C’est pour moi un délicieux mystère : l’extrême qualité des interprétations lisztiennes des pianistes françaises comme les Bartal, Bonnecaze, Daudet, Vignon et j’en oublie.
J’avais été bien inspiré de proposer à Aline Piboule une interview il y a déjà six ans. Son précédent album montrait son souci de sortir des sentiers battus.
Cette fois-ci, elle convie Bach, Liszt et Olivier Greif, dans une forme en arche en quelque sorte : Bach – Liszt – Greif – Liszt – Greif – Bach.
De Liszt, la Deuxième Ballade et Bénédiction de la solitude. On ne sait que louer dans la ballade – quel plaisir d’entendre un(e) pianiste qui ne joue pas forcément fort, forcément vite, qui ne met pas forcément en avant les lignes secondaires ; ici des timbres magnifiques, une aisance technique jamais démonstrative et une présence musicale qui captive. J’en suis à ma troisième écoute… et ces dernières notes magiques de la Bénédiction ! Idem pour Ich ruf zu dir et l’extrait de la cantate BWV 208 de Bach : simplicité évidente et liquidité lumineuse comme pour Liszt…
Puis on se dit, « zut y a du Greif » : à chaque fois que j’ai entendu sa musique j’ai le souvenir d’avoir été à la fois attiré, captivé mais aussi parfois un peu gêné par trop de dramatisme un peu premier degré. Deux partitions sont proposées par Aline Piboule : la 21e sonate pour piano op.303 (!) et, en première mondiale, « Three Poems of Li T’ai Po » ou sonate n°18 op. 76.
Je retrouve un peu ces sentiments par exemple à l’écoute du très bref 2e mouvement de la n°21 : tonitruant mais très premier degré, suivi du 3e : succession quasi religieuse de beaux accords qui évoluent vers une dissonance croissante générant un sentiment presque bouleversant. Ma gêne me reprendra plus avant avec un déluge de notes aussi difficile techniquement qu’un peu extérieur à mon goût.
Dans la sonate n°18, de très beaux accords, aux couleurs presque asiatiques dans le 1, une sorte de longue et belle ballade extrême orientale dans le 2, qui va en s’animant progressivement et une très belle ambiance dans le 3. Une très belle œuvre qui méritait cet enregistrement.
Aline Piboule confirme ici qu’elle figure parmi les meilleur(e)s pianistes francais(e)s du moment. Sur son site est annoncé dans l’année un nouveau CD consacré à Fauré, que l’on attend avec impatience.