La suite lyrique – Guy Scarpetta – Grasset
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Un livre protéiforme publié il y a vingt ans, presque une composition musicale. Et pour cause : il est basé sur la Suite lyrique d’Alban Berg, pour quatuor à cordes. Il est donc divisé en 6 chapitres, chacun portant le titre des mouvements de l’œuvre éponyme. En découle une structuration quasi-musicale de la prose : certains chapitres présentant de brefs paragraphes rapides, voire cinglants, d’autres de longs développements.
Puisqu’il s’agit d’une référence à un quatuor, on rencontrera 4 personnages principaux : le chef d’orchestre – violoniste juif Kurt Lewenstein, Barbara Peterson, artiste américaine d’avant-garde, Stanislas Skolinski, journaliste d’origine polonaise et Mireille Jourdan, paysanne de Provence. On notera que le personnage principal, Kurt Lewenstein, s’il commente à chaque chapitre le morceau correspondant de la Suite lyrique, ne pratique jamais le violon tout au long des 400 et quelques pages…
Une polyphonie permanente fait passer le lecteur – avant que l’auteur n’intervienne lui-même pour donner les circonstances qui ont motivé l’ouvrage – au travers de différentes thématiques :
- La Suite lyrique dont on sait qu’elle était dédiée par Alban Berg à son amante Hanna Fuchs
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- La seconde école de Vienne
- Le thème principal : la question juive, l’attitude des Autrichiens pendant la 2e guerre mondiale, leur « blanchiment » par les Alliés à la Libération, l’ambiguïté de la situation de l’État d’Israël, l’antisémitisme des Autrichiens et des Polonais…
- La sexualité, le désir, la perversion
- Le questionnement du devenir de l’art moderne il y a 20 ans
- La culture millénaire européenne et la « contre-culture » de l’immédiateté américaine.
De nombreux jeux de miroirs fascinent dans cet ouvrage. De nombreux thèmes le parcourent, par exemple la fascination de Kurt pour ce tableau de Rubens, qui donnera lieu à une des nombreuses scènes érotiques, dont la présence est sans doute motivée par le programme d’Alban Berg dans cette Suite lyrique.
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La musique et la question juive en sont donc les trames principales. C’est très intelligent, quasi-musical donc et – malgré quelques longueurs, en général manifestement voulues, on le lit un peu comme un roman policier métaphysique.
Ajoutons simplement qu’après un récent voyage à Vienne, devant la publicité faite à des expositions Egon Schiele et Gustav Mahler, on se dit que les mentalités viennoises ont peut être évolué…