Journal personnel 2024

Mes occupations musicales en dehors des papiers dédiés.

19 novembre – Invalides : Francis Huster, Emmanuelle Bertrand & Pascal Amoyel

Centré cette année sur la Deuxième Guerre mondiale, ce concert de la saison musicale des Invalides mêlait des textes, principalement du Général, et des pièces musicales, essentiellement pour violoncelle et piano. Des textes rares ou plus connus, tel l’appel de Robert Schuman à la constitution d’un armée européenne…
Les talents des trois artistes n’est plus à démontrer, mais entendre un mouvement de la Sonate de Debussy ou bien P. Amoyel explosant la 2e Légende de Liszt !
Je ne sais si ce programme sera redonné mais ce fut une grande soirée. Pascal Amoyel investit jusqu’en janvier le Théâtre du Ranelagh pour son nouveau spectacle « La Leçon de piano de Chopin ».

12 novembre – Résidence Thomas Adès à la Fondation Vuitton

La plupart des interprètes que je rencontre me disent que donner des concerts où « l’on sent qu’il se passe quelque chose » était ce qu’il recherchent. Cela arrive assez rarement, encore moins à l’audition d’un nouvelle œuvre.
Ce fut le cas hier avec la création française de Növények (« Plantes ») – pour mezzo-soprano et sextuor avec piano de Thomas Adès. La justesse d’intonation, la beauté des timbres, les talents de comédienne de Katalin Károly (cf. mon interview) faisaient merveille dans une œuvre réussie, à la superbe « orchestration ». On a pu apprécier auparavant ses qualités dans les Huit chansons populaires hongroises de Béla Bartók et S.K. remembrance Noise de György Kurtág. La partie de piano des chansons de Bartók, très ouvragée, était très bien rendue par l’excellent pianiste qu’est Thomas Adès, comme la partie de violon de la pièce de Kurtág exécutée par le 1er violon du quatuor Ruisi (quatuor qui donna en première partie le difficile op.20 n°3 de Haydn et une petite pièce du compositeur Oliver Leith.

Ce concert devrait être disponible sur la plateforme vidéo de la Fondation.

4 novembre – Concert des lauréats de la 16e édition du Concours international de piano d’Orléans au Théâtre des Bouffes du Nord

C’est toujours un bonheur d’assister à ce concert final des lauréats du Concours d’Orléans : on y entend de la musique ‘moderne’ ! Les trois lauréats étaient dans l’ordre Svetlana Andreeva, Leo Gevisser et Misora Ozaki. 
J’ai déjà commenté un récent CD de Svetlana Andreeva – elle jouait superbement deux pièces de Szymanowski et Messiaen. Autre beauté : Une page d’éphéméride par Misora Ozaki. En dernière partie, une création, commande du concours : Je suis orage de Bastien David, avec le pauvre piano affublé de trois pianistes au clavier et de deux autres « dans les cordes »…  (photo). Œuvre tantôt bruitiste, répétitive, motorique, avec tous les jeux instrumentaux contemporains – et l’Ensemble intercontemporain toujours impeccable sous la direction engagée et maîtrisée de Léo Margue.

La vidéo est parue :

23 octobre – Générale de « Picture a Day like this » de George Benjamin à l’Opéra comique


Il s’agit du 4e opéra du compositeur britannique George Benjamin, internationalement célèbre pour son Written on the skin. C’est ici un conte que le livret qualifie de « délicat, poignant, lumineux » alors qu’il m’a paru terriblement noir – ce n’est pas une critique. Il n’est pas sûr qu’il soit utile de lire le synopsis avant la représentation (c’est très clairement sous-titré, sans erreur) pour l’apprécier.
Cet opéra a été créé l’an dernier au Festival d’Aix et c’est une co-production avec Covent Garden, Opéra national du Rhin, Luxembourg, Cologne et Naples ! C’est un peu à ce prix que les nouvelles créations opératiques sont possibles ; si cela réduit évidemment le nombre de créations potentielles, au moins l’œuvre ne sera pas jouée dans une seule maison.
Un seul interlude orchestral avant la dernière partie (on entend toujours de loin des réminiscences de Debussy et Britten chez Benjamin). La partition est très belle : diverse, colorée, rythmée, on pourrait en tirer une suite façon Four Sea Interludes.
Excellent membres de l’Orchestre philharmonique de Radio France, pas de chœur, d’excellents solistes notamment John Brancy et la superbe Mariannes Crebassa : une prouesse de chanter et juste et parfois avec véhémence tout en incarnant un personnage assez réservé.

L’opéra dure un peu plus d’une heure et ils est chaudement recommandé – Réservations – Les 25, 27, 28, 30 & 31 / 10.

10 octobre – Jonas Vitaud

Jonas Vitaud était le maître d’œuvre d’un soirée à Cortot, soirée faisant partie des événements du Concours Georges Enesco dont c’est le 10e anniversaire. Petite pensée pour le compositeur qui joua dans cette même salle avec Cortot lui-même et d’autres célébrités de l’époque. Le thème de cette année était « Enesco et les USA » d’où la présence de la sonate de Barber pour violoncelle (Yan Levionnois) – avec beaucoup de notes à mon goût – beaucoup de notes également dans deux pièces d’Enesco et de Granados interprétées par une pianiste de douze ans, Martinal Meola.

Très belle œuvre pour violoncelle solo du décidément excellent Kristof Maratka.
J’ai dû quitter avant la sonate pour violoncelle d’Enesco, mais la prestation de Jonas Vitaud auparavant fut exceptionnelle, avec, d’Enesco, deux extraits de sa 3e suite pour piano et la version pour piano de la fameuse Rhapsodie roumain n°1 – une transcription tardive du compositeur de la version orchestrale initiale. Alors qu’il se prépare à une tournée norvégienne, il interpréta ces trois pièces par cœur…
Il y a bien des années que j’avais repéré ce pianiste que j’ai finalement interviewé l’an dernier.

30 mai – Trio 2M

Je me suis rappelé être déjà venu au « Regard du cygne », petite salle du côté de Belleville avec sa ruelle d’accès si verdoyante ; c’était déjà pour un récital de musique contemporaine de la violoncelliste du quatuor Tana, Jeanne Maisonhaute, en 2015…

(désolé pour la qualité de la photo)

Programme intelligemment construit, ponctué de Fantaisies pour viole de Purcell. Outre la Sonate pour violoncelle de Britten, on a pu entendre des pièces de Bruno Gillet, Garth Knox, Sofia Avramidou et Andrew Norman.
Les pièces qui m’ont le plus passionné sont évidemment les Jelek, játékok és üzenetek de Kurtág et deux pièces de Knox. Magnifiques interprétations des trois membres du trio dont il faut citer les noms : Dorothée Nodé-Langlois – violon, Claire Merlet – alto et Sarah Givelet – violoncelle. La présence de micros me fait espérer une mise en ligne prochaine.

 6 mai – Quatuor Tchalik

Concert de lancement à la salle Cortot – quasi pleine – du nouvel enregistrement du Quatuor Tchalik.
L’ombre de l’Ukraine planait sur ce concert (le père de la fratrie – les quatre sont frères et sœurs – était d’origine ukrainienne) ; le concert débutait avec la Dumka, ballade ukrainienne du Quintette op.81 de Dvořák, puis proposait des extraits d’une sonate pour violon et d’un quatuor de Boris Lyatoshynsky, compositeur ukrainien (1895-1968).  Ce compositeur fait l’objet de leur nouveau CD avec ses quatuors n°3 & 4, couplés avec le quatuor de Ravel.
On notera le décor années 20 qui illustre le livret du CD, le concert d’hier soir, ainsi que le clip promotionnel ci-dessous réalisé par l’excellent Julien Hanck.
Mais l’essentiel c’est la qualité musicale des Tchalik, à commencer par leur homogénéité totale : pas de primus ici – même si notre préférence va à l’impeccable altiste.

On peut acquérir le CD ici :


25 avril – Ensemble 2e2m

Paul Méfano créa l’ensemble 2e2m en 1972 (je l’avais pris en photo lors d’un récital de Thierry Escaich à Sainte Geneviève, ici avec Régis Campo, Coline Serreau et Thierry Escaich).
Le concert passionnant donné au CRR de Paris était dirigé par son dynamique chef Léo Margue. Au programme, trois créations : Natura electrica de Giulia Lorusso, Possible places 3 de Dmitri Kourliandski, Dis de Farnaz Modarresifar, ainsi que le concerto pour violon Capprici & ragas d’Aurèle Stroë. La concert était précédé d’une présentation de ce compositeur roumain ‘1932-2008) par le compositeur Bernard Cavanna qui en ait un fervent admirateur (un peu comme Éric Tanguy avec Horatiu Radulescu). Il réalisa un documentaire à son sujet en 2002 :

Le concerto pour violon d’Aurèle Stroë était la pièce maîtresse du concert ; il était joué par la fantastique violoniste Noëmi Schindler (qui travailla avec le compositeur), avec une présence, une intonation remarquables. On peut écouter sur YT cette œuvre, dans une version moins aboutie que celle de ce concert (qui doit d’ailleurs être portée sur CD ultérieurement).
Natura electrica de l’italienne Giulia Lorusso (1990*) est pour ensemble et guitare électrique solo. Épatant Ruben Mattia Santorsa à la guitare, presque plus électrique qu’électrique avec des effets sonores stupéfiants.
Possible places 3 de Dmitri Kourliandski (1976*), compositeur russe exilé en France est une pièce pour ensemble avec harpe et accordéon solos – œuvre entêtant avec le toujours excellent Pascal Contet à l’accordéon.
Enfin, Dis de la compositrice franco-iranienne Farnaz Modarresifar (1989*), pièce magnifique (avec soprano – Marie Soubestre et elle-même au santûr), d’un extrême finesse d’alliages millimétrés.
À noter l’utilisation d’un litophone, instrument primitif en pierres qui peut prendre maintenant des formes diverses (cf.).
Une formidable soirée.


25 avril – Opéra comique

Je me faisais une joie d’aller voir un opéra pour enfant, c’était la première d’Archipel(s) d’Isabelle Aboulker,  qui a a son actif de nombreux opéras de chambre ou pour enfants. (Sur presque 10 000 opéras créés depuis 1945, près de 700 sont des opéras pour enfants – cf. : https://vagnethierry.fr/contemporary-operas.html).
Las : malgré la grande qualité de la Maîtrise populaire de l’Opéra-comique ce fut d’un ennui profond : un livret pas clair du tout, sans une once d’humour (!), une musique avec certes quelques jolies mélodies mais qui ferait passer celle de Michel Legrand pour révolutionnaire, passons. Ma mauvaise humeur s’est dissipée avec le concert du soir…


7 mars – Opéra comique

Générale hier soir avec le ballet chanté Pulcinella (1919) et l’opéra L’Heure espagnole (1907) (créé à l’Opéra comique en 1911 qui donnait le même soir Thérèse de Massenet). 

Le décor ingénieux consistait dans un grand escalier à la Escher qui servait pour les deux œuvres.
Pulcinella proposait une chorégraphie un peu convenue, mais je ne suis pas spécialiste, l’Orchestre des Champs-Elysées était perfectible, le tout m’a semblé manqué un peu de vie et de fantaisie, mis à part les superbes effets de lumière. Impressionné par le grand volume et la qualité de la voix de la basse François Lis.
Mais après un long entracte, on s’aperçut que le plat de résistance était espagnol ; orchestre et chef – Louis Langrée – étaient à leur mieux, les cinq chanteurs épatants vocalement et bons acteurs, la mise en scène habile et très vivante, les pointes d’humour finement amenées : ce fut un grand moment.
J’ajouterai la qualité exceptionnelle du programme (Agnès Terrier). On y trouve les critiques de l’époque, comme Jean  Prudhomme : « La pièce est gaie ; la musique d’une tristesse indicible » ou les lettres de Ravel : « Comme son ancêtre direct, le Mariage, de Moussorgski, interprétation fidèle de la pièce de Gogol, l’Heure espagnole est une comédie musicale ».


4 mars – Élodie Vignon

Bonheur d’écouter un récital de la pianiste Élodie Vignon ce soir à la Bibliothèque « Mahler », sur un beau Steinway allemand de 1909, avec un superbe programme qui lui va comme un gant, notamment 2 pièces d’Albéniz, Estampes et la Fantaisie bétique. On retrouve sa vigueur rythmique dans Albéniz, son abattage dans Falla, son magnifique Debussy tout en couleurs, rythmes et imagination. La bonne nouvelle : elle m’a confié préparer au disque une intégrale Debussy !


27 février – Court-circuit

Bonheur de retrouver l’Ensemble Court-circuit de Philippe Hurel au CRR de la rue de Madrid. Au programme : 4 créations de Skylar Lim, Matias Fernandez Rosales, Marc Monnet et Bruno Mantovani.
Il volo degli angeli (Lim) est une pièce inspirée par les anges, leur vol notamment, dont on a pu apprécié la beauté des timbres proposée.
Vertiges suspendus (Rosales) est une pièce très prenante, l’orchestre de chambre sonne comme un organisme avec parfois comme des effets de houle.
Jeux étranges  (Monnet) est ludique, avec de longues cadences pianistiques, percussions variées et bois exotiques : on ne s’ennuie pas…
Le Concerto de chambre n°4 (Mantovani) eut un grand succès avec comme fil conducteur le hautbois d’Hélène Devilleneuve, toujours magistrale.
Une très belle soirée avec des merveilleux musiciens dirigés comme à l’accoutumée par l’impliqué et précis Jean Deroyer.
Ci-dessous les photos des saluts des compositeurs (j’étais assez mal placé).

 

8 février – Salonen

2e concert de l’OdP avec Salonen. Après une orchestration assez kitch d’une Fantaisie et fugue de Bach par Elgar, on proposait ses Sea pictures en première partie. Nina Stemme, empêchée, était remplacée par Dame Sarah Connolly. Je n’étais pas mal placé au premier rang du premier balcon, mais je ne pouvais même pas suivre avec le texte tellement on ne l’entendait guère… la faute à l’acoustique pour une fois perfectible de la Philharmonie. 
En 2e partie, après un Ragtime un peu potache d’Hindemith, sa Symphonie « Mathis le peintre ».  Il me semble avoir lu il y a longtemps que l’enregistrement des Métamorphoses symphoniques de Salonen reprenait à la seconde près les tempi du fameux enregistrement dans les années 50 de Kubelík à Chicago. [Ce dernier, interrogé par DG dans le cadre d’une opération marketing « les artistes DG élisent leur disque préféré d’un autre artiste DG », fur bien embêté pour répondre : il n’écoutait pas de disque et cita juste Zukerman qu’il venait de diriger]. Les musiciens ont maintenant accès à de très nombreuses interprétations du passé, mais ils doivent bien sûr toujours étudier et assimiler les partitions. C’était le cas hier soir, ce fut dirigé avec une totale maîtrise et l’orchestre était magnifique – un must qui me fait ma semaine…


6 février – Pianistes sans zik

C’est toujours un mystère : comment des pianistes disposant d’une technique hors norme n’arrivent pas à produire une minute de musique.  Ce fut le cas récemment – on est souvent subjugué par certaine pièce de Liszt et l’on se trouve tout d’un coup comme devant un film de Tex Avery.  J’en connais d’autres dans le même cas. Qu de récitals où je suis parti à l’entracte entouré d’applaudissements très nourris devant tant d’abattage… vain.


1er février – Salonen

Je vais rarement à la Philharmonie ; celle-ci n’invite pas les blogueurs, même pour les générales et même pour les concerts de l’EIC : il doit y avoir pléthore de journaleux traitant de la musique contemporaine… Heureusement ma chère moitié m’offre pour Noël quelques billets à des concerts de son choix. Hier l’OdP était dirigé par Esa-Pekka Salonen. En première partie, une curieuse idée : intercaler des Préludes de Debussy entre les mouvements des Images : on a du mal à voir le lien entre celles-ci et la Cathédrale engloutie ou la Sérénade interrompue, un peu plus avec la Puerta del vino. Jean-Yves Thobaudet y était impeccable – il faisait bien sûr partie des pianistes qui m’avaient intéressé dans ma comparaison de 160 cathédrales. Grosse déception pour les Images : c’était techniquement parfait mais on aurait aimé des couleurs, du caractère, des rythmes et des accents plus marqués et moins de tunnels (le problème c’est que l’on a toujours dans l’oreille Monteux, Stoko ou Tilson).
Suivait par contre une très belle Fantaisie de Debussy où cette fois on avait des couleurs, un flux musical continu – grand succès pour Thibaudet.
Enfin les Noces de Stravinsky – avant le concert, je m’étonnais qu’on n’annonce pas les noms des quatre pianistes :  c’est qu’il n’y en avait pas : encore une idée curieuse d’EPS de faire appel à un compositeur (Steven Stucky) pour réaliser une transcription pour orchestre seul. On y perd la sécheresse inhérente à la version originale (je viens de recevoir une bande d’un concert de Kubelík à Munich en 1962 avec notamment les Kontarsky : c’était bien sûr une toute autre image musicale et on manquait hier la magie de la toute fin). J’avais assisté il y a longtemps à une répétition par Boulez de ces Noces avec il me semble bien ce même chœur de l’Orchestre de Paris ; à un moment Boulez demande : « la 3ème au 2e rang : dehors ! ».
Prestation remarquable de ce chœur hier, notamment côté féminin (problème de tous les chœurs : « on cherche des basses » !). Solistes corrects mais le chœur donc, l’orchestre et la direction était magnifiques. Un dessin animé (Hillary Eben) était projeté sur grand écran : une noce de mille-pattes et d’insectes dans des tuyauteries de salle de bains, avec parfois les paroles figurant sur un rouleau de pq… C’était pourtant aussi fun que réussi et adapté.

 

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