Rencontre avec Hélène Devilleneuve, hautboïste
A force de croiser l’instrumentiste aux concerts de Court-circuit, et suite à un récital de présentation de son dernier CD, nous avons rencontré Hélène Devilleneuve pour cette rapide et sympathique interview.
Parcours
Née en Avignon, Hélène Devilleneuve est issue de parents enseignants (Arts plastiques et sciences) qui lui donnèrent une éducation artistique ; arrivée à Versailles à l’âge de 7 ans, elle commence à faire de la flûte à bec au Conservatoire. Son directeur, le compositeur Jean Aubain (1928-2015) incitant les élèves à choisir un deuxième instrument pouvant jouer dans l’orchestre, elle choisit le hautbois, charmée par sa sonorité solaire. Elle étudiera ainsi auprès de Michel Descarsin (1er hautbois solo des concerts Colonnes et de la Garde républicaine), qui l’encouragea à 14 ans à poursuivre sa voie dans la musique ; elle eut également pour professeurs André Chevalet (Hautbois à l’Orchestre Philharmonique) puis Alain Denis (Cor anglais à l’Orchestre de Paris) : « tous ces professeurs s’estimaient mutuellement».
Ce sera ensuite le Conservatoire de Paris avec Maurice Bourgue, David Walter et Jean-Louis Capezzali. Elle sera lauréate de plusieurs concours : Sony Competition à Tokyo ou Barbiroll Competition, (du nom de l’épouse du chef d’orchestre John Barbirolli, qui fut la première hautboïste femme soliste d’orchestre).
Admise en même temps à l’Orchestre de la Garde républicaine, elle choisira cependant l’Orchestre Royal Philharmonique des Flandres de 1992 à 1995, avant d’obtenir son poste actuel : premier hautbois super-soliste à l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Quand je lui demandais si le Conservatoire préparait au travail d’orchestre : « tout à fait : les professeurs avaient tous ‘l’expérience de la chaise’ ». « L’orchestre est maintenant dirigé par Mikko Franck, qui fait un travail formidable avec nous. Nous avons de la chance, car les trois directeurs musicaux qui se sont succédés ont énormément apporté à l’orchestre : Marek Janowski, Myung Whun Chung et maintenant notre nouveau chef finlandais.
Musique contemporaine
Elle intègrera l’Ensemble Court-circuit dès 1992. Elle avait été emballée par une analyse du Prélude à l’après-midi d’un faune faite par Philippe Hurel, lors d’une rencontre au conservatoire de Versailles. La première pièce qu’elle jouera d’ailleurs de lui sera « Pour l’image » avec entre autres musiciens la flûtiste Juliette Hurel (qui n’a pas de lien de parenté avec le compositeur…). C’est donc tout naturellement qu’elle accepta de faire partie de l’ensemble à sa création par Philippe Hurel et Pierre-André Valade : « j’aime l’élan de la création, les échanges avec les créateurs, voir une œuvre naître et aussi la sensation de créer du ‘neuf’, de ne pas avoir le poids des versions historiques des œuvres du répertoire ».
L’instrument
Il y a en fait quatre grands types d’instruments dénommés « hautbois » : le hautbois proprement dit, le hautbois d’amour, en la, que l’on trouve par exemple dans Gigues de Debussy ou dans le Boléro de Ravel, le cor anglais, en fa et plus rarement le hautbois baryton.
Au niveau de la facture, si l’on peut distinguer le hautbois viennois, la plupart des hautbois sont français (Rigoutat, Marigaux, Lorée et Buffet-Crampon, entre autres marques..). S’il existe bien sûr d’autres fabricants en Italie, Allemagne ou Japon, par exemple 80% des hautbois joués aux USA sont des Lorée, sans doute à cause de l’influence du fameux hautboïste Marcel Tabuteau qui fut pendant près de trente ans professeur au Curtis Institute of Music de Philadelphie.
Elle pratique également le hautbois baroque à temps perdu, dont elle apprécie les sons filés, proches de la flûte, par souci d’authenticité de style et de mode de jeu pour ce répertoire…
Répertoire
Les principaux concertos pour hautbois sont ceux de Bach, Vivaldi, Mozart, R. Strauss, Vaughan Williams, Martinu, Ibert, les quatre de Maderna et le double de Ligeti…
Certaines œuvres lui ont été dédiées (Trame de Matalon, Interlude de Dalbavie). Elle a joué « tous les spectraux » et apprécie particulièrement les musiques de Gérard Grisey, Michael Jarrell, Asbjorn Schaatun, Alexandro Markeas, Frédéric Durieux, Ivan Fedele, Tristan Murail. Elle espère la création prochaine d’une pièce pour hautbois et orchestre d’un compositeur que l’on a cité… « J’aime les compositeurs qui ont renouvelé le langage ».
Enseignement
« C’est le troisième pied de mon équilibre avec les activités de soliste et d’orchestre. J’adore enseigner : c’est un vrai travail d’introspection ». Outre ses activités d’enseignement du hautbois, elle est également professeur de lecture à vue au CNSM de paris pour les « bois » (flûte, hautbois, clarinette, basson et saxophone) : « mais c’est très utile pour les musiciens, surtout d’orchestre, de pouvoir vite déchiffrer les partitions, et de s’adapter le plus rapidement possible à un style, ou une configuration musicale particulière ». A propos du niveau général des instrumentistes : « Il y a toujours eu des météores comme Maurice Bourgue, Heinz Holliger, François Leleux qui est un modèle pour tous, ou plus récemment Philippe Tondre, mais le niveau général monte, en même temps que l’envie et la curiosité, de la musique baroque à la musique contemporaine. Je compte bien m’investir de plus en plus dans ‘enseignement ».
Projets
« J‘ai été conviée avec d’autres solistes d’orchestres du monde entier à venir jouer la 7e de Mahler avec le New York Philharmonic et Alan Gilbert, chef que j’apprécie particulièrement. Ce sera dans 15 jours dans le cadre d’un programme de l’ONU. »
« Enfin, je réfléchis déjà à un projet de deux nouveaux CD, après la sortie récente de mon CD consacré à la musique française pour hautbois et piano, chez Klarthe en avril dernier : un consacré au hautbois contemporain et sans doute un disque de musique romantique ».
Que dire, si ce n’est que là encore Hélène DEVILLENEUVE se montre une exceptionnelle artiste .