Henri Dutilleux (1916 – 2013) – Tout un monde lointain
(On rajoutait la version Mørk aujourd’hui – 22/5/2013 – quand on a apprit le décès de Dutilleux…)
– Enigme | 2 – Regard | 3 – Houles | 4 – Miroirs | 5 – Hymne |
Poème XXVII
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés, Comme le sable morne et l’azur des déserts, Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants, Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants, |
Le Poison
Le vin sait revêtir le plus sordide bouge L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes Tout cela ne vaut pas le poison qui découle Tout cela ne vaut pas le terrible prodige |
La chevelure
Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève, Un port retentissant où mon âme peut boire Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde |
La mort des amants
Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères, Usant à l’envi leurs chaleurs dernières, Un soir fait de rose et de bleu mystique, Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes, |
La Voix
« Mon berceau s’adossait à la bibliothèque, |
Avant de commencer, je voudrais citer pour les francophones le site de Jean Henri Huber consacré à la musique contemporaine avec notamment une intéressante perspective historique de la musique contemporaine. Il qualifie Dutilleux de « progressiste-coloriste », pourquoi pas. Même si Dutilleux connut déjà le succès avec Le loup (1953) et Métaboles (1965), c’est sans doute Tout un monde lointain (1970) qui a assis sa notoriété internationale, en partie grâce à la notoriété du créateur>, Mstislav Rostropovitch. De nombreux violoncellistes l’ont enregistré : Marc Coppey, Lynn Harrell, Boris Pergamenschikow, Arto Noras, Anssi Karttunen… pas encore Emmanuelle Bertrand, qui l’a déjà joué en présence du compositeur. Nous avons pu réunir 5 versions :
Le problème avec la musique contemporaine est que l’on n’a pas de partition accessible en libre accès. Enigme1 – La cadence introductive est superbe, l’intonation parfaite, la maîtrise stupéfiante, l’orchestre impeccable, les superbes fulgurances parfaitement rendues. Ce sera difficile de faire mieux ! Il reste que cette musique est vraiment ensorcelante et très « énigmatique » : j’ai suivi la description qu’en faisait Pierrette Mari dans son « Henri Dutilleux » et n’ai pas bien compris la structure du mouvement qu’elle propose, les notices des différents CD sont bien vagues également… 2 – Dès le départ, c’est plus méditatif, ensuite c’est un peu pesant, c’est globalement bien moins satisfaisant, comme émietté. Prise de son trop réverbérée, manquant de définition. 3 – Un violoncelle d’un son très fin, très belle sonorité, ainsi qu’à l’orchestre d’ailleurs, prise de son très détaillée mais un peu sèche ; le manque d’atmosphère étant compensée par la justesse de timbres superbes. 4 – Le violoncelle manque de corps et de projection sonore. L’orchestre est bien sec, ça manque de nécessité et de cohérence.
5 – Un artiste parle. Quelle sonorité enveloppante du violoncelle ! Quel engagement, quelle cohérence avec l’orchestre ! Une alternative crédible à la version Rostro.
Je reprends tout de même les 5 versions pour le 2e mouvement. RegardRostro : c’est parfait, le climat « Bergien » est très bien rendu. HoulesRostro : Il semble que l’on pourrait mieux entendre l’orchestre, la prise de son mettant trop le soliste en avant. MiroirsRostro : Très belle atmosphère nocturne pour ce troisième mouvement lent consécutif. HymneRostro : C’est peut-être ici qu’on sent l’âge de l’enregistrement : orchestre un peu lointain et un certain manque général d’engagement Conclusion : la référence – historique mais pas seulement – reste la version Rostropovitch, avec comme ‘outsider’ le tandem Christian Poltéra et l’inconnu Jan van Steen ! (les 2 avec pour complément le concerto de Lutosławski, mais Poltéra ajoute habilement les Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux et Sacher variations de Lutosławski. Mais la version que l’on vient d’ajouter, Mørk / Chung est assurément une des plus belles et sans doute la plus immédiatement accessible. Une seule envie à la fin de cette confrontation : entendre cette œuvre en concert… |
Even if Dutilleux knew already success with Le loup (1953) and Métaboles (1965), it is undoubtedly Tout un monde lointain (1970) which sat his international notoriety, partly thanks to the notoriety of the creator, Mstislav Rostropovitch. One often hears, “I do not like the contemporary music, but Dutilleux, I like « . It is true that his grammar is less hard than others, even if certain passages can be “serial”, his bronze-like sound pallet is superb and that it can spare effects. Each of the 5 movements carries in heading an extract of a poem of Baudelaire (in yellow above). We could join together 5 versions:
The problem with the contemporary music is that one does not have an accessible partition in free access. Enigme1 – Introductory rate is superb, the perfect intonation, the amazing control, the impeccable orchestra, superb the fulgurances perfectly returned. It will be difficult to better do! It remains that this music is really bewitching and very “enigmatic”: I followed a description made by Pierrette Mari in her “Henri Dutilleux » and did not understand well the structure of the movement which it proposes, the notes of various CD are quite vague also… 2 – From the beginning, it is meditative, then it is a little bit heavy, it is overall much less satisfactory. Sound recording is too much reverberated, lacking of definition. 3 – Superb sound from the soloist, a little bit high, and from the orchestra. Very detailed recording, on the dry side. Lack of atmosphere but beautiful tones. 4 – The cello misses body and of sound projection. The orchestra is quite dry, lacks of necessity and of coherence.
5 – An artist speaks. What an enveloping sonority! What a engagement, what a coherence with the orchestra! A credible alternative to the Rostro version.
I take again all the same the 5 versions for the 2nd movement. RegardRostro: it is perfect, the Berg-like climate is very well done. HoulesRostro: It seems that one could better hear the orchestra, the sound recording putting the soloist too much ahead. Pergamenschikow: it is the reverse: the soloist is less heard, but the orchestra holds a better built speech. MiroirsRostro: Very beautiful night atmosphere for this third consecutive slow movement. HymneRostro: It is perhaps here that the age of the recording is felt: the orchestra is a little remote and there is a certain general lack of engagement. Conclusion: the reference – historical but not only – remains the Rostropovitch version, with an “outsider” the tandem Christian Poltera and the unknown Jan van Steen! (2 with for complement the concerto by Lutosławski, but Poltéra skilfully adds the Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux and Sacher variation by Lutosławski). But the Mørk / Chung version is one of the best, probably the easiest to follow. Only one desire at the end of this confrontation: to hear this work in concert… |