François Sarhan – Wandering Rocks
J’avais rencontré François Sarhan il y a plus de trois ans en titrant l’interview « Une nouvelle génération de compositeurs« . Je me rappelle très bien, mais ne l’avais pas retranscrit, qu’en lui faisant part de mon admiration pour l’œuvre de Philippe Manoury, il me dit quelque chose comme : finalement il reproduit les mêmes schémas du classique. Il participait d’ailleurs hier à un colloque à la Philharmonie sur le thème « Création musicale – Interroger les concepts« .
Après un CD très original en voici un second, assez court. Je reproduis ici la notice de l’éditeur :
Wandering Rocks a été conçue originellement pour quatre guitares et seize haut-parleurs. Créé au Palais de Tokyo sous forme d’une installation, le dispositif laissait le spectateur libre de se déplacer entre les haut-parleurs. La réalisation sur un CD a donc impliqué une recomposition de l’œuvre, et le caractère immersif de l’emplacement des haut-parleurs par rapport à l’auditeur a été remplacé par un choix qui place l’auditeur au cœur du dispositif. Il ne s’agit donc pas tout à fait d’un disque en stéréo mais plutôt la reconstitution d’un espace élargi qui propose une image spatiale proche de l’originale en seize canaux quand l’auditeur de place dans l’axe situé entre les deux haut-parleurs. La partie électronique de l’œuvre a été réalisée exclusivement avec les synthétiseurs analogiques de La Muse en Circuit. Dans la grande tradition de la musique sur bandes, ils ont été enregistrés puis mixés en studio. De même que la partie des guitares, cette partition électronique a été écrite avec un solfège traditionnel. La pièce est constituée de plusieurs sections qui se suivent mais très contrastées, mettant en valeur les guitares électriques qui tantôt se mélangent, tantôt sont solistes, le tout formant une matière sonore la plus homogène possible. Le titre Wandering Rocks se réfère aux pierres supposées mouvantes entre lesquelles la mer se déchire violemment, entraînant les bateaux vers le fond.
Dans le livret – en anglais – il indique que « la musique est devenue vendable, non plus seulement magique. une marchandise, plus seulement un message de l’Inconnu (intercession avec les Dieux) ». Même si c’est ce que je recherche in fine dans la musique comme beaucoup (cf. interview de Philippe Hurel par exemple : « D’ailleurs si je n’avais pas l’impression qu’il y a quelque chose qui nous dépasse, j’arrêterais de faire ce métier ») et même si je ne réécouterai pas ce CD sur un rythme dominical, j’en suis tout de même à ma troisième écoute !
C’est que comme pour le CD cité (L’nfer – Orloff), la musique de François Sarhan est celle d’un compositeur de métier. elle est construite, inventive tant dans sa forme que pour ses sonorités. Qualité de la bande enregistrée, interaction des guitaristes avec celle-ci, micro-motifs répétés, transformés… Même si le compositeur imagine des jeunes écouter le CD lors d’une soirée (pas dansante : ce n’est pas du rock), même si cette musique était destinée à une « expérience » « immersive » avec vidéos, on a bien affaire ici à une œuvre musicale attachante et très personnelle.
Une petite anecdote, comme j’ai fait ce papier cet après-midi suite à un sinistre après la tempête d’hier soir, je dit à l’artisan, « vous avez de la chance c’est presque une première mondiale », réponse : « ah vous trouvez que c’est de la musique ? ».