Mes occupations musicales en dehors des papiers dédiés. Continuer la lecture de Journal personnel 2024
Moments musicaux par Véronique Bonnecaze
Rencontre avec le violoncelliste Benedict Kloeckner
Arnold Schoenberg – Écrits – Fantaisie
C’est un bonheur de lire les écrits d’Arnold Schoenberg édités et traduits ici par Jean-Pierre Collot avec la participation de Philippe Albéra.
C’est la première fois que cette somme (1 531 p. !) est réunie en langue française ; elle bénéficie d’une remarquable introduction de Philippe Albéra et de la qualité coutumière des éditions Contrechamps.
On y apprend que Schoenberg était également conteur et inventeur d’histoires comme celle de La Princesse qu’il racontait à ses enfants pour les faire finir leur assiette (cf. livre en français et enregistrement de Schoenberg lui-même sur un magnétophone).
On est surpris de ses combats répétés contre Josef Matthias Hauer qui revendiquait son « invention » du dodécaphonisme ou vis-à-vis de élève et ami Webern qui avait tendance à antidater ses opus pour montrer qu’il n’était pas à la traîne…
Mais l’essentiel réside dans ses textes sur la musique ou sur sa musique. Une phrase humoristique : « J’étais rejeté et méprisé par les meilleurs musiciens de l’époque, et même Massenet n’hésita pas à prendre position contre moi ».
On trouvera notamment nombre d’analyses ou commentaire de ses œuvres, comme par exemple ses quatuors à cordes, et nombre de pensées qui laissent parfois étonné(e) : « Ainsi, quand il m’arrive de reprocher à certains jeunes compositeurs de servir le marché avec un peu trop de servilité, ils peuvent très bien me rétorquer – et sans doute ont-ils raison – que je ne tiens pas compte des exigences du marché » (on appréciera au passage sur ces échantillons la qualité de la traduction française). Il y a aussi d’intéressants propos sur d’autres compositeurs – l’éloge de son ami George Gershwin notamment.
Sans faire un inventaire complet (les textes sur la question juive sont intéressants, mais peuvent concerner un peu moins), quelle somme, quel écrivain, quel penseur, sacré Arnold ! L’impression qui prédomine est celle d’un penseur tous azimuts, mais toujours d’une grande cohérence avec son œuvre.
Un ouvrage indispensable aux éditions Contre champs.
L’occasion de rendre compte d’un nouvel enregistrement de la pianiste Pina Napolitano consacré à une mise en confrontation / relation entre la musique de Brahms et celles de la Seconde école de Vienne.
Il s’agit du troisième CD de la série « Brahms the progressive » qui doit se poursuivre avec d’autres publications. Cette fois, avec la complicité du violoniste Franco Mezzena, Pina Napolitano met en regard les sonates 2 & 3 de Brahms avec les quatre pièces op.17 de Webern et de Schoenberg un fragment de sonate pour violon (1928) et la Fantaisie pour violon et piano op.47 de 1949.
Bien que dodécaphonique, la structure et le romantisme caché rapprochent effectivement le fragment de sonate à Brahms.
La Fantaisie a un style très décidé, curieusement à la fois âpre et presque langoureux. Pour reprendre ses termes, c’est sûr qu’il ne « tient pas compte des exigences du marché ». Mais c’est dense, structuré, inventif, bien plus « qu’intéressant ».
Les sonates de Brahms et les pièces de Webern bénéficient également du style très sûr du violoniste et de la compréhension en profondeur de ces œuvres par Pina Napolitano.
Une nouvelle réussite parue chez Odradek.
Isil Bengi – Musiques de l’eau
Les sorcières Jatekok
Nouveautés novembre 2024
Récital de la soprano Aleksandra Kurzak
Non, ce n’est pas le visage de la soprano polonaise Aleksandra Kurzak qui figure sur la pochette, mais une figuration de Cornélie Falcon (1814-1897), une cantatrice presque aussi célèbre en son temps que Pauline Viardot ou la Malibran .
Elle a d’ailleurs donné son nom à l’appellation « soprano falcon », sorte de mezzo pouvant monter haut dans les aigus. Sa voix la lâchera à vingt-huit ans – elle ne mourra qu’à quatre-vingt trois ans.
Son répertoire, dont est issu ce programme comprenait Mozart et Beethoven, mais aussi ses contemporains : Meyerber, Spontini, Halevy, Weber, Berioz ou Rossini, ainsi qu’un compositeur bien oublié aujourd’hui (sauf son nom – l’École Niedermeyer) : le franco-suisse Louis Niedermeyer (1802–1861), avec un extrait d’un de ses opéras, Stradella – le récit et air « Ah : quel songe affreux » est de toute beauté – une découverte.
Alexandra Kurzak a une voix idéale pour interpréter ce répertoire « à la Falcon ». Ses grandes qualités confèrent d’ailleurs une vie prenante à ces enregistrements de studio. L’entente avec l’orchestre (le Morphing Chamber Orchestra de Vienne et le chef libano-polonais Basem Akiki) est tout à fait remarquable, avec de plus une très bonne prise de son.
Un grand disque, recommandé – Aparté
Rimsky-Korsakov & Sergei Bortkiewicz par Etsuko Hirose
Il existe déjà d’assez nombreuses transcriptions de Sheherazade pour le piano. Etsuko Hirose a réalisé la sienne et on se demande d’ailleurs si elle n’en a pas réalisé une autre pour quatre mains (cf. vidéo ci-dessous en duo avec le chef d’orchestre Frédéric Chaslin).
Sa transcription est à l’image de son interprétation : retenue et poétique.
Sergei Bortkiewicz (1877-1952) fait partie des compositeurs néo-romantiques – sa suite « Thousand and one nights » date de 1927 – Arnold, dont on fête cette année le 150e anniversaire de la naissance) était effectivement né en 1874… Une jolie musique, gentiment évocatrice.
Ce programme, interprété avec autant de maîtrise que de sensibilité, est paru chez Danacord.
Jean-Louis Beaumadier joue les concertos pour flûte de Mozart au piccolo
On peut s’étonner qu’il n’existe pas de nom pour le joueur de piccolo, comme un flûtiste, un hautboïste, etc. On peut d’autre part avoir une certaine crainte devant ce programme : les concertos de Mozart ne vont-ils pas sonner un peu « flûtiaus » ? C’est mal connaître notre Paganini du Piccolo ! (en cherchant l’adresse de son site, je m’aperçois qu’un certain Rampal l’avait déjà faite celle-là !).
Il les a joués déjà à la flûte (il existe un vieil enregistrement du côté de Marseille) et voilà qu’il nous fait croire que son instrument est une vraie flûte !
On est baba devant la technique, la sonorité (tenir les notes dans un souffle comme si c’était facile).
En plus, on a l’impression de ne quasiment jamais écouter ces œuvres alors qu’on les connaît par cœur en fait et que l’on a l’impression de « rentrer à la maison » : un vrai bonheur.
L’orchestre n’est peut-être pas le plus beau des orchestres de chambre, mais il est dirigé par l’excellent Vahan Mardirossian (cf. l’article sur leur précédent CD).
Un disque solaire paru chez Skarbo.
Haydn, Benéteau par le Quatuor Girard
Le programme, la tenue des instrumentistes devant un édifice religieux, l’éditeur Bayard musique, pas de doute, on est dans la chrétienté.
J’avais toujours été frappé par la qualité des Sept dernières paroles de Haydn par le quatuor Pražák. Voici une nouvelle et très belle version par le Quatuor Girard (cf. précédent papier les concernant).
Les mouvements sont intercalés par des lectures du philosophe Martin Steffens. Le deuxième CD est consacré aux Septs paroles de la Vierge d’Alexandre Benéteau. Sa biographie indique qu’il est « imperméable aux diktats de l’avant-garde »… C’est bien écrit, inspiré, on dirait presque du Haydn.
Un disque plutôt pour croyants de cet excellent quatuor. Bayard musique