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Meilleures versions du Sacre du printemps (1/3)
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Cf. aussi la récente version Zinman
Cf. autres discographies comparées
On s’attaque ici à un monument fondateur de la musique contemporaine, au même titre que les œuvres de Debussy – qui joua la partition à 4 mains avec le compositeur – ou que Schoenberg, qui ne joua certainement pas la partition à 4 mains avec le compositeur…Rappelons que la création en 1913 intervint seulement 16 ans après la mort de Brahms… On en profite au passage pour rappeler que Stravinsky était un personnage plutôt conservateur : il tentât, aidé notamment par Jacques-Émile Blanche, d’être admis à l’Académie française, mais à son grand dam, ce fut Florent Schmitt qui le fut… On sait que le scandale de la création au Théâtre des Champs-Élysées le 29 mai 1913 était principalement dû à la chorégraphie, l’œuvre connaîtra un succès en concert un an plus tard. Si j’estime Schoenberg et Debussy au moins aussi importants pour les débuts de la musique moderne, il me semble faux de dire que ce n’est pas une œuvre révolutionnaire (même si son langage est certes modal ou polytonal) et qu’elle n’a pas eu d’influence sur les compositeurs. André Boucourechliev distinguait dans le Sacre les Khorovods (danses et chants russes inspirés de la Grèce antique), Danses (de la Terre, Danse sacrale, Jeu des cités rivales, Jeu du rapt) et les processions (Cortège du sage, Invocation des ancêtres…). Richard Taruskin dans Stravinsky and the Russian Traditions distinguait 3 principes dans Le Sacre : drobnost (l’œuvre est constituée de la somme de ses parties plutôt par une idée générale), nepodvizhnost (l’accumulation de blocs statiques juxtaposés), et unproshcheniye (la réduction de tout développement organique entre les sections, donnant une impression d’immobilité). Nicolas Slonimsky a mis en cause la traduction anglaise des titres donnés aux différentes sections : |
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Commençons par un Khorovod pas très éloigné de l’introduction de l’œuvre : http://youtu.be/XMg1lO-oNK0On va parcourir les bientôt 91 versions en notre possession, avec le coffret Sony / RCA (10 CD, mais en ayant supprimé les compléments des éditions originales, sauf curieusement Feux d’artifice par Ozawa et la Symphonie en 3 mouvements par Salonen ?), avec 2 live : Boulez – 1963 et Kubelík -1971. et le coffret Universal (35 versions sans les compléments des LP / CD originaux).Le but étant de sélectionner 5 à 6 versions marquantes, à comparer ensuite de façon plus approfondie. Les notes données le sont à fin de sélection future.On va parcourir tout cela dans un joyeux désordre. Tableau des versions avec temps et notes : Les versions retenues pour une confrontation finale seront celles ayant obtenu 7,5. Les versions notées 7 sont généralement excellentes néanmoins.1 – Stokowski – 1930 : le fameux pionnier, « l’homme des premières mais pas des deuxièmes », donne une version très sage, calme, avec des instrumentistes parfois à la peine. 52 – Marris Jansons à Oslo en 1993 donne une version très propre, détaillée, très bel orchestre. 73 – Esa-Pekka Salonen à Los Angeles en 2008, adulé par la critique, déçoit : on est pourtant en SACD – , mais c’est enregistré par la DG qui a encore sévi par manque de définition. C’est un peu « plan-plan », avec curieusement quelques approximations. belle introduction du Sacrifice, mais les pianissimi sont un peu exagérés. Les Cercles mystérieux commencent bien mais s’épuisent assez vite, l’Action rituelle des ancêtres est un peu mièvre. La danse sacrale est bien rendue, mais que tout cela manque de ‘drive’. 6,5 4 – Qu’en a fait notre cher Svetlanov en 1966 ? L’introduction présente de beaux timbres, mais est un peu chaotique. Les augures sont bien lents et plats, ensuite ça se traîne, ce n’est pas propre, bref un jour sans ? On a failli abandonner rapidement, mais il y a ensuite quelques fulgurances et tout s’anime : du grand art, ça devient même menaçant (la fin de la Danse de la terre). L’introduction du Sacrifice est superbe, les instrumentistes russes de l’époque n’avaient à se forcer pour sonner « païen ». Après, on est dans la grande pyrotechnie orchestrale à la Svetlanov ; on peut ne pas aimer, nous on adore… et cette fois on ne s’ennuie pas ! La fin est tout bonnement géniale. 8 5 – Ce sera dur pour la prochaine version… Ce sera Andrew Litton (2012) dans la version révisée de 1947 (réalisée pour cause de droits d’auteurs aux USA). Çà commence mal comme pour Svetlanov, les Augures manquent d’ampleur et de nerf ; à part une percussion bien sonnante, cette fois ça ne démarre pas ; une version très musicale néanmoins. 6 6 – Philippe Jordan en 2012 : dès les premières mesures, on a de la présence dans les timbres, c’est bien phrasé, agencé, il y a de la tension, la meilleure introduction jusqu’ici, après c’est un peu plus linéaire, mais très musical, sans aucun doute un des meilleurs chefs – techniquement – que l’on entendra ici ; malgré la battue très serrée, on a là une version très poétique, dommage que la prise de son soit juste moyenne. L’anti Svetlanov… – Cf. CD – 7,5 7 – Stravinsky – « Philharmonic-Symphony Orchestra of New York » – 1940 : une belle prise de son pour l’époque, assez proche, une version calme, posée qui dégage ainsi beaucoup de chaleur et d’ambiance. Il reste qu’il y a des imperfections : un montage raté, des fausses notes, des articulations poussives, notamment la dernière partie franchement pas au niveau. 6 8 – Monteux – Boston – 1951. 38 ans après la création. On entre déjà dans les versions modernes, c’est à dire maîtrisées instrumentalement. On retrouve les qualités de clarté du grand chef dans les œuvres « chargées » (cf. ses fameux Daphnis), même s’il y de nombreux passages (Jeu du rapt…) où de toutes façons on ne peut tout entendre. Il disait volontiers « Je n’interprète pas la musique, je la joue », c’est bien le cas ici. Il l’avait déjà fait à San Francisco en 1949 pour la même firme RCA et encore une fois en 1954 avec l’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire. Donc de la clarté, de la précision, surtout une superbe gestion du temps, très belle prise de son pour l’époque. 8 9 – Ormandy – Philadelphia – 1955 10 – Stravinsky – Columbia symphony orchestra – 1960 11 – Ozawa – Chicago – 1968 11 – Boulez – Cleveland – 1969 12 – Bernstein – London symphony – 1972 13 – La 1e version Salonen – Philharmonia – 1989 |
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14 – Kubelík – Orchestre symphonique de la Radio bavaroise – 1971 – Live. Ce sera la seule version de concert de la confrontation avec une de Boulez. A ma connaissance, Kubelík n’aura dirigé que 2 fois le Sacre : un mois après le décès du compositeur à Munich, 10 jours plus tard au Konzerthaus de Vienne. Il donnait le 6 juin une version quelconque et 10 jours plus tard avec le même orchestre une version aussi personnelle qu’aboutie… C’est la lecture la plus emprunte de mystère depuis le début et qui soutient l’intérêt par une tension sourde malgré la lenteur des tempi et l’absence de tout caractère démonstratif. Ça ne se veut pas, c’est., mais le son est assez précaire. 8
15 – Tilson Thomas – San Francisco – 1999. 16 – Craft – Philharmonia – 2007. Beaucoup de ductilité, de vie dans l’introduction du I. Le son manque de naturel, ça sent le multi-micros trafiqué, mais ce sera certainement une des versions les plus lisibles. On notera l’excellente tenue rythmique, la cohérence, de superbes timbres, toute la fin du I est superbe, le tout avec éloquence et élégance. C’est peut-être moins dionysiaque que la version Ozawa, mais c’est splendide. Introduction très vivante du II. Une Glorification des élues un peu lente, un peu de lenteur aussi avec les Ancêtres. La note est une moyenne entre un I extraordinaire et un II un peu en deçà. 8 17 – Nagano – London philharmonic – 1990. La prise de son est très « travaillée ». C’est une des versions les plus claires et les plus analytiques, c’est même assez sidérant, notamment au niveau de la gestion des plans sonores. Je me rappelle avoir assisté à un concert de ce chef avec l’orchestre de Montréal où je me sentis obligé de rappeler à mon amie le ‘programme’ des Nocturnes de Debussy, tellement l’interprétation me paraissait froide et distanciée – sans parler du non-sens à mon goût que fut le Chant de la terre qui suivait. Mais ici cette lecture analytique – aidée par l’ingénieur du son – paye dans cette œuvre robuste vis-à-vis de toute interprétation (j’ai le souvenir de séances de discographies comparées telles la 5e de Beethoven ou la 2e de Mahler où on en a marre à la fin… rien de tel ici, même avec les moins bonnes interprétations, on reste haletant). Bref, si ce n’est pas la version la plus inspirée, c’est remarquable de technique de direction et de réalisation instrumentale. 7,5 18 – Boulez – Orchestre national de France – 1963 : Introduction I : ça sonne mal, c’est lointain, ça se traîne. Pour une lecture que nombre de critiques français ont qualifié de radicale… Mais on doit me faire parvenir j’espère un autre report de ce concert édité par Fonit Cetra « No noise by sonic solution », « sound rebirth » est indigne, Stokovsky 1930 est mieux.Suite : 2/3 Ci-dessous, plus de 700 pochettes de LP / CD |
We attack here a monument, a founder of modern music, as well as Debussy’s works – who played the score at 4 hands with the composer – or Schoenberg, who did not certainly play the score at 4 hands with the composer… The première occurred only 16 years aafter Brahms’s death… Let us recall that Stravinsky was rather conservative: for example, he tried, helped by Jacques-Emile Blanche, to become a member of the French Academy, but without success, Florent Schmitt got the place instead… It is known that the scandal of the creation in the Theâtre des Champs-Élysées on May 29, 1913 was mainly due to the choreography, the work will be a success in concert one year later. If I consider Schoenberg and Debussy at least as important for the beginnings of the modern music, it seems to me false to say that it is not a revolutionary work (the language is certainly modal or polytonal) and that it did not have of influence on composers later on.André Boucourechliev distinguished in the Rite of Spring Khorovods (dances and Russian songs inspired by ancient Greece), Danses (de la Terre, Danse sacrale, Jeu des cités rivales, Jeu du rapt) and processions (Cortège du sage, Invocation des ancêtres…).Richard Taruskin in Stravinsky and the Russian Traditions disntinguished 3 principles in The Rite: drobnost (the idea of a work being the sum of its parts rather than driven by an overarching idea), nepodvizhnost (the accumulation of ‘individual static blocks in striking juxtapositions’), and unproshcheniye (the reduction of any organic developement between the different sections of a work, producing an impression of immobility).Nicolas Slonimsky has proposed a ‘right’ translation of the sections titles in English : |
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Let us start with a Khorovod not very far away from the introduction of the work: http://youtu.be/XMg1lO-oNK0We will listen to the 91 versions in our possession, with the box Sony/RCA (10 CD), the Universal box (35 versions) and those which we had or could consult: Litton, Jansons, Svetlanov, Jordan (Philippe), Järvi, Nagano and of course the famous Kubelík concert. The goal being to select 5 to 6 outstanding versions, and to compare then more thoroughly. The notes given are for our future selection. Spreadsheet with recordings, times and quotes: The final evaluation will retain versions with a quotation at least of 7.5. Versions quotet 7 are excellent nevertheless.« Dim » or « Sim » ? An interesting commentary of conductor Frédéric Chaslin on publishers mistakes1 – Stokowski – 1930: the famous pioneer, “the man of the first premieres but not of the seconds”, gives a very wise version , calm, with instrumentalists sometimes in great difficulty. 52 – Marris Jansons in Oslo in 1993 gives a very clean version, detailed, with a very beautiful orchestra. 73 – Esa-Pekka Salonen in Los Angeles in 2008, adulated by the criticis, disappoints: this is a SACD -, but the recording by DG still lacks of definition. It is a little still, with curiously some approximations. Beautiful introduction of the Sacrifice, but the pianissimi are a little exaggerated. The Cercles mystérieux start well but become exhausted rather quickly, the Action rituelle des ancêtres is a little precious. The danse sacrale is well done, but we miss some drive. 6,54 – What made our dear Svetlanov of it in 1966? The introduction shows beautiful tones, but is a little chaotic. The Augures are quite slow and flat, then it is slower, not clean, in short a day without? We almost gave up, but then, there are some urgencies and the whole becomes animated: great art, which even becomes threatening (end of the Danse de la terre). The introduction of the Sacrifice is superb, the Russian instrumentalists in that time did not have to be forced to sound “pagan”. Afterwards, we are in the great orchestral pyrotechnics of Svetlanov; one can dislike, we adore… and this time we are not bored! The end is simply brilliant. 85 – It will be hard for the next version… It will be Andrew Litton (2012) in the revised version of 1947 (realized due to royalties’ problems in the USA). That starts badly as for Svetlanov, the Augures miss width and of nerve; separately a percussion well sounding, this time not any awakening as for the previous one; a very musical version nevertheless. 6.6 – Philippe Jordan in 2012: as of the first bars, there is presence in the tones, it is well phrased, arranged, there is tension, the best introduction up to now, after it is a little linear, but very musical, without no doubt one of the best conductors – technically – whom we will hear here; in spite of the very tight beat, this is a very poetic version, too bad the sound recording is just average. Anti-Svetlanov… – Cf. CD – 7,57 – Stravinsky – “Philharmonic-Symphony Orchestra of New York” – 1940: a beautiful sound recording for the time, rather near, a calm version, paced, releasing much heat and ambiance. It remains that there are imperfections: a missed assembly, false notes, puffing articulations, in particular the last part frankly not at the right level. 68 – Monteux – Boston – 1951. 38 years after the premiere. The first modern version, i.e. instrumentally controlled. One finds qualities of clearness of the conductor in “charged” works (cf. his famous Daphnis), even if it there are many passages (Jeu du rapt.…) where in any case we one cannot hear all the parts. He used to say “I do not interpret the music, I play it”, it is well the case here. He had already done it in San Francisco in 1949 for same firm RCA and once again in 1954 with the orchestra of the Société des Concerts du Conservatoire. So, clarity, precision, especially a superb management of time, very beautiful sound recording for the date. 8 9 – Ormandy – Philadelphia – 1955 10 – Stravinsky – Columbia symphony orchestra – 1960 11 – Ozawa – Chicago – 1968 11 – Boulez – Cleveland – 1969 12 – Bernstein – London symphony – 1972 13 – The 1st Salonen version – Philharmonia – 1989 |
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14 – Kubelík – Bavarian Radio Symphony orchestra – 1971 – Live. It will be the only version in concert of this survey. To my knowledge, Kubelík will have conduted only 2 times the Rite of spring: one month after the death of composer, in Munich,and 10 days later at the Vienna Konzerthaus. He gave on June 6 a rather uninteresting lecture and 10 days later with the same orchestra a version as personal as accomplished… This is the readingwhich shows the more mystery from the very beginning and which supports the interest by a deaf tension in spite of the slowness of the tempi and the absence of any demonstrative will. That does not want to be, it is., but the sound is rather precarious. 815 – Tilson Thomas – San Francisco – 1999. Let us return on the ground and in studio. Tilson Thomas made work of pedagogy in the series keeping score, with in particular the Rite. Nothing much to point out in I, it is clean, distinguished, with very neat phrasings, it is a little mannered, but the orchestra and the sound recording are superb. II is more interesting, with a true conception. 7,516 – Craft – Philharmonia – 2007. A very lively ‘introduction of I. Sound is too much edited but this ives a clear lecture. Excellent rythm, coherence, superb tones, the last part of I is just superbe, elegant and eloquent. Maybe less dionysiac as with Ozawa but splendid netherveless. II introduction is also very lively. The rest is a little bit too much slow. Score is a mix between a fantastic I and a less enthousiastic II. 817 – Nagano – London philharmonic – 1990. The recording has been heavily « edited ». This is oen of the most clear and analytic versions, even dazzling, as for the sound strates management. This analytic reading, thus aided by the sound engineer, works very well indeed. Maybe not the most inspired version, but the conducting technique and the intrumental realization are outstanding 7,5Suite: 2/3 |
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Le Sacre du printemps - The Rite of spring800 pochettes – 800 sleeves |
Il existe également une version de Fedoseyev fracassante -ça pourrait bien être la première version enregistrée en numérique de l’oeuvre-, qui n’est pas inintéressante à connaître, parue chez EMI au tout début des années 80 si je ne m’abuse.
Je ne m’en sortirai pas, mais vous avez raison, je dois l’inclure…
J’espère faire un 4e round des 10 « meilleures » versions avec un ou deux chefs professionnels, mais ce sera dur à trouver un créneau…
Attention, car il existe deux versions de Boulez en 1963 avec l’Orchestre National de la RTF, l’une en studio (parue en CD chez Adès) et l’autre en live (concert du 28/06/1963 au Théâtre des champs-Elysées à Paris, parue en CD aux éditions des Champs-Elysées et chez Fonit cetra. Le report de l’édition des Champs-Elysées n’est pas terrible, mais celui de Fonit Cetra est encore pire, carrément inaudible !) A mon sens, les deux versions les plus intéressantes de Boulez sont le live à Paris en 1963 et la version Cleveland 1991, car elles sont opposées : la version live de 1963 montre un Boulez jeune et fougueux, restant précis et analytique (malgré la prise de son), et celle de 1991 montre un Boulez très analytique, très posé et précis, tout en conservant quand même du caractère. Les versions studio de 1963 (Ades) et Cleveland 1969 sont à mon sens beaucoup moins intéressantes…
Erratum : le concert date du 18/06/1963 et non du 28/06/1963, désolé pour l’erreur.
Pour compléter mon propos, c’est la version studio de 1963 (disponible en CD chez Ades) qui a été saluée par la critique et qui a obtenu le grand prix de l’académie du disque Charles Cros
Bonjour,
Suite à votre travail fort bien documenté et à mes recherches complémentaires, j’ai établi un tableau excel chronologique de toutes les versions que j’ai pu repérées. j’en dénombre à ce jour 209 (avec certaines peut être doueuses).
Si celà vous intéresse je peux vous l’envoyer par mail.
A bientôt
marrant que la pochette du Boulez/National/1963 indique un « Grand prix de l’académie Charles Gros »
il y en a plusieurs qui l’indiquent il n’existe pas à ma connaissance de liste historique des pris C. Cros