is a little of Messiaen / Ligeti in a more percussive way.
L’église du martyrium
Martyrdom Church
Une visite des 5 chapelles de l’église avec une fin militaire.
A visit of the 5 chapels of the Church with a military end.
Le cloître
The Cloister
L’auteur ne se départit pas de son unité de langage, qui peut tout de même devenir lassante dans cette longue œuvre. On notera que l’ensemble des pièces se trouve unifié par de fréquentes apparitions de séquences au piano : notes arpégées croissantes suivies de notes pointées dans l’aigu.
The author does not quit his language unity, which can become tiresome in such a long work. It should be noted that all of the pieces is unified by frequent appearances of sequences at the piano: growing arpeggios followed by notes plotted in the treble
La chapelle du bandeau
Chapel of the Congregation of the Virgin Mary
C’est la visite du musée de l’édifice qui permet à l’auteur de faire en quelque sorte un récapitulatif de la visite. Pièce plus tendue et assez forte émotionnellement.
Bonne visite en compagnie de superbes virtuoses, chef compris(e)…
This is the visit of the Museum of the building which allows the author to make in a way a summary of the visit. Played tenser and quite strong emotionally.
Good visit in the company of stunning Virtuosi, conductor included.
L’ouvrage fournit la partition complète du quatuor, son contexte historique (et personnel : Schoenberg était trompé par sa femme, dont l’amant sera plus tard amené à se suicider), une analyse détaillée et des documents de l’auteur, d’interprètes, de critiques de l’époque, etc.
… et à écouter dans la version des Pražák (1997 – dans sa configuration avant le remplacement de Václav Remeš par Pavel Hůla en 2010), avec la soprano Christine Wittlesey.
On signalera également la version rayonnante par les Pražák du quatuor n°4, op. 37. Voilà une œuvre plus immédiatement accessible pour qui est habitué aux derniers quatuors de Beethoven. La structure de chaque mouvement est plus simple et le traitement de la série permet de nombreux pôles tonals. Ajoutons que l’œuvre est presque souriante ! et que la prise de son est d’une absolue limpidité.
This books include the entire score, its historical context, a detailed analysis, and commentaries by the composer, his students and contemporaries (Mahler for example who declared having great difficulty to understand this score…).
.. to be listened to in the Pražák version (1997 – PragaDigitals) with the soprano Christine Wittlesey.
One will also announce the radiant version by the Pražák of quartet n°4, Op. 37. Here is a work more immediately accessible for who is accustomed to the last quartets by Beethoven. The structure of each movement is simpler and the processing of the series allows many tonal poles. Let us add this is an almost smiling work! and that the sound recording is of an absolute limpidity.
Le site medici.tv diffuse gratuitement un concert évènement du New York Philharmonic intitulé 360 (360 °) : Hormis un hors d’œuvre Gabrieli et la fin de l’Acte I de Don Juan, on a la chance d’entendre et voir Rituel de Boulez, à la mémoire de Bruno Maderna, et Gruppen de Stockhausen, les 2 œuvres étant effectivement écrites pour des groupes de musiciens répartis dans l’espace.
Excellente idée du directeur Alan Gilbert ! En complément, The unanswered question de Charles Ives.
Une heureuse initiative même si on ne peut l’écouter ici à 360°…
www.medici.tv (proposé sans abonnement, mais nécessite de s’inscrire pour voir le concert entier).
The web site medici.tv broadcast free a recent concert by the New York Philharmonic “360”.
Besides a little piece for brass by Gabrieli and the end of the 1rst act from Don Giovanni, we can listen to and watch Rituel by Boulez, to the memory of Bruno Maderna, and Gruppen by Stockhausen, these two pieces being written for separate groups of musicians.
A real good idea from Director Alan Gilbert. Besides, The unanswered question by Charles Ives.
A very good initiative, even if we can’t hear it at 360°…
www.medici.tv (proposed freely, you just have to sign in to be able to see the entire concert).
On était un peu inquiet à l’approche de ce concert : les quelques enregistrements que l’on avait pu entendre de ce jeune chef laissaient sans voix (Brahms à Brême…), on savait aussi qu’il s’était fait éconduire par les musiciens de l’orchestre de l’Opéra de Paris ; en outre, on ne voyait pas bien le lien entre La Nuit transfigurée [1. Rappelons l’argument : une promenade nocturne d’un couple amoureux dont la femme avoue qu’elle attend un enfant d’un autre. Son amant acceptera l’enfant et les deux s’en iront lors d’une nuit transfigurée.] et une messe de Schubert, ni surtout comme La nuit allait sonner dans cette acoustique de hall de gare.
Bravo tout d’abord à l’orchestre philharmonique de Radio-France (et au Chœur de Radio France pour Schubert) ; mis à part un accident au milieu de La Nuit, les cordes étaient fort belles et montraient une évidente cohésion. On aura été moins emballé par l’interprétation : çà faisait un peu ‘Elgar’ – c’est un peu facile vis-à-vis d’un chef anglais – et manquait pour moi « d’expressionnisme ». De très beaux moments tout de même.
La Messe en mi bémol majeur D. 950 de Schubert nous est bien connue, l’ayant entendu déjà lors de ce même festival par Chung (bof) et Muti (mieux)… À l’évidence, Harding est un excellent chef de chœur. À ce propos, choix ou contrainte due au manque de profondeur de la « scène », on est assez gêné par la disposition du chœur, répartissant les tessitures de l’avant vers l’arrière au lieu de la gauche vers la droite. Cela donne une impression de saturation dans les forte (et dans les quelques fortissimi imprimés par le chef qui ne paraissaient guère justifiés). Il manquait juste une présence plus affirmée de l’orchestre : le chef demandait constamment aux cordes de « réduire », celles-ci jouant de plus avec un vibrato minimaliste. Passons sur les solistes : leur partie est réduite et ils étaient juste devant le chœur, donc bien loin dans cette acoustique.
On peut en voir l’enregistrement (dans un meilleur son que sur place !) ici.
Conclusion : un concert de belle facture, un chef à suivre, même si on a quand même manqué d’émotion ce soir-là.
This was our first concert conducted by Daniel Harding – we were a little apprehensive, considering for example his Brahms recordings, or the fact he had been rejected once by The Paris Opera’s orchestra musicians. Besides, we didn’t see any link between one of Schoenberg’s first major works and one of Schubert’s last ones – how the Transfigured Night would sound in this kind of train station acoustic.
Congratulations first to the Orchestre philharmonique de Radio-France (and then to the Chœur de Radio France), a little accident in the middle of The Night apart. Superb strings, but the performance for us was lacking of expressionism and overall structure; beautiful moments anyway.
We have already heard twice a Schubert Mass in Saint-Denis: once with Chung – so so – and another time by Muti (much better). Harding appeared as an excellent chorus conductor. Was it a choice or due to the stage lacking of depth, but instead of having sopranos to basses divided up from left to right, women were spread on the entire first row, men behind ; this gave in my opinion some sound saturation in the forte (moreover in some fortissimo which didn’t appear really justified). From our seats, the orchestra wasn’t playing loud enough – Harding asking permanently the strings to ‘reduce’ and their vibrato was really minimalist.
We won’t speak about the soloists, since their part is somewhat reduced and they stood just before the choir, so we didn’t hear them enough (they sound indeed much better on the video).
To conclude, a good concert, a conductor to follow, even if we lacked a little of strong musical emotions.
Variations symphoniques – Symphonic variations – 1938
Symphonie nº 1 – 1947
Concerto pour orchestre – 1954
Musique funèbre pour orchestre à cordes – Music of mourning – 1958
Postlude n° 1 – 1960
Jeux vénitiens – Venetian games – 1961
Trois Poèmes d’Henri Michaux – 1963
Paroles tissées – 1965
Symphonie nº 2 – 1967
Livre pour orchestre – 1968
Préludes et fugue pour cordes – 1972
Mi-parti pour orchestre – 1976
Une aubaine que ce coffret de 3CD à prix modique (moins de 10 € – mais il n’apparaît plus au catalogue Brilliant), sous la direction évidemment autorisée – et excellente – du compositeur, le tout dans de superbes conditions sonores, qui nous offre un large panorama de sa musique orchestrale jusqu’à 1976 ; surtout une occasion de s’aventurer sans mal dans la musique du XXe siècle en partant d’un idiome type Szymanowki (Variations symphoniques) ou Bartók (Concerto pour orchestre). On commentera dans l’ordre des CD proposés.Les Variations symphoniques, déjà, sont un vrai chef d’oeuvre : c’est construit, raffiné, beaucoup de ‘drive’ et d’atmosphères ; on a parlé des influences de Szymanowski, du premier Stravinsky, on pourrait ajouter Roussel, mais c’est en fait déjà très personnel.
La 1ère symphonie (composée 3 ans après la 5e de Prokofiev, cela s’entend … et à peu près en même temps que la Turangalîla) est dans un style assez motorique, avec un 1er mouvement à l’orchestration assez chargée. Le tout parait un peu trop bien découpé, métronomique, voire simple, mais au moins c’est très vivant.
La Musique funèbre pour cordes est dédiée à la mémoire de Bartók, elle n’est pas plagée ici alors qu’elle comprend 4 mouvements : Prologue, Métamorphoses, Apogée, Épilogue. On a écrit que c’était sériel, çà parait curieusement consonant, que c’est aussi contrapuntique que la Musique pour cordes, alors que çà parait presque simpliste en regard. Mais c’est sonnant et il y a une certaine atmosphère, notamment à la fin de l’oeuvre.
La 2e symphonie, de 1967, qui vit son 2e mouvement créé par Pierre Boulez en 1966, est en 2 mouvements : Hésitant et Direct. Le premier est très original, sa forme rondo permettant d’illustrer cette hésitation par une série d’épisodes aux alliages sonores recherchés, grâce notamment à la harpe, au piano, au célesta et à une percussion abondante et variée – des mondes sonores envoûtant – on pense parfois à certaines scènes des films de Tarkovsky. Le 2e mouvement est aussi très original, avec tantôt ses masses de cordes mouvantes, ses rythmes ‘élastiques’ ; on est loin des barres de mesure de la 1ère et quelle évolution du langage en 20 ans ! Si ce n’est qu’ils sont suivis de la reprise du début du mouvement aux cordes graves, les derniers accords font un peu le même effet que les 6 accords concluant la 5e de Sibelius…
Le Concerto pour orchestre est sans doute l’œuvre la plus connue du compositeur. Il est en 3 mouvements : Intrada, Capriccio notturno, Passacaille toccata choral & final. Contrairement à ce que l’on a pu lire, c’est quand même très influencé par l’oeuvre homonyme de Bartók, écrite 11 ans plus tôt. Cela ne l’empêche pas, dans son idiome de folklore également réinventé, de présenter nombre de traits caractéristiques du compositeur, par exemple l’adéquation parfaite des sonorités instrumentales au discours. N’était nous semble-t-il une moindre sophistication harmonique, il pourrait surpasser l’œuvre de feu son collègue hongrois. Le Finale est un tant soit peu redondant.
Jeux vénitiens : (car créés à Venise) C’est un langage nettement plus moderne, [toujours avec piano – il faudrait bien écrire un papier sur l’usage du piano dans la musique symphonique du XXe siècle] ; l’auteur aurait déclaré que c’est à partir de cette pièce qu’il s’estimait être parvenu à la maturité et effectivement on assiste à l’apparition d’un nouveau langage. C’est supposé un peu aléatoire, un ‘gimmick’ des années 60 qui a complètement disparu. Le dernier des 4 mouvements, avec un passage « à la Varèse » est superbe d’énergie.
Livre pour orchestre : ici encore que d’inventions sonores (ici encore les parties de piano nous paraissent manquer de brillant) ; ce qui frappe le plus est cette espèce de magma orchestral grouillant : il se passe toujours quelque chose chez Witold ! On imagine bien l’exigence que cela représente pour les instrumentistes.
Je commenterai peut-être le 3e CD plus tard…
A real windfall this box of 3CD (less than 10 € – but it doesn’t appear on the Brilliant site anymore), under the obviously authorized direction – and excellent – of the composer, with superb sound conditions: it offers a broad panorama of his orchestral music up to 1976; especially an occasion to venture without too much discomfort in the music of the XX century starting from an idiom like Szymanowki (Symphonic Variations) or Bartók (Concerto for orchestra). We will comment following this edition’s order.The Symphonic Variations are already a masterpiece: it is refined, plenty of “drive” and atmospheres; we can note influences of Szymanowski, the first Stravinsky, one could add Roussel, but it is in fact already very personal.
The 1st symphony (written 3 years after Prokofiev 5th, which can be pointed out… and about at the same time as the Turangalîla) the style is rather motoric, 1st movement showing a rather loaded orchestration. The whole appears a little too well cut out, metronomic, even simple, but at least it is very much alive.
The Funeral Music for strings is dedicated to the memory of Bartók, it is not ranged here whereas it includes 4 movements: Prologue, Metamorphoses, Apogee, Epilogue. One wrote that it is serial, though it appears curiously consonant, that it is as contrapuntal as the the Music for strings, whereas that appears almost simplistic in glance. But it is sounding and there is a certain atmosphere, in particular at the end of work.
The 2nd symphony, 1967, which saw its 2nd movement created by Pierre Boulez in 1966, is in 2 movements: Hesitating and Direct. The first is very original, its form rondo making it possible to illustrate this hesitation by a series of episodes to sought sound alloys, thanks in particular to the toothing-stone, the piano, the celesta and of an abundant and varied percussion, one thinks sometimes of certain scenes of films byTarkovsky. The 2nd movement is also very original, with sometimes its masses of moving cords, its rates/rhythms “elastic”; one is far from the 1st and what a language evolution in 20 years!
The Concerto for orchestra is undoubtedly the most known work of the composer. It is in 3 movements: Intrada, Capriccio notturno, Passacaille toccata choral & final. As opposed to what one could read, it nevertheless is very influenced by the homonymous work of Bartók, written 11 years earlier. That does not prevent it, in its idiom of also reinvented folklore, to present a number of features characteristic of the composer, for example the perfect adequacy of instrumental sonorities to the speech. Seems he was not us a less harmonic sophistication, he could exceed the work of fire his Hungarian colleague. The Finale is so much is not very redundant.
Jeux vénitiens (created in Venice) and Livre pour orchestre – really modern pieces, most enjoyable : the 4th movement of Jeux and the final part of the Livre.
S’il est un compositeur autrichien mal connu – en France tout du moins – c’est notamment Franz Schreker (1878-1934).
Franz Schreker (1878-1934) is still not very well known outside Austria or Germany. Jew of birth, he will know the greatest honors (Academy of Vienna, Director of the Berlin Academy in 1920 with such professors as Paul Hindemith, Artur Schnabel and Arnold Schoenberg… After being dismissed of all his functions in 1933 by the Nazis, he dies (fortunately?) in 1934, at 56.
Juif de naissance, il connaîtra les plus grands honneurs (Conservatoire de Vienne, Directeur du Conservatoire de Berlin en 1920 avec comme professeurs nommés alors, des pointures telles que Paul Hindemith, Artur Schnabel et Arnold Schoenberg… Après avoir été démis de toutes ses fonctions en 1933 par les nazis, il meurt (heureusement ?) en 1934 à 56 ans.
Il connaîtra de grands succès publics avant la stigmatisation de l’extrême-droite des années 30.
Brilliant classics reprend ici des prises qui permettent de faire un tour rapide de sa production (rien de ses nombreux opéras bien sûr) sous la direction apparemment très érudite du chef d’orchestre et pédagogue Peter Gulke, avec les orchestre et chœur de Cologne. Il est évidemment scandaleux que « l’éditeur » ne mentionne pas l’origine des ‘bandes’ ni la date d’enregistrement.
Certes, c’est de la musique « Zemlinsko-Mahlero-Straussienne », plutôt dans cet ordre, mais on trouvera dans cette boîte de 2 CD à prix modique de quoi titiller l’oreille du mélomane non réfractaire à une certaine ambiance fin de siècle, mais pas « décadente » pour autant : on a toujours l’impression d’une nostalgie nazi quand on voit qualifier ainsi la Vienne du début du XXe siècle (Klemperer, Hindemith ou Schoenberg, par exemple, décadents ?).
On ne va pas rentrer dans le détail (cf), et on passera sur une Symphonie n°1 un peu laborieuse. On trouvera surtout quelques chefs d’œuvres : et d’abord la participation de Gert Westphal comme narrateur, ‘sprechgesanger’ plutôt, notamment dans Das Weib des Intaphernes, œuvre très prenante même quand on ne comprend comme moi qu’un mot sur quatre (pas de livret évidemment) ; un récitant épatant, parfois un peu façon Ustinov : on n’a pas de souvenir à part Pierrot lunaire d’un mélodrame où l’intégration voix-musique est si réussie. Autres moments fort : 5 Gesange par l’excellente soprano Mechtild Georg et le Psaum 116, très Requiem de Brahms et 8e de Mahler.
N’hésitez pas vu le prix – si vous n’êtes pas germanophobe, vous le réécouterez…
He will meet be great public successes before the stigmatization of the extreme-right in the Thirties. Brilliant classics in this 2 CD set presents examples of his production (nothing about his numerous operas of course) under the conductor and pedagogue Peter Gulke, with the Cologne orchestra and chorus.
Besides a so-so Symphony n°1, some great works: first the participation of the great Gert Westphal as narrator, `sprechgesanger’ rather, in particular in Das Weib of Intaphernes, a very fascinating piece (but no booklet…). Other strong moments : 5 Gesange by the excellent soprano Mechtild Georg and the Psaum 116, very Requiem of Brahms and 8th of Mahler like. Do not hesitate considering the price – if you are not Germanophobe, you will go back to it…
On s’est rappelé que l’on avait 3 versions de concert du Tombeau de Couperin de Ravel par Kubelik ; pourquoi pas une petite comparaison avec les versions officielles dont on dispose ?
Je ne reviendrai pas ici sur le fait que ce très grand chef fut mésestimé – en partie par sa faute, lui qui détestait le ‘star system’ – mais d’autant plus dans le répertoire français : ce fut notamment un grand Berlozien (il fut principalement à l’origine de la redécouverte des Troyens, pas Colin Davis, par exemple).
Au-dessus, les versions dont on dispose ; on voit que Martinon est le plus lent, Paray le plus rapide, Tharaud est là comme témoin pour la version orginale pour piano.
Chacune des six pièces est dédicacée à des amis du musicien, tombés au feu au cours de la Première Guerre mondiale. Prélude – à la mémoire du lieutenant Jacques Charlot (qui travailla sur sa musique aux éditions Durand) Fugue – à la mémoire de Jean Cruppi (dont la mère avait participé à la mise en scène de L’Enfant et les sortilèges) Forlane – à la mémoire du lieutenant Gabrel Deluc Rigaudon – à la mémoire des frères Pierre et Pascal Gaudin Menuet – à la mémoire de Jean Dreyfus (beau-frère de Roland-Manuel) Toccata – à la mémoire du capitaine Joseph de Marliave (ce dernier, musicologue, était l’époux de Marguerite Long qui donna la première du Tombeau de Couperin).
4 pièces seront ‘orchestrées’ (plutôt recomposées) en 1929 : Prélude, Forlane, Menuet et Rigaudon.
L’écoute de la version Tharaud (d’une prise de son peu précise) met l’accent – avec talent et distinction -, comme on s’y attendait connaissant le répertoire du pianiste, sur le classicisme de l’oeuvre. Un peu comme pour Mozart, la perfection classique et parfois glacée de Ravel nous semble toujours un paravent masquant sinon une angoisse, en tout cas un mystère, même si le pastiche peut tourner à la pochade secrète : cf. analyse de la Forlane.
Prélude
Paray est donc très rapide, avec un orchestre et une prise de son très brillants.
Cluytens parait moins décidé, c’est moins bien fini orchestralement.
Kubelík 1962 : malgré la mauvaise prise de son, on entend bien que ce sont des bois allemands, un peu plus « patauds », on regrette le ‘piqué’ des cordes de Paray, mais le drame sous-jascent jusque là apparaît au n° 7, avec la trompette ; le concert de 1972 toujours à la Bavaroise paraît un peu en deçà.
Boulez à New York pâtit d’une prise de son un peu distante, c’est très bien en place, mais l’intérêt se dissipe peu à peu.
Martinon bénéficie de bois et de vents superbes, c’est beau sans plus.
Dans la même durée, revoici Kubelík à Chicago en 1983, de belles intentions, mais comme Boulez, cela manque d’animation dans la 2e partie.
Gelmetti : c’est tout juste si l’on entend les hautbois, on laisse pour la suite.
Pour la Forlane, on peut entendre l’original de Couperin ici.
Paray : on n’entend pas assez les bois, notamment la flûte, mais c’est très élégant (toujours ces cordes).
Cluytens : On entend mieux les timbres, çà manque un peu d’allant, on aime bien les hautbois un peu nasillards. La 2e partie est mieux, finalement très ‘Forlane’ et très ‘Couperin’.
Kubelík est sans doute mieux :
C’est encore mieux en 1972 : de la tenue, du chic.
Boulez : la plus lente, du coup les appuis sont un peu trop marqués, c’est dommage, de beaux timbres.
Martinon : plus de ‘chair’, plus de timbres, d’expressivité aux cordes, c’est un peu moins bien en place que chez Boulez mais bien plus vivant et coloré.
Kubelík – Chicago : c’est un peu moins bien tenu qu’avec la Bavaroise, mais de beaux moments de poésie.
Menuet
Paray, le plus rapide, est parfait, Cluytens paraît un peu survolé : des détails n’apparaissent pas, certaines indications sont plus ou moins respectées… on l’écarte.
Kubelík 62 : en plus de sa science des cordes de par sa formation de violoniste, il savait faire dialoguer les bois et les vents comme personne ; la version la plus émouvante jusqu’ici. A peine moins heureux en 1972.
Boulez toujours lointain, on ne se sent pas concerné, on écarte.
Martinon fait le plus penser à Kubelík, dont il était très proche, comme Klemperer – superbe fusion des timbres, un petit peu sollicité (cordes).
Kubelík en 83 est un peu plus rapide, un peu moins bien qu’avec ses Bavarois.
Rigaudon
Paray court la poste et cette fois çà semble un peu trop rapide, mais la Pastorale centrale est pleine d’esprit.
Kubelík 62 sonne un peu plus épais, mais c’est l’évidence même avec des rythmes de danse plus affirmés. C’est encore une fois à peine moins bien en 72.
Martinon : c’est assez cuivré, beaucoup de ‘chic’ au bon sens du terme.
Kubelík 83 est plus lent, toujours un peu moins bien qu’à Munich.
Conclusion : Martinon (EMI) est un premier choix dans une superbe intégrale Ravel, Paray (Mercury) a ses atouts dans un CD qui comprend aussi des Escales de Jacques Ibert atmosphériques à souhait. La qualité des versions Kubelík montre une fois de plus qu’il n’est pas nécessaire de chanter dans son arbre généalogique pour interpréter une musique d’une autre nationalité. Si Audite pouvait rééditer ce concert…
Remembering I get 3 versions in concert of Ravel’s Le tombeau de Couperin by Kubelik, why not a small comparison with some official versions?
I won’t repeat here how much he is unconsidered, partly by his fault, rejecting fiercely the “star system” – but all the more in the French repertory: he was in particular a great Berlozian (he was mainly at the origin of the rediscovery of les Troyens, for example).
Above, the versions I get; it appears that Martinon is the slowest, Paray the fastest, Tharaud is here as a witnesses for the original version for piano.
Each of the six parts is dedicated to friends of the musician, who died during the First World War.
Prélude – to the memory of lieutenant Jacques Charlot (who worked on his music with the Durand editions) Fugue – to the memory of Jean Cruppi (whose mother had taken part in the setting in scene of L’enfant et les sortilèges) Forlane – to the memory of lieutenant Gabrel Deluc Rigaudon – to the memory of the brothers Pierre and Pascal Gaudin Menuet – to the memory of Jean Dreyfus (brother-in-law of Roland-Manuel) Toccata – to the memory of captain Joseph de Marliave (this last, musicologist, husband of Marguerite Long who gave the première of Le tombeau de Couperin).
4 parts “will be orchestrated” (rather recomposed) in 1929: Prelude, Forlane, Menuet and Rigaudon. The listening of the Tharaud version (in a sound lacking of focus) emphasizes – with talent and distinction – the classicism of the work.
Prélude
Paray is very fast, with brillant orchestra and sound recording.
Cluytens appears less decided, is less orchestrally refined
Kubelík 1962: in spite of the bad sound, one hears well that they are German wood, a little more lumpish, one regrets the “piqué” of the strings with Paray, but the drama under-jascent until there appears with the n° 7, with the trumpet; the concert of 1972 with the Bavarian again appears a little bit below.
Boulez in New York suffers from a little distant sound recording, it is very well tuned, but the interest fades rapidly.
Martinon profits from superb wood and winds, it is beautiful without more.
In the same duration, again Kubelík in Chicago in 1983, beautiful intentions, but as Boulez, it misses some animation in the 2nd part.
Gelmetti: you can hardly hear the oboes are heard, we will discard it.
Forlane, one can hear the original of Couperin here.
Paray: one does not hear enough woods, in particular the flute, but it is very elegant (always these strings).
Cluytens: One hears better the tones, it lacks a little bit of energy, we like the oboes, a little nasal. The 2nd part is better, finally very “Forlane” and very “Couperin”.
Kubelík is undoubtedly better:
It is still better in 1972.
Boulez: the slowest, accents are marked a little too much.
Martinon: more “flesh”, more colors, more expressive strings, a little less refined than Boulez but much more living.
Kubelík – Chicago: it is a little less better held that with the Bavarian one, but there are beautiful moments of poetry.
Menuet
Paray, the fastest, is perfect,
Cluytens appears a little overflown: details do not appear, some indications are more or less respected…
Kubelík 62: in addition to his science of the strings from his violinist career, he could make dialogue wood and winds like no one; this is the more moving version up to now.
Almost as good in 1972.
Boulez always remote, one does not feel concerned.
Martinon makes more think of Kubelík, to whom he was very close, as with Klemperer – superb fusion of tunes, solicited a little bit (strings).
Kubelík in 83 is a little faster, a little less good than with his Bavarians.
Rigaudon
Paray is a little too fast, but the Pastoral part is full with spirit.
Kubelík 62 sounds a little thicker, but it is the obviousness even with more marked rates/rhythms of dance. It is once again hardly less good into 72.
Martinon: it is rather coppered, much of “knack” in the good sense of the term.
Kubelík 83 is slower, always a little less good than in Munich.
Conclusion
Martinon (EMI) is a first choice in a superb Ravel integral, Paray (Mercury) has its assets in a CD which includes also atmospheric Escales of Jacques Ibert.
The quality of the Kubelík versions shows once more that it is not necessary to sing in its family tree to interpret a music of another nationality. If Audite could publish this 1962 concert…
Actualité culturelle – Musique classique & contemporaine