Ce ballet-pantomine (spectacle chorégraphique narratif) a été créé le 3 avril 1913 à Paris sous la direction du compositeur et chef d’orchestre Gabriel Grovlez.
On entend ici Albert Roussel désannoncer le Festin :
Voici le synopsis de la Suite orchestrale communément jouée :
1 – Dans un paisible jardin, au centre de son immense toile, une Araignée attend patiemment de capturer les insectes qui doivent composer son dîner.
2 – Passent d’abord les Fourmis qui lui échappent, puis deux Bousiers.
3 – L’Araignée n’ose s’attaquer à eux mais elle prend sa revanche sur un frêle Papillon que son étourderie jette dans la toile.
4 – Une pomme tombée de l’arbre excite au combat deux mantes religieuses et l’une d’elles devient la proie de l’Araignée, tandis que deux vers se glissent dans le fruit, objet du litige.
Quand ils s’en sortent, ils sont devenus très gros et frappent d’admiration un Éphémère sorti d’une touffe de nénuphars qui s‘étalent sur le bassin voisin.
5 – Tout juste éclos, il virevolte avec insouciance et panache durant ses fugaces instants de vie.
6 – Voilà le crépuscule et l’Éphémère touche déjà à sa vieillesse. Il meurt et son cadavre va enrichir le garde-manger de l’Araignée. Mais au moment où celle-ci commence son festin, la mante et les bousiers se vengent et la tuent. Tous les insectes organisent des funérailles pour emporter le gracieux Éphémère à sa dernière demeure sur un pétale de rose et un Ver luisant s’allume pour éclairer le cortège.
7 – La nuit est tombée ; subsiste la solitude du jardin abandonné.
Des versions proposent douze numéros :
1 – Prélude – Un Jardin
2 – Entrée des Fourmis
3 – Entrée des Bousiers – Danse du Papillon
4 – Joie de l’Araignée. Danse de l’Araignée
5 – Entrée des Vers de fruit
6 – Entrée guerrière de deux Mantes religieuses
7 – Ronde des Fourmis
8 – Éclosion de l’Éphémère
9 – Danse de l’Éphémère
10 – L’Éphémère s’arrête, épuisé
11 – Mort de l’Éphémère
12 – Funérailles de l’Éphémère
Ici la partition en réduction dans la version Denève en 12 mouvements :
La liste des compositeurs français de musiques pour ballet au début du XXe siècle serait trop longue à établir ; il suffit de citer Ravel, Debussy, Stravinsky, Satie, dUKAS? Dutilleux etc. Ce genre a l’air plutôt délaissé aujourd’hui par les compositeurs contemporains.
La musique de Roussel était assez populaire aux États-Unis (Koussevitsky, Munch…) et l’enregistrement de Toscanini était sa 9e exécution de cette oeuvre.
J’ai trouvé à peu près 17 versions (il existe des vidéos de concerts également) :
Chef | Orchestre | Année | Numéros |
Roussel | ? | 1929 | Suite |
Straram | Orchestre Straram | 1930 | Suite |
Toscanini | New York Philharmonic | 1946 | Suite |
Leibowitz | Orchestre national de la Radiodiffusion française | 1953 | Suite |
Martinon | Orchestre des Concerts Lamoureux | 1953 | Suite |
Ansermet | Orchestre de La Suisse romande | 1955 | Suite |
Baudo | Orchestre des Cento Soli | 1960 | Suite |
Cluytens | Orchestre du Conservatoire | 1964 | Suite |
Martinon | Orchestre National de l’O.R.T.F. | 1971 | Ballet |
Kosler | Czech Philharmonic | 1984 | Suite |
Prëtre | Orchestre national de France | 1984 | Suite |
Verrot | Orchestre Symphonique de Québec | 1993 | Suite |
Tortelier | BBC Philharmonic | 1994 | Ballet |
Swierczewski | Gulbekian orchestra | 2000 | Ballet |
de Billy | Vienna Radio Symphony Orchestra | 2004 | Suite |
Denève | Royal Scottish National Orchestra | 2012 | Ballet |
Rophé | Orchestre national des Pays de la Loire | 2019 | Ballet |
Prélude
Pour faire le point, le premier morceau – Prélude – me semble suffisamment représentatif pour une première sélection.
La version de Roussel lui-même est indisponible. Celle de Toscanini est très mal captée.
Sans bien distinguer les timbres, la version Straram a beaucoup plus de poésie, de même pour celle de Leibowitz.
La 1e version Martinon est bien mais les timbres ne sont guère flatteurs.
Ansermet : mauvais son, flûte hésitante. Baudo, pas très beau un peu relâché, fade.
Cluytens est élégant mais un peu terne.
Malgré un son un peu lointain, la 2e de Martinon est très bien (le Prélude est un peu plus long dans la version complète).
Kosler est le seul à faire la reprise du thème au cor vraiment piano, mais d’autres nuances sont moins respectées, le tout fait un peu survolé.
Chez Prêtre, on a un son excellent, un superbe flûtiste, on entend distinctement les lignes instrumentales.
Verrot : on l’impression que ça ralentit, manque de relief.
La version Tortelier est curieusement indiquée « Arrangement Rotislav Dubinsky » (membre du quatuor Borodine de l’époque). L’accompagnement des cordes donne un peu le mal de mer, problèmes de balance.
Swierczewski manque d’ambitus dynamique, dans un mauvais son.
de Billy signe une version bien construite au niveau tempi et de belles couleurs.
Denève signe une belle lecture, un peu alanguie, un peu comme Rophé d’ailleurs.
Je retiens les versions Straram, Leibowitz, Martinon II, Prêtre, de Billy, Denève et Rophé.
Autres mouvements
Fourmis
Straram est très vivant, animé mais le son est tout de même précaire.
Dans un son un peu moins ancien, Leibowitz donne une lecture très acérée.
Superbe entrée des fourmis chez Martinon 2, à la vitesse adéquate, Prêtre est ici assez modéré, mais avec de beaux timbres.
Denève manque d’accents et sonne un peu prosaïque.
Rophé est plus lent et lointain.
Éphémère
Martinon est élégant et évocateur à souhait dans l’éclosion, Prêtre plus animé et contrasté dans la danse.
Mais ce sont pour moi les versions les plus marquantes de cette œuvre attachante, avec la plus récente de Bertrand de Billy, avec du caractère, assez extravertie, mais que je n’ai pu écouter que sur Spotify.