Orchestre de chambre de Paris – Heisser – Manoury
Philippe Manoury est actuellement compositeur en résidence à l’Orchestre de chambre de Paris, ce qui explique l’hétérogénéité du programme d’hier soir : sa Terra ignota précédait un programme intitulé « Amériques, terres rêvées », qui comprenait Knoxville: Summer of 1915 et l’Adagio de Samuel Barber et Old American Songs et Appalachian Spring d’Aaron Copland.
Hétérogénéité de style, mais pas de programme : Terra ignota (2007, révisée 2015) étant une métaphore d’un pianiste explorant 4 continents (4 groupes instrumentaux distincts) cf. la présentation par l’auteur (et l’œuvre fut écrite à San Diego…).
Mais d’abord l’orchestre : Marine Pierrot, attachée de presse de l’orchestre commençait à se désoler : j’avais quitté à l’entracte deux précédents concerts de l’orchestre, déçu par la prestation des chefs et solistes invités et je ne mets sur ce blog que des choses positives. Et bien on eut droit hier à une prestation de très haut niveau : technique générale, homogénéité du quatuor, superbes percussions, cuivres et surtout vents, au premier rang desquels la flûtiste et l’hautboïste. Si ces qualités ont pu cette fois pleinement s’exprimer, c’est que que l’on avait un musicien de premier ordre au pupitre : battue sobre et claire, sans chichi, aucun geste superflu ; certes Jean-François Heisser n’est pas du genre démonstratif, même si je crois l’avoir vu une fois esquisser un sourire en saluant, mais peu importe, l’essentiel était dans cette superbe prestation.
Terre Ignota est une œuvre relativement courte pour P. Manoury : 26′. Elle est assez ludique, même si parfois le discours se tend. Écrite pour son ami Jean-François Heisser cf. son CD La ville […première sonate…] paru chez PragaDigitals, ce dernier se joue de la partie de piano / célesta tout en dirigeant l’orchestre, sauf à un moment où c’est un percussionniste qui prend le relais de la battue pendant l’épisode au célesta, épisode assez magique empli de tintinnabulements. Ici cet épisode lors de la générale de la création mondiale de cette œuvre :
Ce fut en outre un beau succès.
Grand hiatus stylistique avec le reste du programme consacré à Copland et Barber… Knoxville: Summer of 1915 semble accumuler tous les poncifs néo-romantiques, très bien chanté par la soprano Anne-Catherine Gillet, on dirait un peu les Chants d’Auvergne…
Je ne suis pas un grand fan du fameux Adagio de Barber (1915), mais ce fut tellement bien joué que l’on rendit les armes. Enfin les deux œuvres de Copland, Old American songs avec un « tube », Ching-A-Ring Chaw et Appalachian Springs étaient également superbement rendues. Avec, pour cette dernière, une émotion supplémentaire due à l’anecdote rapportée par Jean-François Heisser : Copland, depuis des années muré dans le silence dû à la maladie d’Alzheimer, à la surprise générale se leva lors d’une soirée, et joua au piano les 6 notes principales de cette œuvre, ce fut son dernier message.
Conclusion : si l’OCP voulait quelques conseils, je connais d’autres chefs susceptibles de donner des concerts de cette qualité à la fois musicale et programmatique…