Rencontre avec la pianiste Momo Kodama

 
Momo Kodama
Momo Kodama

Momo Kodama est une pianiste japonaise  établie à Paris. On s’est rencontrés par l’intermédiaire de Régis Campo dont elle interprétait récemment au Festival Musica de Strasbourg son Étude pour les cordes bloquées.

« Cela fait maintenant 35 ans que je vis à Paris. On a suivi nos études musicales en même temps avec ma sœur aînée (Mari Kodama, épouse du chef d’orchestre Kent Nagano) au Conservatoire de Paris. Nos chemins se sont ensuite un peu séparés mais nous jouons maintenant ensemble une ou deux fois par an, on vient d’ailleurs d’enregistrer notre deuxième disque. Elle est allée prendre conseil auprès d’Alfred Brendel, alors que j’ai pu avoir les conseils d’András Schiff, Murray Perahia, Tatiana Nikolaïeva ou encore Vera Gornostaeva, grande pédagogue dans la lignée de Neuhaus. Ma sœur s’est plutôt spécialisée dans Beethoven, dont elle a d’ailleurs enregistré l’intégrale des sonates et des concertos, alors que je me suis tournée vers Mozart, Chopin et la musique française : Debussy, Ravel ou Messiaen. Quand j’ai gagné le concours de l’ARD à Munich, j’étais avec Tatiana Nikolaïeva et j’avais 19 ans ; elle me donna le conseil de ne pas faire trop de choses en tant que pianiste jusqu’à 25 ans et de travailler mon répertoire. Je pense que c’était un sage conseil.

Je n’enseigne pas, seulement quelques master classes, même si j’aime beaucoup cela. Je donne une cinquantaine de concerts par an, c’est un rythme qui me convient. Plus, ce serait trop : il y a des artistes qui donnent cent concerts par an et qui se portent très bien, il faut trouver son propre équilibre ; pour ma part, j’aurais peur de devoir sacrifier ma vie personnelle. »

TV : Ne ressentez-vous pas parfois des moments spéciaux lors de vos concerts, où « le courant passe », nombreux sont les interprètes qui m’en ont parlé ?

MK : Bien sûr, il y a alors une sorte d’énergie qui se crée, que je ressens aussi quand je suis dans le public.

J’évoquais les marathoniens du piano comme Nicolas Horvath  (Nuit Glass à la Philharmonie, Vexations de Satie…) ou Yukio Yokoyama (intégrale Chopin en un seul concert) : « On était ensemble au Conservatoire avec Yukio Yokoyama. C’est quelqu’un de très brillant, il a ouvert d’ailleurs son propre restaurant après avoir passé un diplôme de sommelier ! »

« Je donne des concerts principalement au Japon et en Europe. En principe, je groupe les concerts quand je me rends au Japon. C’est en fait assez pratique, car, après un concert, je peux prendre un avion à Tokyo vers minuit et être à 7 heures du matin à Paris ! Même si je n’y ai pas vécu, j’aime retourner dans mon pays où je retrouve mes racines ; d’ailleurs mes parents y sont retournés après une longue période en Europe.

TV : Vous avez combien d’œuvres à votre répertoire ?
MK : (rires) Je n’ai jamais compté : par contre je dois avoir un peu plus de cinquante concertos à mon répertoire.

TV : Y-a-t-il des compositeurs dont vous ne jouerez jamais la musique pour piano (je pensais bien sûr à Rachmaninov) ?
MK : C’est un peu difficile ; par exemple je ne pensais pas jouer de Rachmaninov et voilà que j’ai donné récemment à Tokyo sa Rhapsodie sur un thème de Paginini avec le superbe chef d’orchestre Jonathan Nott. Il y a des compositeurs que j’ai très peu joués, comme Brahms, Liszt, Prokofiev ou Chostakovitch, mais peut-être plus tard ? Je pense travailler plus des musiques de compositeurs comme Bach, Schubert, Bartók ou Scriabine. Le répertoire pour piano est tellement vaste, il y d’ailleurs de nombreuses œuvres que l’on joue à la maison sans les donner forcément en concert.

TV : Votre Panthéon pianistique ?
MK : J’écoute plus de disques de pianistes du passé que ceux des pianistes contemporains : je citerai volontiers Kempff, Cortot ou Richter. Mais j’écoute en fait plus de musiques de chambre ou d’orchestre que de musiques pour piano. (Pour les pianistes actuels, on a pu évoquer Nelson Freire ou Radu Lupu, Andras Schiff , Piotr Anderszewski par exemple).

Les disques

Mes premiers disques ont été publiés chez Triton.  Ils m’ont laissé une grande liberté ; après un album Debussy et un Chopin, j’ai pu enregistrer Messiaen : les Vingt regards et le Catalogue d’oiseaux : pour chacun j’ai eu cinq ou six jours d’enregistrement. Ils ont récupéré d’anciens microphones de chez Decca ; c’était un travail très sérieux, sans compromis. Pour ECM, la rencontre s’est faite via Arvo Pärt : Manfred Eicher assistait à un récital à Riga et dix ans après il m’écoute dans le Concerto pour la main gauche de Ravel et me propose d’enregistrer les Préludes de Debussy. Mais je ne voulais pas, je ne me sentais pas prête, alors j’ai suggéré le CD Ravel – Takemitsu – Messiaen.

J’ai eu la chance de rencontrer Colette Zerah, épouse du compositeur Pierre Jansen, une élève de Lazare Levy ; elle m’a beaucoup apporté dans la connaissance des musiques de Ravel et Debussy ; je l’aurais rencontrée plus tôt, j’aurais peut-être accepté d’enregistrer les Préludes de Debussy, qui sait ! Mes bases du jeu pianistique m’ont été apportées par Germaine Mounier qui a bien voulu me donner des cours à l’âge de 10 ans avant d’entrer au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris. Au Conservatoire, Messiaen était d’ailleurs déjà un classique.

En projet, j’ai un spectacle musical que l’on va donner en mars 2018 à l’occasion du centenaire de la mort de Debussy, avec des mélodies, du piano et son quatuor. Ce sera le 25 mars à Paris à la Bellevilloise avec l’acteur Pascal Reneric et le baryton Josep Ramon Olive pour le jour même de l’anniversaire et on le redonnera ensuite dans différentes villes / pays.

Le récent récital de Momo Kodama au Festival Musica 2017

 

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