J’avais déjà interviewé la compositrice (ici), je l’ai rencontré cette fois dans sa fonction actuelle de présidente de l’Académie des beaux-arts pour le compte du Syndicat de la critique parisienne.
Histoire
Un bref rappel historique :
L’Institut de France regroupe :
- l’Académie française (40 membres – fondée en 1635 par Richelieu),
- l’Académie des inscriptions et belles-lettres (55 membres – fondée en 1663 par Colbert),
- l’Académie des sciences (262 membres – fondée en 1666 par Colbert),
- l’Académie des beaux-arts (59 membres – descendante des académies royales fondées au XVIIème siècle, recréée en 1816 sous la Restauration)
- et l’Académie des sciences morales et politiques (50 membres – fondée en 1795 par la Convention).
L’Académie des beaux-arts est l’héritière des Académies royales de : peinture et sculpture, créée en 1648, de musique, en 1669 et d’architecture en 1671. Ces académies avaient été dissoutes lors de la Révolution française.
Elle est organisée en huit sections :
Section I : Peinture
Section II : Sculpture
Section III : Architecture
Section IV : Gravure
Section V : Composition musicale
Section VI : Membres libres
Section VII : Créations artistiques dans le cinéma et l’audiovisuel
Section VIII : Photographie
Son secrétaire perpétuel est, depuis le 1er février 2017, le compositeur et chef d’orchestre Laurent Petitgirard. À noter qu’Edith Canat de Chizy est la première femme élue présidente de cette Académie.
La compositrice
Tout en poursuivant des études d’art, d’archéologie et de philosophie à la Sorbonne, Edith Canat de Chizy obtint successivement six premiers prix au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, dont celui de composition. L’œuvre de cette violoniste de formation comporte à ce jour plus de soixante-dix opus. De nombreuses distinctions sont venues couronner son œuvre. Nommée Chevalier des Arts et Lettres en 1994, Officier de l’Ordre National du Mérite en 2012, élue à l’Académie des Beaux-Arts en 2005, Edith Canat de Chizy est la première femme compositeur à être reçue à l’Institut de France. En Janvier 2008, elle est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur. En 2016, l’Académie Charles Cros lui attribue le Grand Prix du Président de la République pour l’ensemble de son œuvre.
L’entretien
TV : Comment devient-on présidente de l’Académie des beaux-arts ?
ECDC : C’est tout à fait simple : c’est une présidence tournante sur toutes les sections, c’était le tour de la nôtre et cela se fait par ordre d’installation ; et comme le compositeur François-Bernard Mâche avait décliné sa nomination, ce fut mon tour. Ceci dit, il y a un vote de confirmation du président en début d’année. Ce sont des présidences d’un an.
TV : Ce poste est-il prenant ?
ECDC : Certainement : il faut, avec le secrétaire perpétuel, établir l’ordre du jour de chacune des séances hebdomadaires, assister aux séances elles-mêmes, prévoir les interventions des personnalités que l’on sollicite. J’anime les séances dans la grande salle (photo), avec à ma droite le secrétaire perpétuel et à ma gauche le vice-président (celui-ci deviendra le président pour l’année 2018, en l’occurrence Patrick de Carolis).
TV : Le Budget de l’Académie des beaux-arts doit être conséquent au regard de ses missions et de son patrimoine très conséquent comme par exemple le Musée et la bibliothèque Marmottan à Paris, la Fondation Claude Monet à Giverny, la Fondation Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat, la Fondation Dufraine dans le Val d’Oise ou la Fondation Jean et Simone Lurçat à Paris ?
ECDC : L’Académie est à la tête d’un patrimoine important – immobilier et collections – qui est issu de nombreuses donations ; l’Institut de France lui-même, situé dans l’ancien bâtiment du Collège des Quatre-Nations quai de Conti et qui abrite deux importantes bibliothèques : la bibliothèque de l’Institut et la bibliothèque Mazarine. Elle possède un riche patrimoine, dont font partie le château de Chantilly ou le Musée Jacquemart-André. Les cinq Académies sont « abritées » par l’Institut qui gère leur budget de fonctionnement.
TV : Y a-t-il des manifestations organisées par l’Académie ouvertes au public ?
EDCD : Bien sûr, toutes nos expositions ayant lieu dans la salle qui nous appartient quai de Conti. Nos communications mensuelles le sont également en partie. Les autres manifestations comme les installations ou la séance solennelle sont sur invitation.
TV : L’Académie décerne de nombreux prix me semble-t-il ?
ECDC : Oui, ils sont assez nombreux. Il existe notamment quatre grands concours, le Prix de Dessin Pierre David-Weill, le Grand Prix d’Architecture, le Prix Gravure Mario Avati, et le Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière, qui ont des dotations importantes.
De nombreux autres prix, incluant des prix d’ouvrages, sont remis dans toutes les sections artistiques de l’Académie. Il y a également des prix d’ouvrages. Tous ces prix sont remis lors de la séance solennelle de l’Académie en novembre.
En musique on peut citer le Prix Pierre Cardin qui consacre de jeunes compositeurs- de moins de 35 ans. Ces Prix sont attribués également en peinture, sculpture, architecture, gravure et musique. Citons également le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral attribué en partenariat avec la Fondation Bettencourt-Schueller et le Grand Prix d’Orgue Jean-Louis Florentz. Des académiciens siègent également aux conseils artistiques de la Casa de Velázquez à Madrid et de la Villa Médicis à Rome. La directrice de la Villa Médicis, Muriel Mayette-Holtz, a d’ailleurs été élue membre libre de l’Académie cette année. Elle a créé récemment « VivaVilla! », un festival réunissant la Villa Médicis, la Casa de Velasquez et la Villa Kujoyama qui a eu lieu en septembre dernier à la Cité internationale des arts, au cœur de Montmartre.
TV : Pouvez-vous nous parler des intronisations ?
ECDC : L’installation des académiciens se fait généralement dans l’année qui suit leur élection. Nous cherchons à rajeunir l’Académie et à la féminiser autant que possible : depuis la disparition récente de Jeanne Moreau, nous ne sommes que quatre femmes actuellement à l’Académie. Le principe à de l’Académie des beaux-arts est que toutes les sections n’accueillent que des créateurs, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Les membres libres sont souvent des mécènes mais la section accueille aussi un chef d’orchestre, William Christie, des directeurs d’institutions culturelles majeures comme Hugues R. Gall, des historiens d’art, ou encore des couturiers comme Pierre Cardin. Ce serait d’ailleurs une bonne idée de créer une section haute couture, mais on ne peut multiplier les sections ; nous réfléchissons cependant à la création d’une section « Arts de la scène » pour accueillir des metteurs en scène, des chorégraphes, etc.
L’État contribue aux émoluments des académiciens : chacun touche une rente mensuelle actuellement de 204 € par mois, à vie donc. Il y a aussi des jetons de présence partagés entre les présents aux séances ce qui peut représenter quelques milliers d’euros annuels.
L’habit et l’épée font partie des traditions, l’épée est symbolique de la carrière de celui qui est installé, elle en porte les symboles. Personnellement j’ai opté pour la broche, possibilité introduite par Marguerite Yourcenar lors de son élection à l’Académie française.
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A noter que le site internet de l’Académie www.academiedesbeauxarts.fr propose de nombreuses ressources libres d’accès : la Lettre de l’Académie, les discours prononcés par les académiciens lors des installations, lors de séances, par exemple le discours d’Edith Canat de Chizy en 2016 « Le risque de la création ».