Debussy par Élodie Vignon

J’avais annoncé à Élodie Vignon qu’à l’occasion de la sortie du premier opus de son intégrale Debussy, j’allais faire une grande ‘discomp’ des Estampes. Mais, quand on vieillit, on devient feignant et je ne me vois pas réitérer des expériences comme cette audition comparée de 130 Berceuses de Chopin… Je vais donc simplement mettre en perspective cette nouveauté avec quelques références : Gieseking (1953),  François 1974) et Arrau (1981).

(Le présent album comprend entre autres les deux Arabesques, la Suite bergamasque, Pour le piano, les Images et L’isle joyeuse).

Pagodes – Je me rappelle me trouver à Ubud dans un local où étaient rangées des cloches balinaises que je fis tinter : « mais c’est Pagodes ! » m’écriai-je de façon un peu bébête… Ce qui nous ramène à 1899 quand Debussy entendit des orchestres javanais et balinais lors de l’Exposition universelle. 
Gieseking : ça tintinnabule un peu, les indications sont toutes respectées et c’est assez poétique. François : c’est plus clair et sonnant, peut-être moins évident que Gieseking, plus « réalité augmentée », avec quelques brusqueries et ralentissements mais c’est prenant et passionnant. Arrau commence très très modérément animé, « délicatement », mais, malgré ses qualités pianistiques, on reste un peu à l’extérieur ; j’en avais un meilleur souvenir. Vignon : tempo très retenu (environ 6′ contre 5′ chez Arrau) qui nuit un peu à l’animation, mais ce tempo permet ensuite de magnifiques ambiances – des pagodes plus spirituelles que décoratives en quelques sorte.

La soirée dans Grenade
On n’imaginait pas ce « déhanché » chez Gieseking, tout est très beau, ne tient pas en haleine jusqu’au bout néanmoins. François et Arrau sont nettement plus lents. Au début François tient la gageure « Expressif et lointain » et, si le piano zingue un peu parfois, c’est très vivant, Arrau étant plus hiératique.  Dans le même tempo, Vignon nous promène joliment dans Grenade, on aurait aimé une démarche un peu plus chaloupée.

Jardins sous la pluie
Il s’agirait des jardins de l’hôtel de Croisy à Orbec (Calvados). Ici encore, Gieseking est le plus rapide, Vignon l’une des plus lentes. Gieseking encore magistral, François si bellement sonore et chantant (on ne croit pas aux paroles « nous n’irons plus au bois »), Arrau, dans un prise de son plus distante est plus brumeux. Quant à Élodie Vignon, la balance générale défavorise un peu les aigus ; ce n’est pas « éclaboussant », mais c’est prenant et très bien géré.

En conclusion, Élodie Vignon tire très bien son épingle du jeu, moins géniale que Gieseking sans doute, moins fantasque que François, plus vivante qu’Arrau, elle soutient un grand intérêt de bout en bout.

Les autres œuvres de ce programme proposent une même qualité interprétative, à commencer par une Isle joyeuse magnifique de maîtrise et d’engagement, une des toutes meilleures versions que je connaisse.

On attend la suite !

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