On s’est rappelé que l’on avait 3 versions de concert du Tombeau de Couperin de Ravel par Kubelik ; pourquoi pas une petite comparaison avec les versions officielles dont on dispose ?
Je ne reviendrai pas ici sur le fait que ce très grand chef fut mésestimé – en partie par sa faute, lui qui détestait le ‘star system’ – mais d’autant plus dans le répertoire français : ce fut notamment un grand Berlozien (il fut principalement à l’origine de la redécouverte des Troyens, pas Colin Davis, par exemple).
Au-dessus, les versions dont on dispose ; on voit que Martinon est le plus lent, Paray le plus rapide, Tharaud est là comme témoin pour la version orginale pour piano.
Chacune des six pièces est dédicacée à des amis du musicien, tombés au feu au cours de la Première Guerre mondiale. Prélude – à la mémoire du lieutenant Jacques Charlot (qui travailla sur sa musique aux éditions Durand) Fugue – à la mémoire de Jean Cruppi (dont la mère avait participé à la mise en scène de L’Enfant et les sortilèges) Forlane – à la mémoire du lieutenant Gabrel Deluc Rigaudon – à la mémoire des frères Pierre et Pascal Gaudin Menuet – à la mémoire de Jean Dreyfus (beau-frère de Roland-Manuel) Toccata – à la mémoire du capitaine Joseph de Marliave (ce dernier, musicologue, était l’époux de Marguerite Long qui donna la première du Tombeau de Couperin).
4 pièces seront ‘orchestrées’ (plutôt recomposées) en 1929 : Prélude, Forlane, Menuet et Rigaudon.
L’écoute de la version Tharaud (d’une prise de son peu précise) met l’accent – avec talent et distinction -, comme on s’y attendait connaissant le répertoire du pianiste, sur le classicisme de l’oeuvre. Un peu comme pour Mozart, la perfection classique et parfois glacée de Ravel nous semble toujours un paravent masquant sinon une angoisse, en tout cas un mystère, même si le pastiche peut tourner à la pochade secrète : cf. analyse de la Forlane.
Prélude
Paray est donc très rapide, avec un orchestre et une prise de son très brillants.
Cluytens parait moins décidé, c’est moins bien fini orchestralement.
Kubelík 1962 : malgré la mauvaise prise de son, on entend bien que ce sont des bois allemands, un peu plus « patauds », on regrette le ‘piqué’ des cordes de Paray, mais le drame sous-jascent jusque là apparaît au n° 7, avec la trompette ; le concert de 1972 toujours à la Bavaroise paraît un peu en deçà.
Boulez à New York pâtit d’une prise de son un peu distante, c’est très bien en place, mais l’intérêt se dissipe peu à peu.
Martinon bénéficie de bois et de vents superbes, c’est beau sans plus.
Dans la même durée, revoici Kubelík à Chicago en 1983, de belles intentions, mais comme Boulez, cela manque d’animation dans la 2e partie.
Gelmetti : c’est tout juste si l’on entend les hautbois, on laisse pour la suite.
Pour la Forlane, on peut entendre l’original de Couperin ici.
Paray : on n’entend pas assez les bois, notamment la flûte, mais c’est très élégant (toujours ces cordes).
Cluytens : On entend mieux les timbres, çà manque un peu d’allant, on aime bien les hautbois un peu nasillards. La 2e partie est mieux, finalement très ‘Forlane’ et très ‘Couperin’.
Kubelík est sans doute mieux :
C’est encore mieux en 1972 : de la tenue, du chic.
Boulez : la plus lente, du coup les appuis sont un peu trop marqués, c’est dommage, de beaux timbres.
Martinon : plus de ‘chair’, plus de timbres, d’expressivité aux cordes, c’est un peu moins bien en place que chez Boulez mais bien plus vivant et coloré.
Kubelík – Chicago : c’est un peu moins bien tenu qu’avec la Bavaroise, mais de beaux moments de poésie.
Menuet
Paray, le plus rapide, est parfait, Cluytens paraît un peu survolé : des détails n’apparaissent pas, certaines indications sont plus ou moins respectées… on l’écarte.
Kubelík 62 : en plus de sa science des cordes de par sa formation de violoniste, il savait faire dialoguer les bois et les vents comme personne ; la version la plus émouvante jusqu’ici. A peine moins heureux en 1972.
Boulez toujours lointain, on ne se sent pas concerné, on écarte.
Martinon fait le plus penser à Kubelík, dont il était très proche, comme Klemperer – superbe fusion des timbres, un petit peu sollicité (cordes).
Kubelík en 83 est un peu plus rapide, un peu moins bien qu’avec ses Bavarois.
Rigaudon
Paray court la poste et cette fois çà semble un peu trop rapide, mais la Pastorale centrale est pleine d’esprit.
Kubelík 62 sonne un peu plus épais, mais c’est l’évidence même avec des rythmes de danse plus affirmés. C’est encore une fois à peine moins bien en 72.
Martinon : c’est assez cuivré, beaucoup de ‘chic’ au bon sens du terme.
Kubelík 83 est plus lent, toujours un peu moins bien qu’à Munich.
Conclusion : Martinon (EMI) est un premier choix dans une superbe intégrale Ravel, Paray (Mercury) a ses atouts dans un CD qui comprend aussi des Escales de Jacques Ibert atmosphériques à souhait. La qualité des versions Kubelík montre une fois de plus qu’il n’est pas nécessaire de chanter dans son arbre généalogique pour interpréter une musique d’une autre nationalité. Si Audite pouvait rééditer ce concert…
Remembering I get 3 versions in concert of Ravel’s Le tombeau de Couperin by Kubelik, why not a small comparison with some official versions?
I won’t repeat here how much he is unconsidered, partly by his fault, rejecting fiercely the “star system” – but all the more in the French repertory: he was in particular a great Berlozian (he was mainly at the origin of the rediscovery of les Troyens, for example).
Above, the versions I get; it appears that Martinon is the slowest, Paray the fastest, Tharaud is here as a witnesses for the original version for piano.
Each of the six parts is dedicated to friends of the musician, who died during the First World War.
Prélude – to the memory of lieutenant Jacques Charlot (who worked on his music with the Durand editions) Fugue – to the memory of Jean Cruppi (whose mother had taken part in the setting in scene of L’enfant et les sortilèges) Forlane – to the memory of lieutenant Gabrel Deluc Rigaudon – to the memory of the brothers Pierre and Pascal Gaudin Menuet – to the memory of Jean Dreyfus (brother-in-law of Roland-Manuel) Toccata – to the memory of captain Joseph de Marliave (this last, musicologist, husband of Marguerite Long who gave the première of Le tombeau de Couperin).
4 parts “will be orchestrated” (rather recomposed) in 1929: Prelude, Forlane, Menuet and Rigaudon. The listening of the Tharaud version (in a sound lacking of focus) emphasizes – with talent and distinction – the classicism of the work.
Prélude
Paray is very fast, with brillant orchestra and sound recording.
Cluytens appears less decided, is less orchestrally refined
Kubelík 1962: in spite of the bad sound, one hears well that they are German wood, a little more lumpish, one regrets the “piqué” of the strings with Paray, but the drama under-jascent until there appears with the n° 7, with the trumpet; the concert of 1972 with the Bavarian again appears a little bit below.
Boulez in New York suffers from a little distant sound recording, it is very well tuned, but the interest fades rapidly.
Martinon profits from superb wood and winds, it is beautiful without more.
In the same duration, again Kubelík in Chicago in 1983, beautiful intentions, but as Boulez, it misses some animation in the 2nd part.
Gelmetti: you can hardly hear the oboes are heard, we will discard it.
Forlane, one can hear the original of Couperin here.
Paray: one does not hear enough woods, in particular the flute, but it is very elegant (always these strings).
Cluytens: One hears better the tones, it lacks a little bit of energy, we like the oboes, a little nasal. The 2nd part is better, finally very “Forlane” and very “Couperin”.
Kubelík is undoubtedly better:
It is still better in 1972.
Boulez: the slowest, accents are marked a little too much.
Martinon: more “flesh”, more colors, more expressive strings, a little less refined than Boulez but much more living.
Kubelík – Chicago: it is a little less better held that with the Bavarian one, but there are beautiful moments of poetry.
Menuet
Paray, the fastest, is perfect,
Cluytens appears a little overflown: details do not appear, some indications are more or less respected…
Kubelík 62: in addition to his science of the strings from his violinist career, he could make dialogue wood and winds like no one; this is the more moving version up to now.
Almost as good in 1972.
Boulez always remote, one does not feel concerned.
Martinon makes more think of Kubelík, to whom he was very close, as with Klemperer – superb fusion of tunes, solicited a little bit (strings).
Kubelík in 83 is a little faster, a little less good than with his Bavarians.
Rigaudon
Paray is a little too fast, but the Pastoral part is full with spirit.
Kubelík 62 sounds a little thicker, but it is the obviousness even with more marked rates/rhythms of dance. It is once again hardly less good into 72.
Martinon: it is rather coppered, much of “knack” in the good sense of the term.
Kubelík 83 is slower, always a little less good than in Munich.
Conclusion
Martinon (EMI) is a first choice in a superb Ravel integral, Paray (Mercury) has its assets in a CD which includes also atmospheric Escales of Jacques Ibert.
The quality of the Kubelík versions shows once more that it is not necessary to sing in its family tree to interpret a music of another nationality. If Audite could publish this 1962 concert…
Actualité culturelle – Musique classique & contemporaine