Rencontre avec le compositeur Régis Campo – « L’indépendant »

Rencontre avec le compositeur Régis Campo – « L’indépendant »

On avait écouté quelques CD de ce compositeur, dont la musique variée et attachante nous avait beaucoup plu. cf.

Un compositeur indépendant des écoles ?

Régis Campo avoue subir des influences multiples, que ce soit de la musique classique ou contemporaine, mais aussi du jazz et de la musique populaire. Il aime emprunter des « directions non convenues », se définit plutôt comme un « frondeur indépendant » aimant les remises en question. Il cite en exemple les « fenêtres ouvertes » des dernières œuvres de Ligeti, qui sut conserver un caractère juvénile ou encore Stravinsky : « quand j’ai entendu Agon pour la première fois à la radio, je croyais qu’il s’agissait de l’œuvre d’un jeune compositeur inspiré par Stravinsky et Boulez ! »

Parmi les grands indépendants, il cite de prime abord Dutilleux, Messiaen, Lutoslawki, Ohana ou Britten (opéras), mais aussi Scelsi (Konx-Om-Pax « exemple de musique qui ne vieillira jamais »), Claude Vivier (Lonely Child), Takemitsu ou certains Russes (Gubaïdulina, Schnittke, Denisov). En insistant un peu, il citera d’autres œuvres : Stockhausen (Stimmung, Trans), Boulez (Dérives), Varèse (Amériques) ou Xenakis (Jonchaies). Pour les Américains, Charles Ives («et son transcendentalisme»), Steve Reich (« pour son rapport original à Stravinsky et même à l’avant-garde européenne »), Morton Feldman (Coptic light).
Parmi les compositeurs plus récents,  il suit avec grande curiosité les musiques de  Dalbavie, Cavanna, Levinas, Murail, Canat de Chizy, Saariaho, Adès, Tanguy, Natsuda, Pécou, Unsuk Chin, Pesson, Mantovani,  François Narboni, Christian Lauba, Oscar Strasnoy, ou encore Nico Muhly. Mais il ne goûte certainement pas les néo-tonaux (« des ufologues ou des raéliens ! »).

« Je n’ai pas de vision guerrière des compositeurs aux styles si opposés. Comme des planètes en orbite, ces compositeurs ont des tailles et des positions différentes – certaines avec plus ou moins de satellites – mais elles font partie du même système solaire et ont besoin les unes des autres pour exister dans une relation d’attraction/répulsion. Aujourd’hui en dehors de toutes querelles byzantines, nous devons lutter contre l’amnésie ambiante et l’inculture arrogante de certains élus ou adjoints ; nous l’avons subi avec l’histoire de la plaque commémorative d’Henri Dutilleux. Or, il est loin le temps où un Mitterrand parlait littérature à la télévision justement avec un Modiano, où un Giscard écoutait Mahler à l’attente des résultats présidentiels de 1974 ! Il faut aujourd’hui rester vigilant et demeurer des résistants, ne rien lâcher.»

« Carrière »

Régis Campo est un compositeur à la fois productif, recherché et heureux : « composer de la musique à notre époque, ça n’a pas de prix. C’est d’abord développer une technique, un style avec le sens de l’inouï ». Les commandes se sont toujours enchaînées et son catalogue comprend environ 220 œuvres (il en a pourtant détruit une cinquantaine), certaines d’entre elles ont été créées mais pas encore éditées, attendant d’être éventuellement révisées. Beaucoup pop-artsont régulièrement jouées, comme Pop-Art (« l’une des deux ou trois partitions les plus jouées des Éditions Lemoine… »). « Tous les compositeurs aimeraient bien avoir leur Boléro, mais ça ne se décrète pas ». Parmi ses œuvres fétiches, il cite Lumen, surtout Lumen II, ses deux opéras, son cinquième quatuor à cordes, Les Blasons du corps féminin, Commedia (prix international Gaudeamus des compositeurs en 1996), ses concertos pour piano et pour violon (« dans ce dernier un effet de tuilage entre deux mouvements avait frappé Dutilleux et Georges Benjamin »), de nombreuses pièces pour piano ou pour orgue… Il mène souvent en parallèle la composition de plusieurs œuvres. Mais son opéra Quai Ouest lui aura pris trois années de travail.

« Je compose sans cesse dans ma tête, j’utilise le piano, le simple crayon et la gomme, ou l’ordinateur mais tout doit s’inscrire clairement dans ma tête ». Cette faculté est bien sûr due à sa formation mais est en quelque sorte innée, comme son oreille absolue : « dès le plus jeune âge, je changeais spontanément les partitions que je déchiffrais; parfois je composais mentalement une musique en contrepoint aux sons que j’entendais autour de moi, dans la rue ». Pour lui, l’essentiel est la recherche du style : « il faut à la fois lâcher prise et renoncer, forcément avec douleur, à de multiples influences pour être soi-même ». Il n’utilise pas l’électronique dans sa musique, non par principe, mais « parce que je ne suis pas doué dans ce domaine ».

En ce qui concerne l’opéra, il estime que tout le monde n’est pas forcément apte à en écrire : « il faut savoir écrire pour la voix, gérer le livret, travailler avec toute une équipe de production, etc. Pour mon opéra Quai Ouest par exemple, j’ai souhaité, pour la deuxième production à Nuremberg, couper et réécrire certaines scènes afin que l’ouvrage lyrique tienne debout. Je rêve déjà d’une nouvelle mise en scène de mon opéra ! ».

Régis Campo est par ailleurs professeur de composition au Conservatoire de Marseille. Il a le sens de la transmission et aime être au contact de jeunes compositeurs, « d’ailleurs Dutilleux, Messiaen ou Ligeti ont toujours été au contact de compositeurs de 20 ans ».

Interprètes

Il nous cite les interprètes de ses œuvres qui l’ont marqué : Felicity Lott, Kent Nagano, Jay Gottlieb (« comme un frère musical »), le quatuor Parisii, Rachid Safir, Bertrand Chamayou, Mireille Delunsch, Zoltán Kocsis, Laurent Korcia, Fabrice di Falco, Alain Meunier, Alain Altinoglu, ou encore l’Ensemble Clément Janequin et Dominique Visse (« quel bonheur d’entendre le public rire lors de la représentation de mes Cris de Marseille ! »).

Projets ( 21/01/2016)

  • Dans le cadre du Grand Prix Lycéen des Compositeurs, Musique Nouvelle en Liberté, la SACEM et Musicora se joignent pour proposer vendredi 5 février  de 12h30 à 14H30 studio 1 de la Grande Halle de la Villette 
    une rencontre intermédiaire en  Ile de France avec :

• Régis Campo compositeur en lice du Grand Prix lycéen du Compositeur 2016
• Pierre Jodlowski lauréat du Grand Prix lycéen du Compositeur 2015
• Arnaud Merlin, producteur du Magazine de la Contemporaine sur France Musique
• et une centaine de lycéens d’Île-de-France.
http://gplc.mnl-paris.com/edition/2016/
 
– Création de « Eden II« (2015) pour oiselon par Mathieu Godefroy – Concert Musica Universalis le 19 février 2016
– Création de la version définitive de « Eden » (2009-2015) dédié et créé en 2009 par Laurent Korcia) pour violon par Mathieu Godefroy

Concert Musica Universalis le 19 février 2016
http://www.musica-universalis.info/concerts/

– Création dans la saison 2016-2017 à la Maison symphonique de Montréal, Québec de « Harmonices Mundi » d’après Kepler pour orgue par Jean-Willy Kunz
http://jwkunz.com

– Création courant 2016 de la version définitive des « Morgenstern-Lieder » pour mezzo-soprano et piano par Katalin Karolyi

(commande du Staatstheater Nürnberg) en Hongrie

http://www.katalinkarolyi.org

– Création d’une oeuvre pour violoncelle solo par Pieter Wispelwey en hommage à Henri Dutilleux (le 3 juin 2016, festival de violoncelle de Beauvais)
http://pieterwispelwey.com

– Création en 2017-2018 d’un concerto pour violoncelle et orchestre par Pieter Wispelwey

– Trio « Swag ! » pour violon, violoncelle et piano en cours de composition (2015-2016) pour le Beethoven trio Bonn

(« Swag !  » est bien le titre de l’oeuvre et non le titre des interprètes…)


– Sortie récente en CD de « Au cours du temps » (2011, Editions Henry Lemoine) pour violoncelle seul par Fabrice Bihan
http://www.disques-triton.fr/index.php/fr/catalogue/218-nouveautes/9-hommage-a-henri-dutilleux-par-10-compositeurs


– Sortie récente en CD de « Eternal Sunshine.1 » (2009/12, Editions Henry Lemoine) pour deux pianos et deux percussionnistes par le Berlin PianoPercussion
Telos Music TLS 181
http://www.symeonidis.de/cdse.htm

Ressources :

L’opéra « Quai Ouest » de Régis Campo et l’accueil critique
Interview de Kanako Abe
Nombre de documents sur Youtube
Une interview de 2008

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