Philippe Hurel (né en 1955) fait partie de ces compositeurs qui se laissent finalement tenter par l’aventure de l’opéra. Les Pigeons d’argile donnent son titre à un son premier grand ouvrage lyrique, commande du Capitole de Toulouse. Le sujet est inspiré d’un fait divers qui agita la planète médiatique dans les années 1970 : l’enlèvement par un groupe terroriste d’extrême gauche de Patty Hearts, fille d’un milliardaire américain, qui prendra fait et cause pour ses ravisseurs. Sur cette trame, le romancier Tanguy Viel a mitonné un livret aux petits oignons, brossant en quelques mots la psychologie des personnages, sans aucun temps mort. Coups de feu, course poursuite, attaque d’un banque à main armée, en à peine une heure et quarante minutes, tous les ingrédients d’un thriller haletant sont réunis.
La main de fer de Tito CeccheriniSur ce petit bijou de théâtre, Hurel a posé une musique aussi intéressante qu’efficace. Le musicien a mis dans son orchestre (ce soir, celui du Capitole dirigé d’une main de fer par Tito Ceccherini) toute sa science des alliages de timbres, les lignes instrumentales traitées en micro intervalles s’enchevêtrant les unes dans les autres pour former de vastes nappes sonores. Grâce à une pulsation rythmique acérée, des variations de tempo et de dynamique subtiles, cette musique vient comme un contrepoint au caractère très imagé de la narration. Une mélodie debussysteL’écriture vocale, sans reprendre les codes esthétiques de l’avant-garde d’avant-hier, fait penser à la prosodie debussyste. Cette prosodie, sans référence directe au parler-chanter d’avant-hier, caractérise aussi bien les personnages que les situations. Les mélodies, certes discrètes, évitent l’ennui d’une grisaille uniforme. Il faut dire que le plateau est digne d’un titre du grand répertoire : la soprano Vannina Santoni (Patty, la victime consentante), les barytons Vincent Le Texier (son père) et Aimery Lefèvre (Toni, le ravisseur), les mezzos Gaëlle Arquez (Charlie, sa compagne) et Sylvie Brunet-Grupposo (La chef de la police), le ténor Gilles Ragon (le père de Toni), tous sont en voix glorieuse et rendent justice à la partition. Un spectacle de Mariame ClémentQuant au spectacle de Mariame Clément, il propose une structure métallique tournante qui assure des enchaînements d’atmosphères quasi cinématographiques. La direction d’acteurs cultive un premier degré bien ficelé qui a l’avantage de la lisibilité, astucieusement contrepointé par l’usage de la vidéo. Un beau premier envol de ces Pigeons. http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/opera/les-pigeons-dargile-au-capitole-de-toulouse-152709 |