Rencontre avec la pianiste Célimène Daudet

©Christophe Berlet

C’était il y a cinq ans que mon oreille avait été accrochée par la prestation d’une pianiste, Célimène Daudet, dans Debussy notamment, qualités retrouvées récemment en concert ou avec son dernier CD Debussy / Messiaen.

Nous nous sommes – trop – brièvement rencontrés autour d’un verre. Je passe sur sa biographie générale, que l’on peut trouver par exemple sur le site « Piano bleu« .

Débuts

Elle a commencé le piano à l’âge de 8 ans d’abord à l’Ile Maurice puis à Aix-en-Provence, avant de passer aux Conservatoires de Lyon et de Paris, Une période marquante de sa vie de pianiste a été, à la suite de l’obtention d’une bourse, son séjour au Banff Centre il y a plus de dix ans, où pendant un trimestre elle a pu apprendre tous les métiers concernant un concertiste : piano bien sûr, mais aussi l’enregistrement, le studio, la communication, etc.
Même si elle déjà donné de nombreux concerts dans sa jeunesse, sa carrière a vraiment débuté lors d’une tournée en Russie quand elle terminait le Conservatoire de Paris, prenant alors vraiment conscience des réalités de la vie d’un concertiste, notamment le peu de temps alloué pour préparer les concerts ou prendre connaissance d’une salle ou d’un instrument, « mais cela m’a plus, j’adore voyager et, même de façon un peu brève, on rencontre finalement beaucoup de monde et l’on s’imprègne d’atmosphères nouvelles ».

Le disque

« Mon premier enregistrement A tribute to Bach remonte à environ 10 ans et j’ai fait 5 CD jusqu’ici.  L’enregistrement reste pour moi un moment qui est gravé, pour lequel j’essaye bien sûr d’aller le plus loin possible dans mon interprétation et mon exécution mais ce n’est pas une fin en soi. De ce fait, les concerts qui suivent en sont influencés. En réalité, il n’y a jamais de fin dans le travail de l’interprète : on pense s’approcher d’un but et un autre objectif apparaît ; je ne pense pas que l’on puisse se dire, voilà, j’ai atteint la version idéale d’une œuvre. Le projet d’un enregistrement se fait assez naturellement au travers d’échanges, j’aime ainsi beaucoup travailler avec le label NoMadMusic qui a accepté mon projet de programme Debussy / Messiaen, il faut dire que les Préludes de Debussy m’accompagnent quasi en permanence depuis des années… J’aime vraiment ce type de programme mettant en regard deux compositeurs qui donne un nouvel éclairage à l’un et à l’autre. J’ai un autre projet avec NoMadMusic dont l’enregistrement se fera probablement en 2019 avec les Nuits dans les jardins d’Espagne de Manuel de Falla en compagnie de l’Orchestre National d’Ile de France. J’ai enfin un autre projet d’enregistrement avec des pièces de compositeurs haïtiens, dont beaucoup étaient venus étudier à Paris d’ailleurs et qui ont une singularité étonnante mêlant langage classique occidental et mélodie de tradition vaudou ainsi que rythmes caribéens. Je recense actuellement les partitions avec l’aide d’une fondation canadienne – il y a une importante communauté haïtienne au Canada et un grand intérêt pour la culture haïtienne ».

Haïti

À ma question habituelle « je gagne au loto et vous offre de réaliser votre rêve (musical) » : « Pour moi, rien, je n’attends rien de particulier, en revanche je vous demanderais d’être le mécène musical à vie de mon festival en Haïti ! Sa deuxième édition aura lieu le mois prochain [sa mère est d’origine haïtienne]. J’ai voulu contribuer à la vie artistique là-bas et y créer le premier festival de musique classique qui est un événement entièrement gratuit, accessible à tous, en essayant de proposer le meilleur ; il se déroule à Port-au-Prince et à Jacmel, on doit d’ailleurs transporter le piano d’une ville à l’autre ; c’est un piano « tropicalisé » conçu pour les pays tropicaux pour mieux résister à l’humidité. Il y a quinze concerts en dix jours, avec quarante artistes, pour moitié haïtiens ; le festival n’est pas uniquement centré sur la musique classique mais fait appel à d’autres artistes haïtiens – Haïti a une grande richesse artistique et culturelle. Par exemple, le violoniste Guillaume Latour me rejoint pour un concert sur le thème de l’extase : de chorals de Bach à des chants traditionnels vaudou ou à des tambours haïtiens…  L’an dernier il y a eu entre 5 et 6 000 personnes, c’est toujours plein à craquer ! L’Institut Français, L’Alliance française, la Banque de la République d’Haiti , diverses  fondations nous aident à la fois financièrement et au niveau logistique. C’est une aventure humaine et artistique extraordinaire ! ».

Répertoire

« Jouez-vous de la musique contemporaine ? »
« Oui, j’ai par exemple un projet de création d’un concerto pour piano écrit par Christian Rivet que l’on créera en 2020 avec l’Orchestre des pays de Savoie. La musique contemporaine n’est peut-être pas l’essentiel de mon activité pour moi, mais j’en joue fréquemment, comme la pièce « Les Nombres » de Benoît Menut très récemment salle Cortot. J’adore travailler avec des compositeurs vivants, on s’aperçoit d’ailleurs combien la notation musicale est assez relative finalement. J’ai baigné dans cet univers assez jeune : il y avait un parti pris qui était celui de mettre au cœur de l’enseignement la musique contemporaine au Conservatoire de Lyon. À 13 ans, j’ai aussi passé des mois à apprendre la 3e sonate de Boulez. Je m’en souviendrai toute ma vie ! Je découvrais alors un monde totalement nouveau. Étant jeune, j’étais un peu boulimique et déchiffrais sans cesse de nouvelles partitions, maintenant c’est assez différent car je ressens la nécessité de réellement approfondir et vivre longuement avec les œuvres que je travaille. Sinon il n’y pas de répertoire que je n’aborde pas ou n’aborderai pas, j’ai encore un peu peur de Schumann et ses si rapides changements d’humeur et d’états , mais ça viendra je l’espère car il me fascine. Vous me citez Rachmaninov, je l’ai beaucoup joué entre 14 et 18 ans, je suis même entrée au CNSM avec sa 2e sonate et je prenais un grand plaisir presque physique à jouer cette musique, j’y reviendrai peut-être. Mes choix viennent sur le moment, comme des évidences et comme je vous le disais j’aime construire mes programmes en mettant en miroir des œuvres avec d’autres, comme des jeux de résonances ».

Musique de chambre : « Je joue depuis quinze ans avec Guillaume Latour, on se produit régulièrement ensemble, bien que ce ne soit pas un duo réellement constitué. Étant plus jeune, je faisais presque plus de musique de chambre que de récital, c’est évidemment très formateur de rencontrer divers instrumentistes et quel plaisir de jouer avec des gens que l’on aime ! Aujourd’hui je donne plus de récitals et cet équilibre me convient assez bien. Je donne en moyenne cinquante concerts par an, c’est un rythme qui me va bien ; donner trop de concerts ne permet pas toujours d’atteindre une qualité maximum.
Quant aux concertos, j’ai une vrai attirance pour le répertoire classique. Je pourrais passer ma vie avec les concertos de Mozart et Beethoven.

Je collabore avec un bon agent et je suis plutôt heureuse de ma vie de musicienne aujourd’hui.
On ne sait jamais si cela durera éternellement ! Mais j’ai la chance de pouvoir faire ce que j’aime sans me faire imposer des choix. 

Panthéon

J’ai grandi avec tous les disques d’Arrau, je citerai aussi Kempff, Horovitz dans certains répertoires. J’écoutais beaucoup Brendel, Lupu, Perahia, Pires lorsque j’étais enfant. Parmi les plus jeunes que j’ai entendus j’admire le talent de Trifonov ou Wang.

Pour la retrouver en concert : son site, mais pour Paris, je crois qu’il faudra attendre 2019.

2 réflexions sur « Rencontre avec la pianiste Célimène Daudet »

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