Mon blog n’est pas destiné à alimenter des polémiques stériles, notamment en matière de musique contemporaine, terrain ô combien fertile en France, mais là, j’ai été piqué au vif…
J’avais décidé d’acquérir toute la collection « Sagesses d’hier et d’aujourd’hui », éditée par Le Figaro, pour aider ma fille dans ses études littéraires ; devant le succès de la série consacrée aux grand courants philosophiques il fut apparemment décidé de publier une suite, dont un numéro intitulé « La naissance de l’esthétique et la question des critères du beau ».
Appréciant ses chroniques et ses qualités de pédagogue, j’ai lu avec intérêt cet opuscule qui traite de « l’humanisation de l’art », avant d’en arriver aux passages traitant de la musique. Continuer la lecture de Luc Ferry et le Boulez bashing→
Alfred Cortot – Grand art avec fausses notes – Christian Doumet
« […] ce parfum de fraîcheur noire qui nous le fait reconnaître dès les premières brises ».
On a acquis un peu par hasard chez un soldeur cet ouvrage, eu égard à notre admiration pour le plus grand pianiste du XX siècle – avec Rachmaninov. Pianiste devenu d’ailleurs plus célèbre pour sa collaboration pendant la guerre et les nombreuses fausses notes et trous de mémoire qui émaillèrent ses concerts de la fin de sa vie que pour son art si singulier.
On avoue avoir d’abord abandonné sa lecture, se disant que la vie est trop courte pour lire des inepties sophistiquées… On l’a pourtant repris… et fini à toute allure. Il est bien difficile d’écrire sur la musique ou sur les interprètes ; on a pourtant ici un suite de « flashes » sur différents aspects du personnage – y compris les plus sombres – qui interpellent le lecteur tant sur ce personnage que sur la musique en général.
C’est parfois un peu abscons, mais le plus souvent pénétrant. Il apparaît que l’auteur est Professeur d’université, agrégé de lettres, ancien élève de l’ENS et Docteur es-lettres… Il a écrit L’Isle joyeuse. Sept approches de la singularité musicale (1997), je m’en vais revoir mon soldeur…
« Cheval galopant d’inquiétude, fuyant vers un immense horizon de calme ».
Grand art et fausses notes – Christian Doumet – Champ Vallon – 2009- 204 p. – 17€
On peut écouter certaines de ses interventions à la radio suisse ici. Rappelons qu’en 1952, le Japon donna le nom de « Cortoshima » à une des îles de l’archipel…
Ce livre d’entretiens « La musique du temps réel » avec deux interlocuteurs est en fait une rareté : finalement peu de grands musiciens et compositeurs s’expriment de nos jours sur leur perception de la musique ou sur leurs confrères, anciens et actuels.
Philippe Manoury est devenu au fil des – déjà nombreuses – années une figure importante de la musique ‘contemporaine’ au niveau international. Un peu vite catalogué comme un ‘bébé Boulez’ ou ‘bébé IRCAM’, il suffit de consulter le catalogue de ses œuvres pour constater l’étendue de sa ‘palette’. L’idée de ce ‘blog’ étant d’amener ‘l’honnête mélomane’ à découvrir la musique moderne, ce papier consacré à cet ouvrage en forme de dialogues y trouve toute sa place. D’autant plus que, parallèlement, Philippe Manoury est professeur à l’université de San Diego, ce qui montre à la fois ouverture d’esprit, esprit de pédagogie et puissance de travail…
Ses propos sont très clairs, à la manière d’un Boulez justement, mais moins conceptualisant.
Une première partie est consacrée principalement à l’électronique / informatique en musique, (évoquant notamment le problème posé par l’évolution continue de cette « lutherie technologique » à la pérennité des œuvres), mais tout au long de ces entretiens reviendra sempiternellement la question de la – faible – place de la musique contemporaine dans nos sociétés actuelles.
Une partie centrale est consacrée aux compositeurs qu’il apprécie – ou moins -, avec quelques surprises, dans son Panthéon musical, par exemple : Ainsi la nuit de Dutilleux, les premières partions de Xenakis pour orchestre, la micro-polyphonie de Ligeti, les premières œuvres de Magnus Lindberg, , Lachenmann, Rihm, Donatoni, Janacek, Berg, et surtout Debussy et quelques jeunes contemporains. Par contre, pas la musique répétitive américaine et de grosses réticences par rapport à une part importante de la production de Messiaen. Deux chapitres sont consacrés en outre à la vie et à l’enseignement musicaux aux États-Unis et aux spectacles traditionnels japonais.
Le tout dernier chapitre traite encore plus précisément de la place de la musique contemporaine dans la société, évocation bien pessimiste quant au manque de culture musicale à l’école et parmi nos élites françaises. Çà me rappelle un propos de Boulez bien ‘boulezien’ que je cite de mémoire : Quand on pense que le Premier ministre [Raffarin à l’époque] ne va au concert que pour écouter Johnny Halliday, c’est dire le niveau ! (c’est vrai qu’à une époque, on pouvait voir souvent un Barre ou un Giscard à l’Opéra, sans parler des Pompidou, mais depuis ?).
Il dénonce à la fois la pauvreté insigne de l’enseignement musical français, encore une fois le manque de culture musical subséquent de nos ‘élites’ et surtout la soupe tonale insipide et terriblement conditionnante dont on est abreuvé tout au long de notre quotidien.
Une grande partie de l’ouvrage serait à citer – ce qui en fait plus un livre de chevet qu’un simple recueil d’interviews – ne serait-ce que par le chapitre consacré à ses œuvres préférées qui incite à les découvrir ou redécouvrir – mais surtout par ses tentatives de définition de ce qui pour lui fait une œuvre contemporaine intéressante : on citera par exemple ce passage : « Tout l’enjeu est là : il faut satisfaire les attentes – apporter ce que les neuropathologistes appellent des « récompenses » [ cf. ] – mais également savoir les décevoir et aussi les surpasser ».
On finira par deux réflexions :
– il déplore la quasi-inexistence de la critique musicale vis-à-vis des créations contemporaines dans la presse, relayée certes par les blogs spécialisés qu’il trouve représenter une sorte de ghetto de luxe – au moins ici c’est plutôt le blog « 9-3 » de la musique contemporaine… – il cite le concept de musiques « agroupantes » telles que la musique militaire ou les rave parties que j’abhorre également (je me rappelle choquer mes copains ado en déclarant que pour moi les Rolling Stones me faisaient penser à de la musique militaire…).
Bref, précipitez-vous sur cet ouvrage et sur son blog – j’y reviendrai prochainement à propos des Variations Diabelli, à l’occasion de la réédition par PragaDigitals d’un live de Sviatoslav Richter, pianiste d’ailleurs cher à Manoury !
Cf. aussi l’interview réalisée par Bruno Serrou en juin 2012, qui reprend des thèmes évoqués dans l’ouvrage.
Un livre épatant d’Étienne Barilier dont on a déjà pu rendre compte de son ouvrage sur Alban Berg ou de son roman Piano chinois.
Un de ses premiers titres (1988), ce roman nous tient en haleine malgré le sujet : un pianiste suisse traverse une dépression à la suite d’un papier dévastateur d’un critique musical reconnu. Il retrouvera en villégiature au Portugal ce même critique ainsi que la jeune veuve d’un compositeur contemporain. Entre idylle naissante, joutes avec le critique et la question lancinante du caractère génial du compositeur défunt au travers de sa sonate pour piano, l’affaire se terminera assez mal…
Au risque de se répéter, c’est épatant d’intelligence, de malice, de profonde compréhension de la musique et ça se lit comme un polar. On peut le trouver en cherchant bien sur le Net.
L’ouvrage fournit la partition complète du quatuor, son contexte historique (et personnel : Schoenberg était trompé par sa femme, dont l’amant sera plus tard amené à se suicider), une analyse détaillée et des documents de l’auteur, d’interprètes, de critiques de l’époque, etc.
… et à écouter dans la version des Pražák (1997 – dans sa configuration avant le remplacement de Václav Remeš par Pavel Hůla en 2010), avec la soprano Christine Wittlesey.
On signalera également la version rayonnante par les Pražák du quatuor n°4, op. 37. Voilà une œuvre plus immédiatement accessible pour qui est habitué aux derniers quatuors de Beethoven. La structure de chaque mouvement est plus simple et le traitement de la série permet de nombreux pôles tonals. Ajoutons que l’œuvre est presque souriante ! et que la prise de son est d’une absolue limpidité.
This books include the entire score, its historical context, a detailed analysis, and commentaries by the composer, his students and contemporaries (Mahler for example who declared having great difficulty to understand this score…).
.. to be listened to in the Pražák version (1997 – PragaDigitals) with the soprano Christine Wittlesey.
One will also announce the radiant version by the Pražák of quartet n°4, Op. 37. Here is a work more immediately accessible for who is accustomed to the last quartets by Beethoven. The structure of each movement is simpler and the processing of the series allows many tonal poles. Let us add this is an almost smiling work! and that the sound recording is of an absolute limpidity.
Actualité culturelle – Musique classique & contemporaine