Arnold Schoenberg – Erwartung [EN]
Nous n’avons recensé qu’à peine 15 enregistrements publiés sur disques de cette œuvre :
ce qui avec les doublons donne une douzaine de chanteuses sur plus de 60 années…
Difficulté de la partition, écrite en 1909 – mais qui ne fut créée qu’en 1924 par Alexander von Zemlinsky – ou difficulté de trouver des chanteuses capable de le faire ? Sans doute les deux.
Après bien des efforts, j’ai réussi à trouver une version française du texte de Marie Pappenheim :
L‘argument : Dans une forêt, une femme ressent de l’appréhension tout en attendant son amant. Dans l’obscurité, elle heurte ce qu’elle pense être un corps, mais s’aperçoit qu’il s’agit d’un tronc d’arbre. Effrayée, elle devient de plus en plus angoissée, car elle ne trouve nulle part l’homme qu’elle attend. Elle découvre alors un cadavre, c’est son amant, celui qu’elle attendait. Elle appelle à l’aide, en vain. Elle tente de le ramener à la vie, et lui parle comme s’il était encore vivant, lui reprochant amèrement de lui avoir été infidèle. Elle se demande ensuite ce qu’elle doit faire de sa vie, maintenant que son amant est mort.
Ici, une introduction à l’œuvre (en).
C’est sûr que ce n’est pas gai gai : on est en plein expressionnisme morbide…
L’œuvre est en 4 scènes, les 3 premières représentant une entrée progressive dans la peur et l’angoisse pour aboutir à la dernière, la plus développée -trois fois plus longue que les 3 premières, l’œuvre durant un peu plus d’une demi-heure.
Scène I
On a écouté la 1ère scène dans les versions disponibles.
Le pionner Mitropoulos : son assez mauvais, la chanteuse ne respecte guère les indications de dynamique.
Changement total avec Scherchen : cela vit plus, sonne mieux, la voix de Pilarczyk est très prenante.
Janis Martin et Boulez sont très clairs.
Anja Silja et Dohnanyi : c’est plus âpre que Boulez, la chanteuse jouant franchement la carte de l’expressionnisme.
Jessye Norman / Levine : c’est la chanteuse qui donne sa partie avec le plus d’évidence jusqu’ici.
Bryn-Julson / Rattle : elle est la seule à suivre toutes les indications, tout en habitant sa partie, incluant même un peu de « parler-chanter ».
Alessandra Marc / Sinopoli : Je trouve la voix insupportable (vibrato, cris), l’orchestre est lui magnifique et très bien capté, dommage.
Silja / Craft : Prise de son trop réverbérée, voix souvent stridente.
Charbonnet / Saraste : Débit heurté, prononciation…
Scène II
Pilarczyk / Scherchen : très dramatique, voix pas toujours très agréable.
Martin / Boulez : très bien chanté, les instruments manquent de présence.
Silja / Dohnanyi : Très beau timbre, un peu d’affectation – orchestre plus présent et intéressant que chez Boulez.
Norman / Levine : Toujours la même conduite superbe de la phrase, très bien accompagnée.
Bryn-Julson / Rattle : dommage que la voix soit trop intégrée à l’orchestre, mais c’est très bien fait. On passe directement à la scène III
Scène IV
On reste avec 3 versions : Silja / Dohnanyi – Norman / Levine –
Bryn-Julson / Rattle
Silja / Dohnanyi : Assez dramatique, superbe orchestre, quelques approximations vocale sans importance, nombreux moments superbes ou impressionnants.
Norman / Levine : C’est encore mieux chanté, avec une prononciation et une projection supérieures et un orchestre impeccable…
Bryn-Julson / Rattle : La voix est moins présente, plus « instrumentale », mais cette optique de stricte musicalité sans ajout d’effet paye finalement : on est encore plus pris.
On retiendra donc Jessye Norman et Phyllis Bryn-Julson dans cette oeuvre très forte, et on attendra encore longtemps j’en ai peur une nouvelle version d’un tel niveau.