L’objet de ce petit ouvrage est de démontrer qu’une des sources d’inspiration de Maurice Ravel était la technologie ou autrement dit qu’une de ses muses sentait un peu la graisse : les machines. Si je me sens un peu taquin, c’est qu’en cherchant la page de l’éditeur, je suis tombé sur cette critique (« Révélation magistrale »).
En 96 pages de petit format, les auteurs appellent à la rescousse de leur théorie les trois esquisses d’opéra de Ravel. On aurait préféré un ouvrage traitant des principales sources d’inspiration du musicien qui sont bien sûr nombreuses outre la technologie : l’Espagne, le jazz, la littérature, la danse, etc. etc.
On lira cependant de nombreuses choses intéressantes sur ce sujet : ses relations avec son père et son frère cadet Édouard, ingénieurs tous deux (et inventeur pour son père Joseph), sa passion pour les automates, les machines et les usines, comme celle de Ford qu’il ira visiter lors de son voyage aux États-Unis. Le rappel de la deuxième révolution industrielle est bien utile tant on a du mal aujourd’hui à imaginer les chamboulements dans les esprits qu’elle dut engendrer.
Mais pour un Debussy, s’il était paraît-il fasciné par les bruits des trains à vapeur de la Petite ceinture à Passy, il me paraît un peu tiré par les cheveux d’assurer que l’on entend des tournures de machines dans La Mer par exemple… On oublie que la naissance de musique « bruitiste » date de 1913 (Luigi Russolo – L’Art des bruits) et les dates de création de ces œuvres en relation avec l’industrie : Pacific 231 de 1923, Ballet mécanique de George Antheil de 1924, La Fonderie d’acier d’Alexander Mossolov de 1927 ou encore Le pas d’acier de Prokofiev de 1927 également.
L’influence de la technologie ou des machines sur sa musique est évidente dans l’Enfant et les sortilèges (horloge, machine à calculer…), l’Heure espagnole et ses horloges, et bien sûr le Boléro. L’ouvrage présente une interview que donnait Ravel à une revue anglaise en 1933, appelant à une plus grande influence de la technique sur la musique et appelant à la création d’une « Symphonie de l’aéroplane ». À propos de l’Heure espagnole, je n’avais jamais vraiment réalisé cette synthèse entre son père suisse spécialisé dans la mécanique de précision et sa mère d’origine basque espagnole
Un petit ouvrage bien intéressant.
La muse méconnue de Maurice Ravel – Collectif – Actes Sud – 2025 – 96 p. – 13 €
