Pascal Amoyel – Rencontre avec un artiste – Meeting with an artist
Pascal Amoyel – Rencontre avec un artiste – Meeting with an artist
du 15 janvier au 30 mars 2014 , au Théâtre Le Ranelagh :
du mercredi au samedi à 21h00, le dimanche à 17h00.
Il y a quelques années encore, comme pour Emmanuelle Bertrand d’ailleurs, le nom du pianiste et compositeur Pascal Amoyel nous était seulement connu, comme pour tout mélomane français, par les revues musicales ou les comptes-rendus des ‘Victoires de la musique’, sans que l’on soit allé plus loin. Une rencontre fortuite il y a un an nous a permis de faire connaissance avec cet artiste ; impressionné par son concert privé d’alors, je n’ai eu de cesse d’assister à ses prestations autant que possible, d’où l’idée de cette interview qu’il a bien voulu m’accorder jeudi dernier 13 décembre.Cet homme de 41 ans, d’un abord doux et aimable, empathique, est un artiste de conviction. Il attache une importance essentielle à l’honnêteté de l’interprète, à une recherche de l’inspiration dans le cadre d’une fidélité maximale au contexte de l’œuvre et du compositeur. Son bonheur (que l’on partage), ce sont ces moments de concerts où « l’ego lâche prise », où dans le son produit et rendu par la salle, l’ego de l’instrumentiste – et du public – s’effacent pour laisser parler la pensée du compositeur. Son exigence, d’essence quasi spirituelle, lui a fait épouser une carrière la plus libre possible dans un contexte musical de plus en plus stéréotypé. Pas d’agent artistique londonien avec lui : il a fondé avec sa compagne, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand, l’agence Tandem : une personne les aidant à organiser leurs apparitions publiques, communes ou non. Pour illustrer son niveau d’exigence artistique, il nous a confié qu’après l’important succès rencontré par son premier disque Chopin (Nocturnes), tout le monde s’attendait à un 2e disque Chopin ; pour éviter tout ‘catalogage’ dont est friand le milieu musical français, son disque suivant fut consacré aux Préludes de Scriabine… pour lequel il confie s’être immergé complètement dans cette musique pendant de longs moments. Le « disque » pour lui, ce doit être un aboutissement : il regrette d’ailleurs le fait que l’horizon de programmation des concerts se raccourcisse, ce qui rend plus difficile l’approfondissement et le ‘rodage’ de programmes qui pourraient éventuellement faire l’objet d’un enregistrement réussi. En « artiste-artisan », il apporte en outre le plus grand soin à la réalisation des disques, allant par exemple jusqu’à enregistrer la nuit les Nocturnes de Chopin ! Son activité discographique pour 2013 sera consacrée à un album Alkan et un CD Chostakovitch avec E. Bertrand. Pris par le temps (il a notamment une dizaine d’élèves au Conservatoire de Rueil-Malmaison et… deux petites filles), il aimerait étendre encore son répertoire au concert. Prochainement sans doute le Concerto de Grieg et Beethoven, entre autres projets qu’il serait prématuré de divulguer. Je lui indiquai combien j’aimerais l’entendre dans d’autres répertoires, par exemple Debussy ou Messiaen, musiques qu’il pratique en privé. On n’a pas eu le temps d’aborder son activité de compositeur, sujet de toutes façons sensible pour un interprète / compositeur. Pour ce qu’on en connaît, son inspiration est souvent de caractère mystique (Itinérances par exemple), qualificatif que l’on pourrait appliquer à ses choix pour ses enregistrements – j’ai pensé un moment titrer cet article « Harmonies poétiques et religieuses ». Pourtant, dans son récent spectacle Manhattan rapsody donné en novembre dernier lors de son « Festival Notes d’automne du Perreux », il montrait qu’il pouvait être aussi pétillant et jazzy que quiconque dans Gershwin ! Ce Festival est d’ailleurs une sorte de laboratoire pour une manière originale de mettre en scène la musique, le plus souvent en perspective avec des textes, permettant ainsi de casser le rituel un peu figé du concert de musique classique ; en témoignent ses spectacles Le pianiste aux 50 doigts, Le Block 15, la musique en résistance… Je lui ai confié mon appréhension quand j’ai appris qu’il avait donné des concertos sur pianos d’époque avec Jos van Immersel… En fait, il fut approché pour remplacer un pianiste indisponible et fut finalement enchanté de l’aventure (2e concerto et Totentanz de Liszt, ainsi que Chopin) : il conseille même aux jeunes pianistes d’appréhender les instruments de l’époque : ils permettent, par exemple pour Chopin qui donnait tant d’indications dans ses partitions, de mettre celles-ci réellement en pratique sur le type d’instrument pour lequel elles étaient fatalement destinées, afin de mieux les rendre ensuite sur un instrument adapté aux conditions d’aujourd’hui. Une dernière chose qui me tient à cœur : la qualité du public ; je lui racontai comment, après le spectacle Gershwin, fumant ma pipe dehors en attendant d’aller le saluer, un « mélomane », pour faire son connaisseur, déclarait qu’il avait donné trop d’importance aux voix secondaires dans la Rapsodie… ce qui le fit sourire – et pour une fois un auditeur français parlait musique en sortant d’un concert… Il me déclara qu’il était sidéré de la qualité du public de certains pays, notamment l’Allemagne, où il peut arriver que quelqu’un vienne disserter avec lui sur Alkan ! (18/12/12) A noter que Pascal Amoyel a reçu le premier Prix Jean Pierre-Bloch, qui récompense « un artiste et son œuvre dans son rapport aux Droits de l’Homme », par la Licra, le jeudi 20 décembre dernier. |
Some years ago, as for Emmanuelle Bertrand, the name of the pianist and composer Pascal Amoyel was onlyknown to us, as for any French music lover, by musical reviews or the French “Victories of the music”, without looking any further.
A fortuitous meeting one year ago enabled us to meet this artist; impressed by the private concert he gave then, I attended his concerts as much as possible, from where the idea of this interview carried out last Thursday December 13. This 41 year old man, soft, pleasant, empathic, is an artist of conviction. He attaches an essential importance to the honesty of the interpreter, with a research of the inspiration within the framework of a maximum fidelity to the context of the work and the composer. His exigency, quasi spiritual, made him carrying the freest possible career in a more and more stereotyped musical context. No London artistic agent…he has founded with his partner, the violoncellist Emmanuelle Bertrand, the Tandem agency: a person helping them to organize their public appearances, common or not. To illustrate his artistic level standard, he told us that after the important success met by his first Chopin CD (Nocturnes), everyone expected one a 2nd Chopin disc; to avoid any “cataloguing”, his following disc was devoted to the Preludes of Scriabine… for which he told us having been immersed completely in this music during long moments. The “disc” for him, must be a result: he regrets the fact that the horizon of programming in the concerts is getting shortened, which makes more difficult the deepening and the “grinding” of programs which could possibly be the subject of a successful recording. As an “artist-craftsman”, he takes moreover the greatest care to the realization of the recordings, going recording for example at night the Nocturnes by Chopin! His next releases for 2013 will be devoted to an Alkan album and a Chostakovitch CD with E. Bertrand. Taken by time (he has in particular ten pupils ay the Conservatoire of Rueil-Malmaison and… two small girls), he would like to still extend his concert repertory. Soon undoubtedly the Concerto of Grieg and Beethoven, among other projects which it would be premature to reveal. For what we know, his inspiration is often of mystical nature (Itinérances for example), a qualification which we could apply to his choices for recordings – I thought one moment to titrate this article “poetic and religious Harmonies”. However, in his recent spectacle Manhattan rapsody given last November during the “Festival Notes d’automne du Perreux”, he showed he could be as sparkling and jazzy as whoever in Gershwin! This Festival is besides a kind of laboratory for an original manner to put in scene the music, generally in prospect with texts, thus making it possible to break the usual ritual of classical music concerts; as for example Le pianiste aux 50 doigts, Le Block 15, la musique en résistance… I told him my apprehension when I learned he gave piano concertos with Jos van Immersel… In fact, he had been approached to replace another pianist and it was finally for him a very interesting adventure (Liszt 2nd concerto and Totentanz, and Chopin): he even advises young pianists to apprehend these period instruments: they allow, for example for Chopin who gave so many indications in his scores, to really practice these instruments for which they were fatally intended, in order to play them better on an instrument adapted to today’s conditions. A last comment: the quality of the public; I told him how after the Gershwin spectacle, smoking my pipe outside while waiting to go to greet him, a “music lover declared that he had given too much importance to the secondary voices in the Rhapsody… which made it smile… He declared me that he was struck by the quality of the public of certain countries, in particular Germany, where it can happen that somebody comes to discuss with him about Alkan! |
« Le pianiste aux 50 doigts, ou l’incroyable destinée de György Cziffra » – Spectacle musical de et par Pascal Amoyel The 50 fingers pianist, György Cziffra’s amazing destiny – A musical show by Pascal Amoyel |
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Pour mettre les choses au clair, j’ai voulu comparer sa version des Funérailles avec celle que j’avais en ma possession, celle d’Aldo Ciccolini (EMI), qui fut, avec évidemment György Cziffra, un de ses mentors, comme Lazar Berman et bien d’autres. Dans cette œuvre si exigeante techniquement, j’ai d’abord écouté le fameux enregistrement de son grand aîné en suivant la partition : on est continuellement ébloui, malgré un son un peu brutal. En mettant ensuite le CD de Pascal Amoyel, on abandonne la partition pour regarder un peu bêtement les enceintes : il nous guide et nous émeut de bout en bout, et les autres morceaux sont à l’avenant. Tout serait à citer : la maîtrise de la sonorité – et donc de la pédale -, l’évidence des phrasés, la clarté de la structure de chaque morceau… Comme elles ont déjà été mises en ligne par ailleurs, je remets ici les Funérailles.
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To put the things at light, I wanted to compare his version of the Funérailles with the version I had in my possession : Aldo Ciccolini (EMI), who was, with György Cziffra, one of his mentors, like Lazar Berman and many others. In this so technically demanding work , I first listened to the elder one, following the score: one is dazzled, in spite of a rather brutal sound. By putting then on Pascal Amoyel’ CD, one gives up the score to look stunned to the loudspeakers: he guides and moves us from the beginning to end, and the other pieces are of the same quality. As they were already put on line, I give here the Funérailles. |