Cet ouvrage date de 2016. Philippe Fénelon me l’a aimablement adressé à la suite de mon papier sur un récent CD anthologique de sa musique instrumentale et un de ses précédents ouvrages Histoires d’opéras.
Déchiffrages est le fruit de décennies de prises de notes – elles parsèment les différents chapitres et donnent presque le vertige quant à la variété géographique des lieux de leur écriture.
Musicien, compositeur, librettiste, réalisateur, agent artistique c’est donc également un grand voyageur, ainsi qu’un homme d’une vaste culture, musicale bien sûr, mais aussi littéraire.
Il retrace ici évidemment ses premières années, de la découverte d’une pièce de Chopin, du Conservatoire d’Orléans à l’éblouissement devant un geste de Boulez à Bayreuth en 1970 retenant la musique à la fin des Noces, geste qui lui fournit le déclic pour devenir compositeur (on peut l’imaginer ce geste avec les dernières mesures de l’œuvre vers 19’50 » ci-dessous).
Sa position vis-à-vis de la musique contemporaine est l’absence de didactisme : il fustige telle claveciniste qui est incapable de déchiffrer de la musique contemporaine (« pour un interprète, la méconnaissance du répertoire de son époque est une lacune que rien ne peut justifier »), tout en n’adhérant ni au mouvement spectral ni au « post-dodéca ». Un passage savoureux est le renvoi dans leurs cordes, tant de Pfitzner que de Berg, à propos de leur célèbre polémique sur les Scènes d’enfants de Schumann.
Parmi ses aînés, outre son professeur Olivier Messiaen, il semble préférer des compositeurs indépendants comme Jolivet, Varèse, Zimmermann et bien d’autres.
Il attache une grande importance aux relations avec ses interprètes, tels Joëlle Léandre ou Florent Jodelet par exemple. On y trouvera des passages sur ses opéras (il en a déjà ‘commis’ huit) – il a été effectivement très inspiré par les textes et l’étendue de ses connaissances littéraires nous a très impressionné (et parfois perdu…).
On trouvera finalement peu d’éléments autobiographiques personnels, si ce n’est l’évènement majeur de la déportation de son père pendant la 2e Guerre mondiale.
C’est un livre touchant, très vivant, d’une écriture alerte, simple mais élégante et efficace – en espérant que ce modeste papier incitera à sa lecture.
(Juste une petite remarque : dans un chapitre où il parle de la musique de Korngold, écrire que « […] avant 1925, Korngold était, avec Richard Strauss, le compositeur le plus joué en Allemagne […] » me semble faire l’impasse sur un certain Franz Schreker.
Déchiffrages – Une vie en musiques – Philippe Fénelon – 2017 – Riveneuve éditions – 338 p/ – 22 €
Parmi sa centaine d’opus, extrait des Dix-huit Madrigaux (1996) :