Mravinsky – Brahms 4 – Tchaikovsky 5
À peine terminé mon survol des versions discographiques de la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartók où la version live de Mravinsky émergeait du lot avec 3 autres versions, que Pragadigitals m’adressait cette réédition.
La 4e de Brahms vient d’un concert du 14 mai 1961. Je ne m’y attarderai pas trop : on sous-estime les grands chefs russes dans des répertoires non russes : Mravinsky, Svetlanov ou Rojdestvenski ont laissé de grands Brahms, Bruckner ou Mahler par exemple. Le Brahms de Mravinsky est plus classique que romantique, plus métrique que rhapsodique, mais que de beautés dans cette restitution, d’un niveau technique, tant de la part du chef que de l’orchestre, rarement atteint, même en studio. Écoutez par exemple l’élégance des cordes avant la fin de l’Andante. Le rendu sonore est tellement précis que l’on entend même un instrumentiste faire sonner accidentellement une corde au début du 2e mouvement…
La 5e de Tchaikovsky est dédiée à Théodore Ave-Lallement (Lallemant en fait), musicien qui œuvrait pour l’orchestre de Hambourg et l’abjurait de quitter la Russie pour l’Allemagne où « il pourrait se déposséder de certaines orchestrations de mauvais goût » !
La version proposée ici a été donnée en live le 18 novembre 1982, Mravinsky avait alors 79 ans. Il ne s’agit donc pas des enregistrements rendus célèbres par leur édition chez DG. Pour les symphonies de Tchaikovsky, je reste globalement fidèle à l’intégrale de Svetlanov en concert à Tokyo en 1990, les seuls disques qui m’aient fait littéralement pleuré de bonheur musical (et je ne suis pas le seul). Mais cela ne suffit pas pour faire un compte-rendu un peu objectif d’une interprétation… Je ne me livrerai pas à une discographie comparée, mais donner juste quelques traits distinctifs de l’art du chef.
D’abord le respect absolu des indications de nuances de la partition. Écouter par exemple le début du II avec ces merveilleux instrumentistes : Andante cantabile, von alcuna licenzia : « ça l’est », l’intro du cor est dolce con molto à souhait, le retour au Tempo I est merveilleux de justesse, etc. C’est bien la seconde caractéristique : jamais de licence rythmique. Mais la caractéristique la plus frappante, c’est la caractérisation de l’œuvre au travers du respect presque maniaque de la partition. Et, pour une fois, je ne la ramènera pas avec Kubelík (Vienne), nettement en deçà.
Il me faut insister sur la qualité technique : je connais l’œuvre par cœur comme tout le monde et pourtant le SACD m’a fait sursauter à un moment, tellement la dynamique (et les timbres, et l’espace entre les instruments) a été bien restituée… C’est disponible.