Philippe Entremont a dirigé de nombreux jeunes solistes quand il était à la Manhattan School, et notamment la pianiste d’origine bulgare Anna Petrova : « je me rappelle qu’elle avait des doigts » m’a-t-il dit. (cf. vidéo ci-dessous).
Je reçois régulièrement des nouveautés de ce label allemand qui toutes ne retiennent pas mon attention, mais on a là une perle.
Un programme enthousiasmant tout d’abord et très copieux : essentiellement, la 2e sonate de Scriabine, les Variations Corelli de Rachmaninov et la 6e sonate de Prokofiev.
Une interprétation captivante : c’est sûr qu’elle a des doigts et qu’elle sait s’en servir pour magnifier ces trois grandes œuvres qui, bien que russes (encore que Proko…), présentent des univers bien différents. On entend de plus en plus souvent en concert ou au disque la 2e sonate de Scriabine : de durée modeste, elle échappe à l’emprise chopinienne des débuts sans atteindre les délires métaphysiques des dernières sonates. C’est ici superbement interprété, tant au niveau de la conduite du discours que de la luminosité des timbres.
Le thème des Variations Corelli vous « prend l’oreille » d’emblée. Le sens de la carrure, du rythme et des dynamiques font que l’attention ne faiblira pas tout au long de ces 22 pièces.
La si difficile 6e sonate de Prokofiev trouve ici une version plus que convaincante : c’est direct, vivant, sans effet exagéré et virtuose à souhait. L’album s’achève avec un clin d’œil bulgare : une petite pièce enlevée et un peu folklorique du compositeur Pantcho Vladiguerov.
Un disque magnifique.
(Il s’agit de son premier CD, par une pianiste bulgare vivant aux USA, enregistré il y a quatre ans par un éditeur allemand, dans un conservatoire espagnol et fabriqué en Autriche, autant dire qu’il n’y a pas de livret en français).