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Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

Falla - Nuits dans les jardins d'Espagne - Nights in the Gardens of Spain

Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

 

Ne lisez pas tout de suite ce qui suit ! c’est une tentative de réhabiliter  une fois de plus un enregistrement mésestimé de Kubelik. Mais ce n’est pas le plus important : l’important est que Pierre Barbier – Pragadigitals -a encore réussi un tour de magie : tout mélomane un peu âgé connaît par cœur cet enregistrement du Tricorne par Ansermet, non seulement par son indépassable interprétation, mais aussi par la « fabuleuse » prise de son Decca de l’époque. Eh bien, il réussit à nous restituer encore mieux cet enregistrement : les timbres sont mieux caractérisés, il y a « de l’air » entre les instruments, et surtout on « sent » le chef d’orchestre diriger, comme pour une bonne prise de concert, comme si on était dans le studio. On entend même pour la première fois une légère fausse note à 2’54 » dans le 2e mouvement du Tricorne… Bref, précipitez-vous !

Il est bien intéressant de pouvoir comparer deux versions des Nuits dans les jardins d’Espagne a priori bien différentes, voire antagonistes : d’un côté une pianiste très célèbre qui fut à ses dires quasiment toujours mécontente de ses enregistrements studio avec orchestre et dont un des chefs d’orchestre préférés était Raphaël Kubelík, de l’autre une pianiste, Margrit Weber, dont on sait peu de choses de nos jours, avec un chef alors vedette du fameux label jaune qui accepta d’enregistrer en studio des œuvres qui n’étaient pas à son répertoire habituel : Concerto de Grieg, Fireworks ou Water music de Haendel, etc. La version Kubelík est-elle si musicienne mais un peu Franckiste comme j’ai pu l’écrire ?

1er mouvement : Chez Kubelík, l’entrée est superbe, le piano moins brillant que l’on attendrait, un peu dans les touches de l’instrument. De l’abattage de la part de la pianiste mais çà ne sonne pas espagnol, plutôt un peu « gras ». Kubelík est là tel un grand maître, on le voit diriger cela…

Avec Haskil / Markevitch, c’est plus posé, avec des sonorités plus recherchées, mais c’est moins « organique », l’orchestre est plus extraverti que chez Kubelík, mais il a tendance à couvrir la soliste, qui ne fait d’ailleurs pas forte impression. Bref, si l’orchestre fait (faussement ?) plus couleur locale, mais avec apparemment un accord de l’orchestre un peu plus haut, on est un peu mitigé.

Le 2e mouvement : on se dit que c’est tellement espagnol (quel compositeur !) que Kubelík va avoir du mal, surtout vue l’imbrication piano / orchestre de ce mouvement ; le piano est toujours un peu en retrait au point de vue des timbres mais a de l’alacrité, certes les vents n’ont pas tout à fait la couleur idoine, le rythme peut paraître un poil empesé… mais tout est tellement musical.

Haskil : c’est un peu plus rapide, encore un peu réglé plus haut, c’est plus criard et extraverti, mais on peut prendre çà comme une qualité ici, le pianisme est plus délié, mais on ne peut s’empêcher de penser que la caractérisation plus importante de la partition se fait au détriment de son unité : beaucoup de -superbes- effets à l’orchestre  mais quand la pianiste veut être à l’unisson, çà détimbre un peu.

On est encore moins sûr pour le 3e mouvement : c’es toujours apparemment plus vivant chez Markevitch, mais c’est quand même assez brouillon et un peu agressif  au niveau de l’orchestre et le piano sonne dur.
Bref, c’est plus musicien chez Kubelík, mais peut être plus couleur locale et vivant chez Markevitch. Pas de conclusion…

Do not read immediately what follows! It is an attempt to once more rehabilitate a low esteemed recording of Kubelik. But it is not the most important: the important thing is that Pierre Barbier – PragaDigitals – has again made a turn of magic: any rather old music lover knows this recording of the Three cornered hat by Ansermet, not only by his unsurpassed interpretation, but also by the “fabulous” sound recording Decca of 1961. Well, it’s even better in this reissue, restored from original tapes : tones are more characterized, there is “air” between the instruments, and one can feel the conductor’s gestures, as for a good live recording, as if one were in the studio.

Just get it!


It is quite interesting to be able to compare two versions of the Nights in the gardens of Spain a priori so different, even antagonistic: on a side a very famous pianist who declared being almost always dissatisfied with her studio recordings with orchestra, whom one of her preferred conductors was Raphaël Kubelík, on the other side, a pianist, Margrit Weber, with a conductor who accepted for the famous yellow label to record in studio works which didn’t belong to his usual repertory: Concerto of Grieg, Fireworks or Watermusic by Haendel, aso.

1st movement: With Kubelík, the entry is superb; the piano has less brilliance we could expect. Mastery from the pianist but it does not sound Spanish, rather a little “fatty”. Kubelík is there as usual a superb musician, one sees him directing that…
With Haskil/Markevitch, it is more posed, with more sought sonorities, but it is less “organic”, the orchestra is more extraverted than Kubelík, but it tends to cover the soloist, who does not make strong impression besides. In short, if the orchestra shows (wrongfully?) more local colour, with an orchestra tuning a little bit high, one is rather mitigated.

2nd movement: one thinks that it is so Spanish that Kubelík will not pass, especially with the overlap piano/orchestra of this movement; the piano is a little soft-toned, but has alacrity, certainly the winds do not have the suitable color, the rhythm can appear a little bit heavy… but all is so musical.
Haskil: it is a little faster, still in higher tone, it is more yelling and extraverted, but one can take that as a quality here, the pianism is more untied, but one can prevent oneself from thinking only the more important characterization of the partition is done to the detriment of its unit: much of – superb effects – to the orchestra but when the pianist wants to be in unison, it loose colour.

We are even less sure for the 3rd movement: it is always apparently more alive with Markevitch, but it is nevertheless rather aggressive at the orchestra and the piano sounds hard. In short, more musicianship with Kubelík, but more “local colour” and alive with Markevitch.
No conclusion…

Les femmes chefs d’orchestre – Women on the podium

Les femmes chefs d’orchestre – Women on the podium

Josephine Weinlich & Europäischen Damenorchestra - 1873
Josephine Weinlich & Europäischen Damenorchester – 1873
Mélomanes misogynes de tout poil, il faudra vous y faire : on va finir par voir un nombre croissant de femmes chefs d’orchestre : il a déjà fallu que vous vous habituiez à en voir un nombre croissant au sein de l’orchestre (même aux cuivres !) – on se rappelle de la polémique lors du rejet par vote en 1983 de la clarinettiste Sabine Meyer par les Berliner philharmoniker après sa période probatoire : 73 contre, 4 pour… – Sans remonter à Fanny, la sœur de Félix Mendelssohn, on ne sait plus qu’il y eut de nombreux chefs d’orchestre féminins de la fin du 19e siècle à la 2e Guerre mondiale, en général à la tête d’orchestres entièrement féminins dans les années 20 / 30, à l’existence souvent bien éphémère.

 
À notre supposé mélomane misogyne, qu’en sera-t-il si, par extraordinaire, l’une d’entre elles vient à diriger en jupe ! Eh bien çà existe avec Silvia Sanz Torre dont je n’ai pas la date de naissance…
jupe
Misogynists music lover, you will have to keep with that: a growing number of women conductors: you have been unfortunate to see a growing number of women within the orchestra (even with coppers!) – one remembers the polemic at the time of the rejection by vote of the clarinetist Sabine Meyer in1983  by Berliner philharmoniker after her probationary period: 73 against, 4 for… -Without going back to Fanny, Felix Mendelssohn’s sister, one does not know any more that there were many female conductors from the end of the 19th century to the 2nd World war, in general at the head of entirely female orchestras in the 20/30′

Two young feminine conductors that we know a little: Susanna Mälkki, leader of the Ensemble Intercontemporain, who impressed us in two discs of contemporary music (Manoury & Mantovani).

And Serâ Tokay, who has just given us an interview; she had just founded her chamber orchestra, « Philharmonie de Chambre Lutèce »; she impressed us in the two chamber symphonies by Schoenberg in Paris, some months ago.

To our supposed misogynist music lover, what about, if by extraordinary, a woman conducts the orchestra dressed in a skirt… Well,  Silvia Sanz Torre did it!

Some conductors are missing, since I could not get their birth date, even some wouldn’t give it to me… See also this list.

Chiquinha Gonzaga (1847-1935) [BR]  gonzaga
Elisabeth Kuyper (1877-1953) [GB]  kuyper
Ethel Leginska (1886-1953) [GB]  leginska
Antonia Brico (1886-1989) [GB]  brico
Nadia Boulanger (1887-1979) [FR]  boulanger
Jane Evrard (1893-1984) |FR]  evrard
Frédérique Petrides (1903-1983) [GB] petrides
Avril Coleridge-Taylor (1903-1998) [GB] coleridge
Natalia Sats (1903-1993) [RU] sats
Frieda Belinfante (1904-1995) [NL]  belifante
Imogen Holst (1907-1984) [GB]  holst
Blanche Honegger Moyse (1909-2011) [GB]  honegger-moise
Vítězslava Kaprálová (1915-1940) [CZ]  kapralova
Sarah Caldwell (1924-2006) [GB] caldwell
Eve Queler (1931*) [US]  queler

Janet Canetty-Clarke

(1935*) [GB]  clarke
Sylvia Caduff (1937*) [CH]  caduff
Tania León (1943*) [CU]  leon
Catherine Comet (1944*) [FR]  comet
Claire Gibault (1945*) [FR]  gibaut
Liana Issakadze (1946*) [GE]  issakadze
Chiara Banchini (1946*) [CH]  bianchini
Agnieszka Kreiner-Bogdańska (1947*) [PL]  kreiner
Lorraine Vaillancourt (1947*) [CA]  vaillancourt
Jeanne Lamon (1949*) [US]  lamon
Jane Glover (1949*) [GB]  glover
Odaline de la Martinez (1949*) [US]  delamartinez
Iona Brown (1954*) [GB]  brown
JoAnn Falletta (1954*) [US]  faletta
Marin Alsop (1956*) [GB]  alsop
Wasfi Kani (1956*) [GB]  kani
Gisèle Ban-Dor (1955*) [GB]  ben-dor
Marie-Jeanne Dufour (1955*) [CH]  dufour
Romely Pfund (1955*) [GE]  pfund
Sian Edwards (1959*) [GB]  edwards
Yip Wing-sie (1960*) [HK]  wing-sie
Julia Jones (1961*) [GB]  jones
Erica Muhl (1961*) [US] mulh
Silvia Massarelli (1961*) [IT] massarelli
Simone Young (1961*) [AU]  young
Laurence Equilbey (1962*) [FR]  equilbey
Luisa Russo (1962*) [IT] russo
Véronique Lacroix (1963*) [CA] lacroix
Andrea Quinn (1964*) [GB]  quinn
Graziella Contratto (1966*) [CH]  contratto
Natalia Luis-Bassa (1966*) [VE]  luis-bassa
Kori-Lynn Wilson (1967*) [CA]  wilson
Emmanuelle Haïm (1967*) [FR]  haim
Susanna Mälkki (1969*) [FI]  malki
Karen Kamensek (1970*) [US]  kamensek
Tomomi Nishimoto (1970*) [JP]  nishimoto
Anu Tali (1972*) [EE]  tali
Sarah Ioannides (1972*) [GR] ioannides
Inma Shara (1972*) [SP] shara
Hiba Kawas (1972*) [LB]  kawas
Kanako Abe (1973*) [FR]  abe
Xian Zhang (1973*) [CN]  zhang
Elizabeth Askren (1973*) [US]  askren
Joana Carneiro (1976*) [PT]  carneiro
Sofi Jeannin (1976*) [SE]  jeannin
Carolyn Kuan (1978*) [US] kuan
Zahia Ziouani (1977*) [FR] ziouani
Alondra de la Parra (1980*) [ME]  delaparra
Ariane Matiakh (1980*) [FR]  matiakh
Nvart Andreassian (1980*) [TU]  andreassian
Nazanin Aghakani (1980*) [AU]  aghakani
Dalia Stasevska (1985*) [FI]  stasevska 
Migra Gražinytė-Tyla (1986*) [LH] Mirga Gražinytė-Tyla

 

  From the New Yorker, an interesting interview : »A formidable figure in Russian music, Temirkanov served as a mentor both to Gergiev and later to Petrenko. The interviewer, the Paris-based pianist and composer Elena Gantchikova, deserves credit for grilling him. A Russian-speaking friend provided this translation:Q.: In your opinion, could a woman conduct?
A.: In my view, no.
Q.: Why not?!
A.: I don’t know if it’s God’s will, or nature’s, that women give birth and men do not. That’s something that no one takes offense at. But if you say that a women can’t conduct, then everyone’s offended. As Marx said, in response to the question “What’s your favorite virtue in a woman?”—“Weakness.” And this is correct. The important thing is, a woman should be beautiful, likable, attractive. Musicians will look at her and be distracted from the music!
Q.: Why? There are women in the orchestra; people indifferent to a women’s charms. Besides, how many times would you be enraptured by appearances? After all, it’s something you tire of, and switch to the heart of the question. Statistically, of course, there are women conductors.
A.: Yes, they do exist.
Q.: Nevertheless, you maintain that these are less than women, or less than conductors.
A.: No, simply that in my opinion, it’s counter to nature.
Q.: And what is it in the conductor’s profession that runs counter to a woman’s nature? That’s counter to the essence of the conductor’s profession?
A.: The essence of the conductor’s profession is strength. The essence of a woman is weakness. »


From Artsjournal.com, an other intersting point of view by :

Jorma Panula has been the most successful spotter and trainer of conductors for the past 30 years. His pupils include Esa-Pekka Salonen and at least 20 others who hold international posts.

Q: Do you think it is good that women enter the profession and become conductors?

JP: No! What the hell, we have men already. It is such a limited profession… They can try, but it is a completely different deal. I can’t comment on media or public opinion. But women… Of course they are trying! Some of them are making faces, sweating and fussing, but it is not getting any better – only worse! They can come [to my masterclasses] and try. It’s not a problem – if they choose the right pieces. If they take more feminine music. Bruckner or Stravinsky will not do, but Debussy is OK. This is a purely biological question.

Panula’s comments have provoked outrage in Finland. Salonen has tweeted (in Finnish): ‘Conducting is about skill, not biology. There is no reason why women cannot do it equally well or better.’

Philippe Manoury – La musique du temps réel

Philippe Manoury - La musique du temps réel
Philippe Manoury – La musique du temps réel

Ce livre d’entretiens « La musique du temps réel » avec deux interlocuteurs est en fait une rareté : finalement peu de grands musiciens et compositeurs s’expriment de nos jours sur leur perception de la musique ou sur leurs confrères, anciens et actuels.

Philippe Manoury est devenu au fil des – déjà nombreuses – années une figure importante de la musique ‘contemporaine’ au niveau international. Un peu vite catalogué comme un ‘bébé Boulez’ ou ‘bébé IRCAM’, il suffit de consulter le catalogue de ses œuvres pour constater l’étendue de sa ‘palette’. L’idée de ce ‘blog’ étant d’amener ‘l’honnête mélomane’ à découvrir la musique moderne, ce papier consacré à cet ouvrage en forme de dialogues y trouve toute sa place. D’autant plus que, parallèlement, Philippe Manoury est professeur à l’université de San Diego, ce qui montre à la fois ouverture d’esprit, esprit de pédagogie et puissance de travail…

Ses propos sont très clairs, à la manière d’un Boulez justement, mais moins conceptualisant. 

Une première partie est consacrée principalement à l’électronique / informatique en musique, (évoquant notamment le problème posé par l’évolution continue de cette « lutherie technologique » à la pérennité des œuvres), mais tout au long de ces entretiens reviendra sempiternellement la question de la – faible – place de la musique contemporaine dans nos sociétés actuelles.

Une partie centrale est consacrée aux compositeurs qu’il apprécie – ou moins -, avec quelques surprises, dans son Panthéon musical, par exemple : Ainsi la nuit de Dutilleux, les premières partions de Xenakis pour orchestre,  la micro-polyphonie de Ligeti, les premières œuvres de Magnus Lindberg, , Lachenmann, Rihm, Donatoni, Janacek, Berg, et surtout Debussy et quelques jeunes contemporains. Par contre, pas la musique répétitive américaine et de grosses réticences par rapport à une part importante de la production de Messiaen.
Deux chapitres sont consacrés en outre à la vie et à l’enseignement musicaux aux États-Unis et aux spectacles traditionnels japonais.

Le tout dernier chapitre traite encore plus précisément  de la place de la musique contemporaine dans la société, évocation bien pessimiste quant au manque de culture musicale à l’école et parmi nos élites françaises. Çà me rappelle un propos de Boulez bien ‘boulezien’ que je cite de mémoire : Quand on pense que le Premier ministre [Raffarin à l’époque] ne va au concert que pour écouter Johnny Halliday, c’est dire le niveau ! (c’est vrai qu’à une époque, on pouvait voir souvent un Barre ou un Giscard à l’Opéra, sans parler des Pompidou, mais depuis ?).

Il dénonce à la fois la pauvreté insigne de l’enseignement musical français, encore une fois le manque de culture musical subséquent de nos ‘élites’ et surtout la soupe tonale insipide et terriblement conditionnante dont on est abreuvé tout au long de notre quotidien.

Une grande partie de l’ouvrage serait à citer – ce qui en fait plus un livre de chevet qu’un simple recueil d’interviews – ne serait-ce que par le chapitre consacré à ses œuvres préférées qui incite à les découvrir ou redécouvrir – mais surtout par ses tentatives de définition de ce qui pour lui fait une œuvre contemporaine intéressante : on citera par exemple ce passage : « Tout l’enjeu est là : il faut satisfaire les attentes – apporter ce que les neuropathologistes appellent des « récompenses » [ cf. ] – mais également savoir les décevoir et aussi les surpasser ».

On finira par deux réflexions :

– il déplore la quasi-inexistence de la critique musicale vis-à-vis des créations contemporaines dans la presse, relayée certes par les blogs spécialisés qu’il trouve représenter une sorte de ghetto de luxe – au moins ici c’est plutôt le blog « 9-3 » de la musique contemporaine…
– il cite le concept de musiques « agroupantes » telles que la musique militaire ou les rave parties que j’abhorre également (je me rappelle choquer mes copains ado en déclarant que pour moi les Rolling Stones me faisaient penser à de la musique militaire…).

Bref, précipitez-vous sur cet ouvrage et sur son blog – j’y reviendrai prochainement à propos des Variations Diabelli, à l’occasion de la réédition par PragaDigitals d’un live de Sviatoslav Richter, pianiste d’ailleurs cher à Manoury !

Cf. aussi l’interview réalisée par Bruno Serrou en juin 2012, qui reprend des thèmes évoqués dans l’ouvrage.

Philippe Manoury – La musique du temps réel – Édition MF – juin 2012 – 157 p. – 13 €

 

Arnold Schönberg – Pierrot lunaire – Alda Caiello – Prazák Quartet – Suite op.29

Arnold Schönberg – Pierrot lunaire – Alda Caiello – Prazák Quartet – Suite op.29

Arnold Schönberg - Pierrot lunaire - Alda Caiello - Prazák Quartet
Arnold Schönberg – Pierrot lunaire – Alda Caiello – Prazák Quartet
Cela fait toujours bizarre, 100 ans après la création, de cataloguer cet article sur Pierrot lunaire en « musique contemporaine ». Il s’agit du 6e volume de l’intégrale de la musique de chambre d’Arnold Schönberg chez Pragadigitals, réalisée principalement par les membres du quatuor Prazák. C’est d’ailleurs le nouveau premier violon de l’ensemble,  Pavel Hůla, qui supervise la suite op. 29, que nous ne commenterons pas ici.
Pour se sentir en terrain de connaissance, ayant déjà eu l’occasion de m’entretenir avec celui-ci, j’ai confronté cette nouveauté avec la version qu’en donna Peter Eotvös avec mon ancienne amie et très grande artiste Phyllis Bryn-Julson (RCA – 1993) ; j’en propose ci-dessous le 1er lied dans les deux versions.

Pierre Barbier résume bien l’histoire de l’interprétation de ce cycle de 21 poèmes en citant Marya Freund ou Helga Pilarczyk et soulignant que tant Maderna que Boulez se sont tournés vers le chanté plus que vers le parlé. Les notes de la ligne de chant existent pourtant bel et bien, Schönberg n’a jamais été vraiment clair sur le sujet – apparemment, seul le premier poème présente une fois dans la partition les indications « gesungen » puis « gesprochen » (à trois notes d’écart…) mais c’est tout.

Quand on est assez réfractaire au caractère un peu ectoplasme du mélodrame, que l’on goûte peu le genre cabaret façon Weill et que l’on est vraiment peu concerné par les poèmes horriblement datés d’Albert Giraud, genre Gustave Moreau de la poésie, on s’attelle à l’écoute et l’on est (re) pris par la qualité et l’inventivité de la partition.

On était de plus inquiet en lisant le nom de la chanteuse : elle chantait la dernière partie de la version originale de la Suite lyrique d’Alban Berg avec les Prazák à la Cité de la musique il y a bien un an, me laissant une impression plus que mitigée.

Ayant réussi à occuper l’espace dédié à la chaîne Hifi  en mettant ce disque pour l’écouter en SACD plutôt qu’au casque sur l’ordinateur, ma fille est partie en déclarant cela horrible, et ma femme – qui a l’oreille absolue – déclara que c’était chanté faux de bout en bout. On comprend que, 100 ans après, çà dérange toujours…

Et bien j’ai été emballé par l’interprétation. Je trouve que la prise de son est un poil trop réverbérée, mais c’est tout de même excellent, avec de l’ambiance. On ne se croit pas en studio grâce à la prestation de la chanteuse/diseuse. C’est chanté (pas faux autant que je puisse en juger) et c’est très caractérisé, très théâtral en même temps. Quel talent et quel tempérament ! L’interprétation globale  – instrumentalement magnifique – est plus dans l’affect que dans le strict respect des nuances de la partition, mais qui s’en plaindrait, tellement c’est vivant ?

La comparaison (ci-dessous Monderstrunken dans les 2 interprétations) est frappante avec la version de Phyllis Bryn-Julson : peut-être plus juste en hauteur (elle chantait assez souvent des partitions en quarts de ton*), cette dernière est tout de même plus univoque, et son allemand moins sonnant.

Phyllis Bryn-Julson
Phyllis Bryn-Julson
Alda Caiello
Alda Caiello

Richard Kurth, dans un article sur le Pierrot lunaire paru dans l’excellent ouvrage « The Cambridge companion to Schoenberg » ose un parallèle souvent éclairant entre certaines parties de l’oeuvre et des « échos de Schumann dans les ombres de la tonalité » à propos des Liederkreis de Robert Schumann ; par exemple, à propos de  Monderstrunken, il fait le parallèle avec Mondnacht, le n°5 des Liederkreis, que voici par DFD et Brendel : 

* Elle me racontait, que chantant sous la direction de Bernstein, alors qu’elle était alors la chanteuse préférée de Boulez, Bernstein n’arrêtait pas de lui dire qu’elle chantait un peu faux…

One feels weird, 100 years after the creation, to catalogue this article about Pierrot lunaire » in “contemporary music”.

It is the 6th volume of the integral of the chamber music by Arnold Schönberg at Pragadigitals, realized mainly by the members of the Prazák quartet.

I confronted this new issue with the version that gave Peter Eotvös with my former friend and great artist Phyllis Bryn-Julson (RCA – 1993); I propose below the 1st song in the two versions.
Pierre Barbier summarizes well the history of the interpretation of this cycle of 21 poems by quoting Marya Freund or Helga Pilarczyk and stressing that Maderna or Boulez turned towards more singing than speaching.

Notes for the singing line exist indeed, Schönberg having never been really clear on the subject – apparently, only the first poem presents in the score the indications “gesungen” then “gesprochen” (with an interval of three notes…) but it is all.

When one is rather refractory to the ectoplasm character of the melodrama, doesn’t appreciate Weill’s cabaret music and is really little concerned with the old-fashioned of Albert Giraud, sort of Gustave Moreau of poetry, we harness with listening and are taken by the quality and the inventiveness of the partition.

We were rather anxious reading the name of the singer: she sang the last part of the original version of the Lyric Suite by Alban Berg with the Prazák in La Cité de la musique in Paris well a year ago, leaving me an impression more than mitigated.

Having succeeded in occupying the space dedicated to the stereo by putting this disc to rather listen to it on SACD rather than with a helmet on the computer, my daughter left, declaring it was horrible, and my wife – who has absolute pitch – declared that it was sung false from the beginning to end. It is understood that, 100 years afterwards, it still disturbs…

I have been amazed by the interpretation. I find that the sound recording is a little bit too much reverberated, but it is excellent nevertheless.

One does not believe oneself in a studio thanks to the singer/ monologuist. It is sung (not out of tune as far as I can judge) and it is much characterized, very theatrical at the same time. What a talent and what a temperament! The total interpretation – instrumentally splendid – more in the affect than in the strict respect of the nuances of the partition, but which would complain, so much it is alive?

The comparison is striking with the Phyllis Bryn-Julson version: perhaps more in tune (she rather often sang partitions in quarter tones), it is a little bit monotonous, and the German is less good.

Richard Kurth, in an article on Pierrot lunaire published in an excellent book « The Cambridge companion to Schoenberg » draw a parallel between some part of Pierrot and « echoes of Schumann in the shadows of tonality » with the Liederkreis by Robert Schumann ; for example, for  Monderstrunken, he makes a parallel with Mondnacht,  n°5 of Liederkreis, which you can listen to on the left by DFD and Brendel.

The Cambridge companion to Schoenberg
The Cambridge companion to Schoenberg

Orchestral Hi-Fi & dopamine

Orchestral Hi-Fi & dopamine

Stokowsky - Rimsky-Korsakov - Russian Eastern overture
Stokowsky – Rimsky-Korsakov – Russian Eastern overture

Cela a été récemment prouvé : comme avec les drogues ou la nourriture, la musique peut générer chez certains la circulation de dopamine, « neuromédiateur du plaisir et de la récompense ». Chez moi, cela se traduit, au disque ou lors de concerts exceptionnels – et pas seulement orchestraux -, par la génération de frissons du crâne aux doigts de pieds…

Si la littérature au sujet de la dopamine insiste sur le plaisir lié à l’attente de la récompense de retrouver des effets connus, çà peut marcher aussi avec des œuvres jusque-là inconnues, par exemple avec la découverte d’un inédit de Karl-Amadeus Hartmann par Kubelík : les Hymnes symphoniques. Sans doute l’émotion de retrouver mêlés les styles de Stravinsky et de Berg…

Pour en rester à l’orchestre reproduit sur une chaîne Hi-Fi, je voulais illustrer ce propos par deux monstres sacrés de la direction d’orchestre, Stokowsky et Svetlanov ; deux interprètes qui ont pu paraître parfois outranciers, le 1er surtout, mais qui ont laissé quelques enregistrements très « dopamine » ; Svetlanov nous a donné à Paris nos plus beaux moments de concert, même si çà ne « marchait » pas à tous les coups. C’était un spécialiste du crescendo fffff  : dans certaines œuvres, la salle vibrait tant que l’on croyait que l’on allait s’envoler…
Ici, la fin du Poème de l’extase

(ne pas manquer non plus son interprétation délirante d’Islamey de Balakirev, que l’on peut trouver sur Youtube… ou ses symphonies de Tchaikovsky chez Canyon).

Quant à Stokowsky, ici la Grande Pâque russe avec l’orchestre symphonique de Chicago (1968) avec un superbe effet de soufflet :


Cf. aussi, par exemple, ses magniques Images de Debussy avec le LSO chez EMI.

Enfin, encore un peu de dopamine avec le 3e mouvement de la 9e de Mahler par Kubelík en concert à la Bavaroise en 1975, certes bien moins bien enregistré :

J’ajoute évidemment (31/10/12) la récente réédition du Tricorne par Ansermet chez Praga Digitals, ici pas besoin d’extrait, il faut se précipiter pour l’acquérir et l’écouter en SACD… en plus ce n’est pas cher.

 

Svetlanov - Scriabine - Le poème de l'extase
Svetlanov – Scriabine – Le poème de l’extase

That was recently proven: as with drugs or food, the music can generate circulation of dopamine, “neurotransmitter of the pleasure and the reward”. For me this results, on Hi-FI or sometimes in exceptional concerts – and not only orchestral -, by the generation of shivers from cranium to the toes… If the literature about the dopamine insists on the pleasure related to waiting the reward of finding known effects, that can go also with works previously unknown, for example with the discovery of a new work of Karl-Amadeus Hartmann by Kubelík: Symphonic Anthems. Emotion probably linked to discover a work which blends wonderfully the styles of Stravinsky and Berg…
To remain with orchestra reproduced on a hi-fi system, I wanted to illustrate this matter by two superstars of conducting, Stokowsky and Svetlanov; two interpreters who could appear sometimes exaggerated, 1st especially, but who left some very “dopamine” recordings; Svetlanov gave us in Paris our more beautiful moments in concerts.
He was a specialist in fffff crescendo: in certain works, the room vibrated as much as it was believed that one was going to fly away… Here, end of the Poème de l’extase… (not so clean as for Abbado or Boulez, but who cares ?)

(not to miss either its delirious interpretation of Islamey de Balakirev, which can be found on Youtube… or his symphonies of Tchaikovsky for Canyon).

As for Stokowsky, here Eastern Russian Overture with the Chicago symphony orchestra (1968): (rather clean)

Cf. also, for example, his magic Images by Debussy with the LSO for EMI.

Lastly, still a little dopamine with the 3rd movement of Mahler’s 9th with Kubelík in concert with the Bavarian in 1975: (not so clean as Haitink or Boulez, but who cares again?)

Of course I will add (10/31/12) the Three cornered hat by Ansermet at Praga Digitals: the best reissue I have heard for years; no excerpt here for this very famous session, just get it and listen to it on a SACD device… (bargain price moreover).