Hommage de Régis Campo à Frédérick Martin
Régis Campo a souhaité rendre hommage à son collègue Frédérick Martin, récemment disparu des suites d’un cancer.
Voici ce qu’il déclarait à La lettre du musicien en avril dernier :
« En 1996, sous les auspices de Henri Dutilleux, Je rencontrais pour la première fois le compositeur Frédérick Martin : une grande amitié voyait le jour. Durant toutes ses années, son imposante productivité et son énergie créatrice forçaient notre admiration. Frédérick Martin était entier, franc, généreux, avec ce caractère en acier trempé. C’était un guerrier : il s’est toujours défendu contre le conformisme, les faux amis, les impostures, le mainstream, les Rastignac ou les réacs. Mais il était plein de curiosité et de bienveillance pour les jeunes compositeurs; il aimait les rencontrer et écoutait systématiquement leurs créations. Il vivait en loup solitaire, fier, en véritablement indépendant. Un guerrier de la trempe d’un Varèse et d’un Ohana. J’aimais sa 3e symphonie, son Talisman des Voïvodes, son Concerto pour alto, son cinquième Quatuor à cordes qu’il m’avait dédié. J’aimais aussi ses saines colères, nos discussions fulgurantes sur Chostakovitch, Lindberg, Brahms, Weinberg ou tant de compositeurs vivants. Pour lui, la composition musicale était « apprendre par cœur un texte qui n’a pas été encore écrit » : belle sentence d’un grand homme qui a créé sans relâche, admirablement, jusqu’aux tous derniers moments de sa vie. Frédérick Martin, notre frère musical, restera ancré dans nos mémoires. Il demeure immortel. Comme un diamant, pur et inaltérable.»
Nous avons évoqué ensemble plus avant ce musicien, autodidacte et indépendant.
Derniers moments
C’est donc lors du Concours Henri Dutilleux à Saint-Pierre-des-Corps en 1996 qu’ils se sont rencontrés, début d’une amitié qui perdurera jusqu’aux derniers instants : Régis Campo vint souvent le voir à l’Hôpital Marie Curie. Il était encore en train de travailler à sa 8e sonate pour piano. Régis prit le manuscrit, le mis au propre et à réception, Frédérick Martin lui déclara que la sonate était terminée, avec l’envie de composer aussitôt une nouvelle…
10 jours avant sa disparition, il se mariera en demandant à Régis Campo d’être témoin, « il rayonnait devant sa maman de 80 ans ». De nombreux compositeurs sont venus lui rendre visite à l’hôpital lui apportant des disques et Mihi Kim est venue lui jouer sa dernière pièce pour flûte. Quand Régis Campo lui fit part du bonjour de Corinne Monceau, qui a travaillé depuis des années au CDMC, il répondit « Je lui souhaite une longue vie »…
Le musicien
« Frédérick se sentait profondément slave [il aimait à se faire appeler Frederick Kojevnikov]. Il aura composé jusqu’au bout : il avait foi dans la création. Sa musique était parfois tourmentée, voire violente, toujours profondément lyrique, parfois proche du vertige ; doué d’une forte énergie créatrice – près de 180 opus – son œuvre aura touché toutes les formations possible et son langage se sera simplifié au cours du temps (notamment dans ses quatuors à cordes). C’est une œuvre intemporelle, en dehors des modes, des courants, elle témoigne d’une véritable attitude indépendante et d’une grande force de caractère. »
« Curieux de tout, toujours à la recherche de nouvelles partitions, il s’était lié avec nombre de compositeurs vivants et avait une histoire avec chacun d’entre eux. Il aimait également les jeunes compositeurs et se rendait à tous leurs concerts, toujours à l’affût, avec souvent un livre de Joseph Conrad sous le bras…
S’il eut des déceptions avec certains interprètes, il était très reconnaissant au directeur du Conservatoire de Paris Bruno Mantovani d’avoir permis la création de son concerto pour alto pour le prix de direction d’orchestre. »
Passions
« Très slave, il aimait beaucoup la musique de Chostakovitch, il avait toutes les partitions et les enregistrements de la musique de Robert Simpson ; un autre de ses compositeurs favoris était Magnus Lindberg (Concerto pour violon, ses œuvres symphoniques). »
Liste (incomplète) des œuvres de Frédérick Martin déposées à la BNF :
Quelques liens pour écouter sa musique :
- 1ère sonate pour piano par Nicolas Horvath – 2e mouvement
6e sonate pour piano par Nicolas Horvath (qui lui est dédiée*) – 1er mouvement – - Ustvolst – Trio Polycordes
- Le Talisman des Voïvodes – Ensemble MG21 dirigé par Florentino Calvo
* Cf. l’interview de Frédérick Martin par Nicolas Horvath à propos de son oeuvre pour piano [2013 – en]