C’est avec une certaine nostalgie que j’écris ce papier : j’ai été ami avec Pierre Barbier dans les dernières années de sa vie. Il avait fondé la maison d’édition Praga Digitals à laquelle j’avais collaboré en créant son site web. Je me souviens des heures passées à Saint-Cloud à travailler sur des disques, à entendre son immense culture de la musique et des interprètes slaves, tout en écoutant des enregistrements sur sa fabuleuse chaîne hi-fi. Après bien des écoutes et des mises de côté pour des raisons de qualité sonore, il avait bien voulu éditer deux concerts de mes archives Rafael Kubelík : Das klagende Lied et Die Ideale.
La bonne nouvelle est que le fonds vient d’être racheté par l’éditeur Little Tribeca et que le catalogue de 400 références sera progressivement disponible sur les plateformes. Pierre Barbier avait d’abord édité des bandes en provenance principalement de la République tchèque avant de se lancer dans l’enregistrement et le management d’ensembles tchèques de musique de chambre. Parmi eux, le plus célèbre : le Quatuor Pražák. Que de magnifiques concerts ils ont pu donner et c’était un plaisir d’aller les saluer en coulisse, tous aussi sympathiques les uns que les autres. Malheureusement, la vie d’un quatuor à cordes n’est pas un long fleuve tranquille et le quatuor Pražák a connu de nombreux remplacements, depuis celui de son fondateur le violoncelliste Josef Pražák. Ci-dessous les différentes formations du quatuor depuis :
Ainsi, le 1er violon Václav Remeš, atteint de dystonie, fut remplacé par Pavel Hůla, le 1er violon du Quatuor Kocian, lequel venait de se dissoudre. J’eus l’occasion de rencontrer Pavel Hůla (interview) qui me disait vouloir continuer son activité au sein du quatuor aussi longtemps que possible : il dut se retirer l’année d’après pour raison de santé… Il ne reste plus de la formation des ‘grandes années’ que le magnifique altiste Josef Klusoň.
Mais voilà que Little Trebica, non content d’avoir repris le catalogue Praga Digitals réalise de nouveaux enregistrements, puisque viennent d’être publiés les trois derniers quatuors de Haydn – le dernier inachevé – par les Pražák. Qu’en est-il ? Les critiques sont toujours prompts, lors des remplacements dans un quatuor, à dire que les nouveaux sont loin de valoir les anciens… Il est vrai qu’il faut du temps pour intégrer un nouveau membre tant pour la sonorité, le jeu commun et le répertoire.
Ce disque est pourtant un enchantement: pas de chichis viennois ici, une lecture franche mais fine, rythmée sans exagération, de même pour les tempi, avec en plus une homogénéité irréprochable de sonorités et de jeu. La sonorité est peut-être plus policée que dans les formations précédentes, l’assise n’est plus assurée avec le rythme énergique du violoncelliste Michal Kaňka, mais on affaire à une nouvelle formation de très haut niveau.
Pražák are back!