Cycle Schumann – Yannick Nézet-Séguin – Chamber orchestra of Europe – Nicholas Angelich

Cycle Schumann – Yannick Nézet-Séguin – Chamber orchestra of Europe – Nicholas Angelich

Yannick Nézet-Séguin - Chamber orchestra of Europe

Décidément, après Peraya il y quelques semaines, on vient encore de quitter un concert à l’entracte…

On avait été alléché par le programme qui clôturait un cycle symphonique Schumann à la Cité de la musique et par la réputation croissante du chef d’origine québécoise, Yannick Nézet-Séguin, accessoirement par le soliste que l’on n’avait jamais entendu en concert, Nicholas Angelich.

A entendre les applaudissements  bravos, embrassades, bis après le concerto, j’ai été dû être  un des seuls à partir (mais j’ai bien repéré quelques autres mélomanes qui trouvaient le temps long…).

L’ouverture Genoveva tout d’abord ; on se dit qu’il faut bien que tout le monde se chauffe un peu. Le dynamisme de la fin après de longues minutes assez plates auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. Chef assurément professionnel (il faut l’être pour avoir en même temps des responsabilités permanentes à Londres, Montréal, Philadelphie et Rotterdam), Yannick Nézet-Séguin est un chef à la battue claire et efficace. Justement l’ouverture était très claire… le faible effectif (avec un vibrato très réduit aux cordes) nous prive de « pâte » romantique.

Devient-on un vieux barbon aigri, nostalgique des Furtwängler ou Kubelik ? Je ne crois pas : cf. notre récente discographie comparée du Concerto de Schumann où nous avions adoré la version « politiquement incorrecte » d’Argerich / Rabinovitch

Apparaît donc l’imposant pianiste Nicholas Angelich : le piano a l’air d’un coup se rétrécir. C’est la version la plus longuette de ce concerto que je connaisse : le chef essaie bien d’animer un peu, mais le pianiste reste impassible et prend à chaque fois un tempo un peu plus lent, avec à notre goût beaucoup d’affèteries. Seule la cadence du 1er mouvement sauve la mise. Très belle sonorité ceci dit. En bis : Rêverie. On était bien éberlué au triomphe qui suivait, encore plus en voyant faire applaudir certains solistes (vents) dont les interventions nous parurent un peu intempestives et pas toujours de la plus belle sonorité…

On a écrit ce petit papier en écoutant le fin du concert sur le Net. La 2e, que le chef dirige cette fois sans partition, dont la qualité essentielle est le dynamisme, me fait penser finalement à la version Paul Paray…

Si vous avez lu ce papier jusqu’au bout sachez que vous pouvez vous faire une idée par vous-même sur medici.tv !

Et puisqu’on parle de medici.tv, allez plutôt écouter l’excellent concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi et Rudolf Buchbinder…

Definitely, after Peraya a few weeks ago, we leave again a concert after the intermission…
I had been enticed by the program which enclosed a symphonic cycle Schumann in the City of the music and by the increasing reputation of conductor Yannick Nézet-Séguin, incidentally by the soloist who we never heard in concert, Nicholas Angelich.

To hear the applause, cheers, embraces, after the concerto, I was probably the only one to leave (but I located some other music lovers who also found time very long…).

The Genoveva overture to begin; one thinks that it is necessary for everyone to” heat” a little.

Undoubtedly Yannick Nézet-Séguin is a pro (which is necessary to be able to have at the same time permanent responsibilities in London, Montreal, Philadelphia and Rotterdam), with a clear and effective beating. Precisely the opening was very clear… the orchestra’s small size (with a very reduced vibrato for the strings) deprives to us of romantic “paste”.

Does one become a nostalgic greybeard of Furtwängler or Kubelik? I don’t think: cf. our recent compared discography of the Concerto by Schumann where we had adored the “politically incorrect” version of Argerich / Rabinovitch

Then the imposing pianist Nicholas Angelich appears: the piano seems to reduce its size…

It was one of the most boring lecture of this concerto I know: the conductor tries well to animate a little, but the pianist remains impassive and takes each time a tempo a little slower, with our taste many affects. Only the cadence of the 1st movement saves the lecture. Yet he has a very beautiful sound.

I was well astounded by the triumph which followed, even more while seeing making applaud certain soloists (winds) whose interventions appeared a little inopportune to us and not always of most beautiful sonority…

I am writing this small paper listening back home to the end of the concert on the Net. The 2nd symphony, conducted this time without score, has dynamism for essential quality ; it makes me think finally of the Paul Paray version …

If you read this paper until the end, you can make your own judgment on medici.tv!

And speaking about medici.tv, go and listen to an excellent concert by the Orchestre de Paris conducted by Paavo Järvi with Rudolf Buchbinder…

Philippe Manoury – Zeitlauf

Philippe Manoury – Zeitlauf

Philippe Manoury - Zeitlauf
Philippe Manoury – Zeitlauf

Philippe Manoury se voit fêtés ses 60 ans un peu partout.  Actuellement encore à San Diego, à partir de janvier 2013, il enseignera la composition au Conservatoire de Strasbourg et sera compositeur en résidence à l’Orchestre de chambre de Paris. 
Je relate ici la découverte de son œuvre abondante (plus de 60 œuvres de 1973 à 2012), en ne commentant que les partitions qui m’ont accroché.

Philippe Manoury nous déclarait récemment qu’il ne comprenait pas pourquoi on le prenait pour un « compositeur allemand » – un clin d’œil : écrire Zeitlauf (1982), une pièce de 67′ sur un texte allemand original de Georg Webern (!), basée de plus sur des notions de mémoire et prédictibilité…

On pourra lire avec intérêt la remarquable étude d’Alain Poirier « Philippe Manoury : La courbure du parcours« , notamment les passages concernant cette œuvre, invoquant l’art des transitions de Wagner et la dualité cycle / individualisation des parties de Momente de Stockhausen.

L’enregistrement paru en 1990 chez le défunt éditeur Erato et enregistré en 1984 par le Groupe vocal de France et l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Peter Eötvös est devenu introuvable. C’est bien une gageure que de donner en concert une œuvre de cette nature et aussi longue et je serais curieux de connaître le nombre d’exécutions depuis la création. On peut néanmoins l’entendre sur Youtube, mais dans de bien moins bonnes conditions que sur sa chaîne hi-fi – superbe enregistrement. 

L’œuvre est écrite pour douze voix mixtes, neuf cuivres, trois percussions et un dispositif électroacoustique en temps réel. Après 7 à 8 minutes d’introduction, le poème apparaît, de façon amusante : « Zu beginn… ». Malgré la longueur, l’intérêt est soutenu par la prolifération des timbres (électronique, percussions, cuivres), des rythmes, les ruptures, les réminiscences. On notera par exemple la poésie du 10 (« Est lebste ein König in Spanien »).

Parmi les nombreuses vidéos que l’on peut trouver sur le Net, cf. un petit reportage sur une de ses dernières œuvres : son Concerto pour piano, orchestre et électronique (2012) et une interview sur France Musique (juin 2012) (où l’on comprend son intérêt toujours vif pour Sviatoslav Teofilovitch Richter…).

Philippe Manoury’s 60 years are celebrated this year. Currently still in San Diego, as from January 2013, he will teach composition at the Academy of Strasbourg and will be a composer in residence with the Chamber orchestra of Paris.
I report here the discovery of his abundant work (more than 60 works from 1973 to 2012), by commenting on only the partitions which appeal to me.
Philippe Manoury declared us recently that he did not understand why he is often taken for a “German composer” – to write Zeitlauf (1982), a work of 67′ on an original German text of Georg Webern (!), based moreover on concepts of memory and predictibility…

The recording published in 1990 by the late Erato editor and recorded in 1984 by the Groupe vocal de France and the Ensemble intercontemporain under Peter Eötvös cannot be found anymore. It is certainly a challenge to give in concert a work of this nature and so long and I would be curious to know the number of executions since its creation.
One can nevertheless hear it on Youtube, but in much less good conditions than on a hi-fi system – superb recording. 
The work is written for twelve mixed voices, nine brass, three percussions and a real-time electro acoustic device.
After 7 to 8 minutes of introduction, the poem appears, in an amusing way: “Zu beginn…”.
In spite of the length, the interest is supported by the proliferation of the tilmbers (electronic, percussions, coppers), of the rates/rhythms, the ruptures, the reminiscences.
For example the poetry of the 10th (“Is lebste ein König in Spanien”).

Alfred Cortot – Grand art avec fausses notes – Christian Doumet

Alfred Cortot – Grand art avec fausses notes – Christian Doumet

Grand art et fausses notes - Christian Doumet
Grand art et fausses notes – Christian Doumet

« […] ce parfum de fraîcheur noire qui nous le fait reconnaître dès les premières brises ».

On a acquis un peu par hasard chez un soldeur cet ouvrage, eu égard à notre admiration pour le plus grand pianiste du XX siècle – avec Rachmaninov. Pianiste devenu d’ailleurs plus célèbre pour sa collaboration pendant la guerre et les nombreuses fausses notes et trous de mémoire qui émaillèrent ses concerts de la fin de sa vie que pour son art si singulier.

On avoue avoir d’abord abandonné sa lecture, se disant que la vie est trop courte pour lire des inepties sophistiquées… On l’a pourtant repris… et fini à toute allure. Il est bien difficile d’écrire sur la musique ou sur les interprètes ; on a pourtant ici un suite de « flashes » sur différents aspects du personnage – y compris les plus sombres – qui interpellent le lecteur tant sur ce personnage que sur la musique en général.

C’est parfois un peu abscons, mais le plus souvent pénétrant.
Il apparaît que l’auteur est Professeur d’université, agrégé de lettres, ancien élève de l’ENS et Docteur es-lettres… Il a écrit L’Isle joyeuse. Sept approches de la singularité musicale (1997), je m’en vais revoir mon soldeur…

« Cheval galopant d’inquiétude, fuyant vers un immense horizon de calme ».

Grand art et fausses notes – Christian Doumet – Champ Vallon – 2009- 204 p. – 17€

On peut écouter certaines de ses interventions à la radio suisse ici.
Rappelons qu’en 1952, le Japon donna le nom de « Cortoshima » à une des îles de l’archipel…

Le piano de Debussy et la musique Russe – Debussy piano works and Russian music

Le piano de Debussy et la musique Russe – Debussy piano works and Russian music

Rethinking Debussy - Oxford University Press
Rethinking Debussy – Oxford University Press

 « Rethinking Debussy » : un titre un peu ambitieux pour cet ouvrage collectif, néanmoins très intéressant : ses nombreux « Printemps » du début*, Pelléas, ses royalties, l’accueil de ses œuvres…

On s’intéressera ici au chapitre consacré à l’influence de la musique russe sur les œuvres pour piano de Debussy. Il faut rappeler tout d’abord l’écho grandissant de la musique russe à Paris dans la dernière partie du 19e siècle et le fait que Debussy passa de nombreux mois chez Nadezhda von Meck, la « chaperonne » de Tchaikovsky.

Un premier exemple fourni par Roy Howat (pianiste et musicologue) de l’influence russe sur le jeune Debussy en est la 2e Arabesque (1891) avec le Chant de l’alouette de l’Album pour la jeunesse op. 39 de Piotr.

On notera également l’influence de Balakirev (Tamara) sur sa Ballade slave (1899) ou son Nocturne (1892). Les mesures 32-34 de ce dernier peuvent être d’ailleurs mises en parallèle avec les mesures 57-59 du 2e mouvement de la Pathétique de Tchaïkovski.

Debussy déclarait en 1893 : « Chabrier, Moussorgski, Palestrina, voilà ce que j’aime ». On peut effectivement déceler une réminiscence des « Cloches du Kremlin » de Boris dans la 3e des Images oubliées, ou dans la Cathédrale engloutie. L’auteur, c’est plus surprenant, retrouve cette tournure moussorgskienne au milieu de l’Hommage à Rameau, mes. 49-47 (1905).

De même pour Général Lavine excentric (1913) ; Jumbo’s Lullaby, la Fille aux cheveux de lin ou encore Ce qu’a vu le vent d’Ouest, la Berceuse héroïque (1914), jusqu’au mouvement central de En blanc et en noir (1915). Pour revenir à Balakirev, notons encore la correspondance entre Islamey – mes. 181-183 et l’Isle joyeuse – mes. 186-188.

Puisque l’on parle d’Islamey – Ravel voulait faire plus virtuose avec Scarbo et on peut penser que cette pièce inspira aussi à Debussy l’idée de l‘Isle joyeuse -, ci-dessous un extrait d’un concert de la version orchestrale par Svetlanov,  justement célèbre par son côté délirant, encore une source de dopamine… 

Evgeny Svetlanov conducts Balakirev
Evgeny Svetlanov conducts Balakirev

* Cf. Claude Debussy – Musique du prix de Rome – Glossa

“Rethinking Debussy”:  a little ambitious title for this collective work, nevertheless very interesting: his many “Springs” * as a young composer, Pelléas, his royalties, the reception of his works…

We illustrate here the chapter devoted to the influence of the Russian music on his piano works. It is necessary first to recall the growing echo of the Russian music in Paris in the last part of the 19th century and the fact that Debussy spent many months with Nadezhda von Meck, the “chaperone” of Tchaikovsky.
A first example provided by Roy Howat (pianist and musicologist) of the Russian influence on the young Debussy is the 2nd Arabesque (1891) with the Song of the lark of the Album for youth op. 39 by Tchaikovsky. [left]

One will also note the influence of Balakirev (Tamara) on his Slavic Ballade (1899) or his Nocturne (1892). Bars 32-34 of this last can be put besides in parallel with bars 57-59 of the 2nd movement of Pathetic of Tchaïkovski. Debussy declared in 1893: “Chabrier, Moussorgski, Palestrina, here are what I like”. One can indeed detect a reminiscence of the “Bells of the Kremlin” of Boris in 3rd of the Images oubliées, or in the Cathédrale engloutie. The author, more surprisingly, finds this Musorgsky pattern in the middle of the Hommage à Rameau, b. 49-47 (1905). [left]

In the same way for General Lavine excentric (1913); Jumbo’s Lullaby, La fille aux cheveux de lin  or Ce qu’a dit le vent d’ouest, Berceuse héroïque (1914), until the central movement of En blanc et en noir (1915). To return to Balakirev, still let us note the correspondence between Islamey – b. 181-183 and l’Isle joyeuse – b. 186-188. [left]

Speaking about Islamey – Ravel with Scarbo wanted to write an even more virtuoso piece and one can think it inspired also Debussy writing l‘Isle joyeuse -, on the left an extract from a live concert of the orchestral version by Svetlanov, another source of dopamine

* Cf. Claude Debussy – Musique du prix de Rome – Glossa

 

 

Philippe Manoury – Inharmonies – Accentus – Laurence Equilbey

Philippe Manoury – Inharmonies – Accentus – Laurence Equilbey

Philippe Manoury - Inharmonies - Accentus - Laurence Equilbey
Philippe Manoury – Inharmonies – Accentus – Laurence Equilbey

Laurence Equilbey : on avait eu d’excellents échos des ses Vêpres de Rachmaninov et on est fan de son disque de transcriptions, notamment celles de Mahler.  

Laurence Equilbey: I have had excellent echoes of her Rachmaninov’s Vespers and am rather fan of her disc of transcriptions, in particular those of Mahler.

Interview de Laurence Equilbey à propos d’Inharmonies (FR)

Récemment réjoui à l’audition de CDs de Philippe Manoury, voilà que l’on découvre ce disque qui nous avait échappé lors de sa parution l’an dernier.

On ne s’attendait évidemment pas à ce que les textes soient du niveau de « Au clair de la lune » (titre qui fait finalement penser aux Viennois et à Dutilleux…). Non, là on est dans du dur : Héraclite, Leonardo, Trakl…

La première œuvre présentée, Fragments d’Héraclite (2002-2003), commence non par le chœur mais par des instruments tintinnabulants avec quelques chuchotements. Les voix font leur entrée et, malgré quelques tintements et cris, on est pris de suite par l’intériorité de l’œuvre : quelle maîtrise d’écriture (on aimerait regarder la partition) et d’interprétation ! L’auteur m’en voudra certainement de penser que cette pièce se situe finalement dans la filiation de l’oratorio français, même si l’on n’est évidemment pas dans le Saint-Sulpicien… Une musique à la fois très intériorisée tout en étant d’un écriture virtuose.
Deux remarques : comme souvent dans les œuvres modernes pour ensembles dissociés, il est assez difficile ici de différencier dans son salon les 3 groupes de chanteurs ; d’autre part on n’imagine pas cette œuvre chantée par le Chœur de Radio France ou celui de la Radio Bavaroise ou même un autre chœur de chambre : c’est vraiment fait pour Accentus, qui nous transmet là un vrai chef d’œuvre.

Inharmonies (2008) est une pièce plus expérimentale, écrite en fonction de possibilités apportées par la création d’un diapason électronique par P. Manoury, permettant d’indiquer à l’exécutant n’importe quelle fréquence, même bien en deçà du demi-ton. Un extrait est disponible sur le site du Compositeur.

Slova (2001-2002) a été écrite à la suite de son opéra K… En 3 mouvements, dont 2 ajoutés ultérieurement,  l’auteur parle à son sujet d’une réminiscence de symphonies de Mahler, ce qui se ressent effectivement. La virtuosité du chœur dans le 3e mouvement « angoisse » est impressionnante.

Enfin, Trakl gedichte (2006) nous apporte encore son lots de sonorités sidérales – et sidérantes.

Bref, ce petit papier pour interpeller encore notre lecteur idéal (« le mélomane honnête qui veut bien s’intéresser à la musique ‘contemporaine’ « ) : qu’il sache qu’après l’écoute, on a envie de rejouer ce CD plutôt que celui des transcriptions de Mahler par Accentus…


(12/3/13) : J’y reviens, sur  Fragments d’Héraclite : pour confirmer qu’il s’agit pour mois d’un chef d’œuvre remarquable. Je ne saurais pas analyser les alliages sonores qu’il obtient du chœur, c’est extrêmement sophistiqué et pourtant mes oreilles boivent ça comme « du petit lait ». Ça ne fonctionne évidemment pas en termes de « tension – détente » comme dans la musique tonale, mais la variété de registres, de temps, de dynamiques donnent l’impression d’une organisation comparable. C’est remarquable qu’après par exemple Messiaen, Ligeti ou Penderecki, on puisse écrire une œuvre chorale si originale et aboutie.
Dans mon projet de grand papier pour amener l’honnête mélomane à la musique contemporaine, Fragments y figurera sûrement. Et que l’auteur se rassure, ça ne sonne pas Allemand !

/Recently delighted by CDs of Philippe Manoury, I have just discovered this CD which I missed at the time of its publication last year. 

The first work, Fragments of Heraclites (2002-2003), starts not with the chorus but with tintinnabulations and some whispers. The voices make their entry and, in spite of some noises and shouts, one is taken by the interiority of work: what mastery (we would be interested in viewing the score) and what interpretation! The composer won’t be happy to read this maybe: that this piece for me is ultimately in the filiation of the French oratorio. A music at the same time very interiorized while being so virtuoso. 

Two notes: as often in modern works for dissociated sets, it is rather difficult to differentiate here in his living room the 3 groups of singers; in addition, we can’t imagine this work sung by the Radio France Chorus or that of the Bavarian Radio or even another chamber chorus: it is really done for Accentus, which transmits there a true chef d’œuvre

Inharmonies (2008) is a more experimental part, written according to possibilities brought by the creation of an electronic diapason by P. Manoury, allowing to indicate to the performer any frequency, even well below the semitone. An extract is available on the composer’s site

Slova (2001-2002) was written following the opera K… In 3 movements, including 2 additions later on, the author speaks about it of a reminiscence of Mahler’s symphonies, which can be heard. The virtuosity of the chorus in the 3rd movement “anguish” is impressive.

Lastly, Trakl gedichte (2006) still brings its batches of sidereal – and striking sonorities to us. 

In short, this small paper to still challenge our ideal reader (“the honest music lover who wants to discover some “contemporary” music”): he must know that after the listening of this CD showing so much inventiveness, one wants less to play the CD of the transcriptions by Accentus than the 1st track of this one…

Henri Dutilleux – 2e symphonie – 2nd symphony

Henri Dutilleux – 2e symphonie – 2nd symphony

Henri Dutilleux
Henri Dutilleux

L’aîné des compositeurs français vivants, âgé de 96 ans, Dutilleux aura été une des figures marquantes de la musique du XXe siècle.

Pour aborder son œuvre, on peut certes commencer par la musique de ballet Le loup dont il existe un fameux enregistrement par Georges Prêtre, repris d’ailleurs dans un coffret économique de 5 CD chez Virgin, mais aussi par cette 2e symphonie « le Double » (1959). Le fameux couplage Tout un monde lointain avec ce concerto pour violoncelle de Lutoslawski par Rostropovitch montrait bien l’antagonisme de style entre les deux compositeurs : au dynamisme un peu rude du Polonais répondait l’élégance et le raffinement du Français.
 Une citation de Nicolas Darbon à propos de la musique de Dutilleux   : « chaos momentanés, brouillards rythmiques, éloignement tonal, vaporisation mélodique, clusters harmoniques sur des tenues pianissimi ».

Pour Henri Dutilleux : « le processus de mémoire joue un grand rôle dans la plupart de mes partitions ». Effectivement, l’approche de la musique de Dutilleux nécessite un attention certaine, malgré un langage harmonique qui n’heurte pas.

Une fois surmonté un certain hermétisme dû à la complexité de la construction et à une certaine uniformité apparente de ton, on se repaît ensuite des couleurs et des ambiances si poétiques de cette musique.

L’ostracisme ambiant en France vis-à-vis des compositeurs qui n’étaient pas dans la ligne « Boulézienne » fit que Dutilleux dut se tourner vers l’étranger pour des commandes (Koussevitsky, Szell, Ozawa…). Il semble d’ailleurs que  son jeune cadet Boulez n’ait jamais dirigé sa musique alors qu’il l’a fait il y quelques années pour André Jolivet, qu’il surnommait pourtant « joli navet » dans sa jeunesse. Néanmoins  le « boulézien » Philippe Manoury déclarait dans un récent ouvrage considérer le quatuor Ainsi la nuit comme un chef d’œuvre absolu.

On a comparé les versions Barenboïm, Bychkov et Tortelier (il existe par ailleurs Graf, Munch, Plasson et Saraste). Mentionnons que le titre Le double fait référence au fait qu’il y a deux ensembles instrumentaux qui se répondent : un groupe de 12 instruments (dont un clavecin) et l’orchestre. Mais c’est bien difficile à percevoir au disque.

L’œuvre commence par un motif incantatoire qui fait irrésistiblement penser au Loup. Les trois mouvements seront une suite de variations,  notamment sur ce motif. On a pu parler à propos de cette symphonie des influences croisées de Schoenberg (Dutilleux cite volontiers Farben des 5 pièces op. 16), Debussy ou Stravinsky. Si l’on entend effectivement certaines ambiances du Sacre dans le 3e mouvement, on pourrait aussi se référer au dernier Honegger, à Bartok, voire à Dukas… 

Des trois versions, bien que le compositeur a déclaré très apprécier celle de Tortelier, on a retenu plutôt Barenboïm pour le soin donné aux phrasés et aux couleurs, mais il nous semble que Bychkov y donne un peu plus de dynamisme. En outre, son disque se poursuit avec Timbres, espace, mouvement (1978) (mais on a l’impression d’entre la suite du Double…) et surtout les Métaboles (1964), œuvre phare du compositeur.

Dutilleux - Orchestre de Paris - Semyon Bychkov
Dutilleux – Orchestre de Paris – Semyon Bychkov

 The elder of French composers – 96 years old -Henri Dutilleux will have been one of the outstanding figures of the music of the XXth century.

To approach his work, one can certainly begin with the ballet music Le loup – there is a famous recording by George Prêtre, included in an economic box of 5 CD at Virgin -, but also by this 2nd symphony “the Double” (1959).
The famous coupling Tout un monde lointain with the cello concerto by Lutoslawski performed by Rostropovitch showed well the antagonism of style between the two composers: the rather hard dynamism of the Polish comparing to the elegance and refinement of the French. 
A quotation by Nicolas Darbon in connection with the music of Dutilleux   : “temporary chaos, rhythmic fogs, tonal distance, melody vaporization, clusters harmonic on pianissimi”. For Henri Dutilleux: “the process of memory plays a great part in the majority of my partitions”. Indeed, the approach of the music of Dutilleux requires an unquestionable attention, in spite of a harmonic language which should not bother much.

Once overcome a certain hermetism due to the complexity of construction and an apparent uniformity of tone, one goes back to the colors and so poetic environments of this music. Ambient ostracism in France with composers who were not in the “Boulezian” line made Dutilleux to turn to the foreign countries for commissioning (Koussevitsky, Szell, Ozawa…). It seems besides that Boulez never conducted his music whereas he did it a few years ago for André Jolivet, whom he called “pretty turnip (joli navet)” in his youth.

Nevertheless, the “boulezian” Philippe Manoury stated in a recent book that Ainsi la nuit was an absolute chef d’œuvre. We have compared the Barenboïm, Bychkov and Tortelier versions (there is in addition Graf, Munch, Plasson and Saraste). Let us mention that the title Le double refers to the fact that there are two instrumental sets: a group of 12 instruments (including a harpsichord) and the orchester. But it is quite difficult to perceive it on a stereo set.

Work starts with a “plaintive call” which irresistibly makes think of Le loup. The three movements will be a succession of variations, in particular on this motive. Influences have been quoted about this symphony: Schoenberg (Dutilleux quotes readily Farben of the 5 pieces Op. 16), Debussy or Stravinsky. If one hears indeed certain patternss of Le sacre in the 3rd movement, one could also refer to the last Honegger, Bartok, even Dukas… 
Of the three versions, although the composer stated he appreciated the Tortelier’s one, we rather prefered Barenboïm for the care given to phrasing and colors, but it seems to us that Bychkov gives to it a little more dynamism. Moreover, his CD continues with Timbres, espace, mouvement (1978) (but it gives the impression of a continuation of le Double…) and especially Métaboles (1964), a more famous work by Dutilleux.

Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

Falla - Nuits dans les jardins d'Espagne - Nights in the Gardens of Spain

Falla – Nuits dans les jardins d’Espagne – Nights in the Gardens of Spain

 

Ne lisez pas tout de suite ce qui suit ! c’est une tentative de réhabiliter  une fois de plus un enregistrement mésestimé de Kubelik. Mais ce n’est pas le plus important : l’important est que Pierre Barbier – Pragadigitals -a encore réussi un tour de magie : tout mélomane un peu âgé connaît par cœur cet enregistrement du Tricorne par Ansermet, non seulement par son indépassable interprétation, mais aussi par la « fabuleuse » prise de son Decca de l’époque. Eh bien, il réussit à nous restituer encore mieux cet enregistrement : les timbres sont mieux caractérisés, il y a « de l’air » entre les instruments, et surtout on « sent » le chef d’orchestre diriger, comme pour une bonne prise de concert, comme si on était dans le studio. On entend même pour la première fois une légère fausse note à 2’54 » dans le 2e mouvement du Tricorne… Bref, précipitez-vous !

Il est bien intéressant de pouvoir comparer deux versions des Nuits dans les jardins d’Espagne a priori bien différentes, voire antagonistes : d’un côté une pianiste très célèbre qui fut à ses dires quasiment toujours mécontente de ses enregistrements studio avec orchestre et dont un des chefs d’orchestre préférés était Raphaël Kubelík, de l’autre une pianiste, Margrit Weber, dont on sait peu de choses de nos jours, avec un chef alors vedette du fameux label jaune qui accepta d’enregistrer en studio des œuvres qui n’étaient pas à son répertoire habituel : Concerto de Grieg, Fireworks ou Water music de Haendel, etc. La version Kubelík est-elle si musicienne mais un peu Franckiste comme j’ai pu l’écrire ?

1er mouvement : Chez Kubelík, l’entrée est superbe, le piano moins brillant que l’on attendrait, un peu dans les touches de l’instrument. De l’abattage de la part de la pianiste mais çà ne sonne pas espagnol, plutôt un peu « gras ». Kubelík est là tel un grand maître, on le voit diriger cela…

Avec Haskil / Markevitch, c’est plus posé, avec des sonorités plus recherchées, mais c’est moins « organique », l’orchestre est plus extraverti que chez Kubelík, mais il a tendance à couvrir la soliste, qui ne fait d’ailleurs pas forte impression. Bref, si l’orchestre fait (faussement ?) plus couleur locale, mais avec apparemment un accord de l’orchestre un peu plus haut, on est un peu mitigé.

Le 2e mouvement : on se dit que c’est tellement espagnol (quel compositeur !) que Kubelík va avoir du mal, surtout vue l’imbrication piano / orchestre de ce mouvement ; le piano est toujours un peu en retrait au point de vue des timbres mais a de l’alacrité, certes les vents n’ont pas tout à fait la couleur idoine, le rythme peut paraître un poil empesé… mais tout est tellement musical.

Haskil : c’est un peu plus rapide, encore un peu réglé plus haut, c’est plus criard et extraverti, mais on peut prendre çà comme une qualité ici, le pianisme est plus délié, mais on ne peut s’empêcher de penser que la caractérisation plus importante de la partition se fait au détriment de son unité : beaucoup de -superbes- effets à l’orchestre  mais quand la pianiste veut être à l’unisson, çà détimbre un peu.

On est encore moins sûr pour le 3e mouvement : c’es toujours apparemment plus vivant chez Markevitch, mais c’est quand même assez brouillon et un peu agressif  au niveau de l’orchestre et le piano sonne dur.
Bref, c’est plus musicien chez Kubelík, mais peut être plus couleur locale et vivant chez Markevitch. Pas de conclusion…

Do not read immediately what follows! It is an attempt to once more rehabilitate a low esteemed recording of Kubelik. But it is not the most important: the important thing is that Pierre Barbier – PragaDigitals – has again made a turn of magic: any rather old music lover knows this recording of the Three cornered hat by Ansermet, not only by his unsurpassed interpretation, but also by the “fabulous” sound recording Decca of 1961. Well, it’s even better in this reissue, restored from original tapes : tones are more characterized, there is “air” between the instruments, and one can feel the conductor’s gestures, as for a good live recording, as if one were in the studio.

Just get it!


It is quite interesting to be able to compare two versions of the Nights in the gardens of Spain a priori so different, even antagonistic: on a side a very famous pianist who declared being almost always dissatisfied with her studio recordings with orchestra, whom one of her preferred conductors was Raphaël Kubelík, on the other side, a pianist, Margrit Weber, with a conductor who accepted for the famous yellow label to record in studio works which didn’t belong to his usual repertory: Concerto of Grieg, Fireworks or Watermusic by Haendel, aso.

1st movement: With Kubelík, the entry is superb; the piano has less brilliance we could expect. Mastery from the pianist but it does not sound Spanish, rather a little “fatty”. Kubelík is there as usual a superb musician, one sees him directing that…
With Haskil/Markevitch, it is more posed, with more sought sonorities, but it is less “organic”, the orchestra is more extraverted than Kubelík, but it tends to cover the soloist, who does not make strong impression besides. In short, if the orchestra shows (wrongfully?) more local colour, with an orchestra tuning a little bit high, one is rather mitigated.

2nd movement: one thinks that it is so Spanish that Kubelík will not pass, especially with the overlap piano/orchestra of this movement; the piano is a little soft-toned, but has alacrity, certainly the winds do not have the suitable color, the rhythm can appear a little bit heavy… but all is so musical.
Haskil: it is a little faster, still in higher tone, it is more yelling and extraverted, but one can take that as a quality here, the pianism is more untied, but one can prevent oneself from thinking only the more important characterization of the partition is done to the detriment of its unit: much of – superb effects – to the orchestra but when the pianist wants to be in unison, it loose colour.

We are even less sure for the 3rd movement: it is always apparently more alive with Markevitch, but it is nevertheless rather aggressive at the orchestra and the piano sounds hard. In short, more musicianship with Kubelík, but more “local colour” and alive with Markevitch.
No conclusion…