Anne Queffélec – Maroussia Gentet – Sonate de Dutilleux
Anne Queffélec
La première fois que je l’ai rencontrée, je lui appris l’affaire de la plaque de Dutilleux, ce qui la mit dans une belle rogne. La seconde, je sortais d’une discographie assez exhaustive de la Berceuse de Chopin – nous étions tombés d’accord sur la façon de l’interpréter et elle était par ailleurs assez surprise que quelqu’un soit fan de son enregistrement des Études de Debussy… Tout ça pour dire que j’étais heureux de voir paraître ce disque d’une bientôt septuagénaire, qui nous donne, en plus d’1h22′, 23 « danses » de compositeurs français, introduites non pas par L’invitation à la danse de Weber, mais par une pièce de Frederico Mompou (son fils, Gaspard Dehaene se joint à elle par deux fois). Sont donc conviés Chabrier, Chausson, Debussy, Fauré, Franck (!), Hahn, Massenet, Pierné, Poulenc, Ropartz, Ravel, Saint-Saëns, Satie et Schmitt. Hormis Debussy et Ravel, ce sont des pièces charmantes, notamment la Valse folle de Massenet, le Rossignol éperdu de Hahn. On notera que pour la Pavane, son interprétation est en tout point identique à son enregistrement de l’intégrale Ravel il y a 20 ans pour Erato.
Maroussia Gentet
Si l’on a mis en parallèle Anne Queffélec et Maroussia Gentet, c’est qu’elles ont toutes deux enregistré la Sonate de Dutilleux (comme beaucoup de femmes pianistes d’ailleurs – cf. galerie plus bas).
Nous l’avons écouté le 24 janvier dernier à l’Institut Goethe dans le cadre de la saison Blüthner.
Elle l’interprétait avec des extraits de Masques de Szymanovski qui figurent sur ce CD. Mis à part les trois Klavierstücke de Schubert qui m’ont paru bien froids, on a pu apprécier sa virtuosité, son engagement, notamment dans Szymanovski qui paraissait aussi « moderne » que Dutilleux. En tous cas enfin un récital au programme original… (Il faudrait que les organisateurs fassent enfin régler ce piano qui a des notes qui zinguent et qui tient mal l’accord).
Dutilleux – Sonate pour piano
L’Op. 1 du compositeur, créée en 1948 par son épouse Geneviève Joy. On rappellera l’ouvrage indispensable de Pierre Gervasoni.
On a pu écouter :
Geneviève Joy (1958)
Monique de la Bruchollerie (~1960)
François Killian (1986)
Marie-Josèphe Jude (1995)
Anne Queffélec, (1996)
Claire-Marie Le Guay (2000)
Cathy Krier (2008)
Arthur Ancelle (2015)
Pascal Godart (2015)
Kathryn Stott (2015)
Cicilia Yudha (2016)
Jonas Vitaud (2016)
Maroussia Gentet (2017)
Allegro con moto
Geneviève Joy – La prise de son a mal vieilli (c’est en plus la réédition BNF, on a l’impression que c’est repiqué d’un 33t). C’est bien allegro con moto. Me fait penser au jeu d’Yvonne Lefébure : toucher parfois un peu rude, mais tout est si bien caractérisé. 9
Claire-Marie Le Guay – Tempo assez lent, prise de son manquant de clarté ; on ne sait si c’est la pédale ou l’enregistrement, mais c’est moins « franc du collier », tout en proposant de belles ambiances. 8,5
Jonas Vitaud – Tempo lent. Interprétation très personnelle alternant passages quasi romantiques avec d’autres montrant de magnifiques sonorités. 8
Monique de la Bruchollerie – Tempo allant. Fait penser à G. Joy, avec plus de personnalité, le piano « clinque » un peu, c’est très vivant. 8,5
Marie-Josèphe Jude – Très chantant, manque un peu de caractère ou de caractérisation. 7,5
Pascal Godart – Sonne peut-être plus moderne. très vivant et caractérisé. 9
Anne Queffélec – Lecture évidente, magnifique ‘pianisme’ articulation, rythmes, sonorités, vista, tout y est- 9,5
Kathryn Stott – Piano très sonore, lecture plutôt extravertie mais l’intérêt est moins soutenu. 7,5
Arthur Ancelle – Manque de fil conducteur. 7
François Killian – Manque de nerf, d’ossature, sonorité grisâtre. 6,5
Cicilia Yudha – Version lente, tendance Fauré… 6
Cathy Krier – Rapide, à la fois brusque et pas très clair. 6
Maroussia Gentet – Ca commence un peu en demi-teintes, mais on a ensuite une véritable interprétation qui soutient l’intérêt. 8
Lied
Geneviève Joy – Une évidence, le chant dans le rythme. 9
Claire-Marie Le Guay – Sonorités plus recherchées, très poétiques. 8,5
Jonas Vitaud – Lecture très poétique également. 8,5
Monique de la Bruchollerie – Sonorités magnifiques, peut-être la plus variée. 9
Pascal Godart – Une version très personnelle, toucher magnifique, sonnant et chaud à la fois. 9
Anne Queffélec – Plus lente, intimiste, début un peu linéaire, mais la suite s’anime. 8
Maroussia Gentet – Sonorités soignées, tonalité générale assez triste, mais c’est très habité. 8,5
Je m’arrête là faute de temps. Je pense que l’on ne sera pas déçu avec ces 6 versions.