Il s’agit du deuxième CD de la pianiste Laurence Oldak.
J’avais assisté au concert de lancement de ce CD à la salle Colonne il y a quelques jours et nous avons décidé de nous rencontrer le temps d’un déjeuner pour parler musique. On trouvera les principaux éléments de sa biographie ici.
LO : « C’est la première fois je crois que l’on associe Bach et Chopin sur un même CD ! »
En voici le programme :
J.-S. Bach - Partita n°2 BWV 826 - Clavier bien tempéré : Livre 1 BWV 858 & Livre 2 BWV 881 J.-S. Bach - F. Busoni - "Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ" J.-S. Bach - F. Liszt - Prélude et Fugue en la mineur BWV 543 F. Chopin - Sonate n°3 opus 58 en si mineur C.P.E. Bach - Andante con tenerezza - Sonate Wq 65/32
On n’entend pas si souvent un Bach aussi chantant et vivant, sans excès ni de pédale ni de sécheresse pointée, sans sentimentalité déplacée dans « ich ruf zu dir », mais aussi d’une très belle clarté – sans jeu de mots – dans le Bach / Liszt. Suit une très belle 3e sonate de Chopin, très chantante également, dont on appréciera le délié dans le scherzo, la belle construction très prenante du largo notamment. Le programme « influences » se justifie enfin pleinement avec la petite pièce du deuxième fils de Bach, Chopin est né seulement 22 ans après la mort de ce dernier.
LO : Après avoir été finaliste du concours Busoni j’ai interrompu momentanément ma carrière pour me consacrer à ma vie de maman de trois enfants. Ce fut l’occasion également pendant ces années hors de la scène musicale de réaliser un voyage introspectif et d’augmenter mon répertoire.
Mon retour sur scène s’est fait par la musique de chambre. Il s’en est suivi de belles rencontres avec de formidables musiciens, puis de nouveau des récitals solo.
J’aime beaucoup faire des disques, laisser une trace : après un premier album « Dialogue » Scriabine, Kirill Zaborov (paru en 2015 à l’occasion du centenaire Scriabine), mon second album « Influences » Bach-Chopin, vient donc de sortir chez Klarthe, label avec lequel j’ai beaucoup aimé travailler ainsi qu’avec Etienne Collard l’ingénieur du son. J’ai quelques projets pour de futurs enregistrements que je ne dévoile pas pour le moment.
Je pars bientôt pour jouer à Toulouse et j’espère que ce disque sera un tremplin pour donner plus de concerts annuellement. La période actuelle est difficile, on s’est beaucoup éloigné d’une approche purement musicale, bien d’autres critères rentrent désormais en ligne de compte.
A la question que vous me posiez sur la difficulté technique de jouer certains concertos, je répondrais sans doute le 3ème Rachmaninov, le Tchaïkovsky, mais chaque œuvre musicale a sa complexité, La sonate de Chopin que j’ai enregistrée dans mon disque est réputée aussi pour être une œuvre difficile.
Vous me demandez mes pianistes préférés : pour ces dernières années, je citerais d’abord Arcadi Volodos, son dernier récital à Paris était extraordinaire et comme vous j’adore ses disques. Il y a bien évidemment d’autres très grands pianistes Rubinstein, Richter, Horowitz, Leonskaïa, Pletnev, Argerich, Sokolov. Je pense aussi à mon ami Nicolas Angelich qui a joué récemment magnifiquement avec l’Orchestre de Paris à la Philharmonie. Que dire aussi de l’immense Glenn Gould, sa version des Variations Goldberg est sur ma table de chevet.
TV : Une question rituelle : je gagne au loto et vous permet de réaliser votre rêve musical ?
LO : Peut-être jouer l’Empereur de Beethoven à la Philharmonie de Berlin ! Mon amour pour la musique s’est d’ailleurs déclenché quand je suis allée écouter ce concerto à Toulouse, je devais avoir six ans et demi. J’avais déjà pleuré pour débuter le piano à l’âge de quatre ans et avais beaucoup insisté pour aller à ce concert avec mon père : c’était Alexis Weissenberg qui le jouait. Je trépignai pour aller le rencontrer, et une fois dans sa loge je lui dis : « vous savez, un jour c’est moi qui serai à votre place! » Il m’a alors soulevé dans ses bras, attendri, et m’a répondu : « je te le souhaite ma poupée! »
J’ai deux pianos à queue chez moi, un C 3 Yamaha et aussi un quart de queue Steinway de 1950 qui m’a été légué par un de mes professeurs Lucienne Marino-Bloch, élève de Michelangeli, ce dernier ayant lui-même choisi ce piano !
J’ai beaucoup enseigné, je donne encore des cours au Conservatoire d’Asnières. Les enfants ont plus de mal de nos jours à se concentrer et pourtant la musique est une excellente discipline pour y remédier. J’ai eu moi-même des professeurs très exigeants durant mon parcours d’étudiante, de vrais maîtres notamment au CNSM de Paris.