Paul Dukas – La Péri

Paul Dukas (1865-1935) – La Péri (1912)

La Péri - léon Bakst
La Péri – Léon Bakst

Prévue pour être créée par les ballets russes, avec des décors de Léon Bakst, elle sera finalement créée lors de soirées consacrées au ballet par la danseuse Natacha Trouhanova. Furent représentées en avril 1912 : Istar de Vincent d’Indy, La Péri donc, Adélaide ou le langage des fleurs (sic) de Maurice Ravel (en fait l’orchestration de ses Valses nobles et sentimentales) et la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt.

Il fut convenu que chaque œuvre serait précédée d’une fanfare, mais seule « La fanfare pour précéder La Péri » est restée (ce ne fut donc pas pour laisser le temps au public de se calmer comme on peut le lire souvent).

Gustave Samazeuilh écrira : « Jamais l’écriture instrumentale de Dukas n’eut plus de richesse, de variété et néanmoins de clarté, jamais sa variation et ses combinaisons polyphoniques, plus de grâce et de voluptueux abandon, sans rien perdre pour cela de cette beauté expressive, de cette pureté de style, de cette hauteur de pensée qui touchent au plus profond de notre cœur et rendent le départ de la Péri non moins émouvant que celui d’Ariane ».

Argument

Prévue pour être créée par les ballets russes, avec des décors de Léon Bakst, elle sera finalement créée lors de soirées consacrées au ballet, par la danseuse Natacha Trouhanova. Furent ainsi représentées en avril 1912 : Istar de Vincent d’Indy, La Péri, Adélaide ou le langage des fleurs (sic) de Maurice Ravel (en fait l’orchestration de ses Valses nobles et sentimentales) et la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt.

 

Argument

Il advint qu’à la fin des jours de sa jeunesse, les Mages ayant observé que son astre pâlissait, Iskender parcourut l’Iran, cherchant la fleur d’Immortalité.
Le soleil séjourna trois fois dans ses douze demeures sans qu’il la trouvât, jusqu’à ce qu’il parvint enfin aux extrémités de la Terre, au point où elle ne fait plus qu’un avec la mer et les nuages.
Et là, sur les degrés qui conduisent aux parvis d’Ormuzd, une Péri était étendue, dormant dans sa robe de pierreries. Une étoile scintillait au-dessus de sa tête, son luth reposait sur son sein et dans sa main la Fleur brillait.
Et c’était un lotus pareil à l’émeraude, ondoyant comme la mer au soleil du matin.
Iskender se pencha sans bruit vers la dormeuse et, sans l’éveiller, lui ravit la Fleur. Qui devint soudain, entre ses doigts, comme le ciel de midi sur les forêts du Ghilan.
Mais la Péri, ouvrant les yeux, frappa ses mains l’une contre l’autre et poussa un grand cri. Car elle ne pouvait, à présent, remonter vers la lumière d’Ormuzd. Cependant Iskender, la considérant, admira son visage qui surpassait en délices celui même de Gurdaferrid.
Et il la convoita dans son cœur.
De sorte que la Péri connut la pensée du Roi ;
car dans la droite d’Iskender, le lotus s’empourpra et devint comme la face du désir.
Ainsi, la servante des Purs sut que cette fleur de Vie ne lui était pas destinée.
Et pour la ressaisir s’élança, légère comme l’abeille.
Pendant que le Seigneur Invincible éloignait d’elle le Lotus, partagé entre sa soif d’immortalité et la délectation de ses yeux.
Mais la Péri dansa la danse des Péris.
S’approchant toujours davantage, jusqu’à ce que son visage touchât le visage d’Iskender.
Et qu’à la fin il lui rendit la Fleur sans regret.
Alors le lotus sembla de neige et d’or comme la cime de l’Elbourz au soleil du soir. Puis la forme de la Péri parut se fondre dans la lumière émanée du calice et bientôt plus rien n’en fut visible, si ce n’est une main, élevant la fleur de flamme, qui s’effaçait dans la région supérieure.
Iskender la vit disparaître.
Et comprenant que par-là, lui était signifiée sa fin prochaine,
Il sentit l’ombre l’entourer.

Versions

Voici les versions que l’on a pu entendre, il manque au moins Boulez, Petitgirard, Zinman, etc. (et Ansermet / Société des concerts du Conservatoire au moins). On voit bien que cette œuvre n’est guère enregistrée, contrairement à L’apprenti sorcier.

Georges Sebastian Orchestre Colonne 1952
Anatole Fistoulari Westminster Symphony Orchestra of London 1953
Pierre Dervaux Orchestre du Theatre National De L’Opera De Paris 1958
Ernest Ansermet Orchestre De La Suisse Romande 1959
Louis Frémaux Orchestre National De L’Opéra De Monte-Carlo 1962
Ernest Ansermet Orchestre De La Suisse Romande 1972
Antonio de Almeida Czech Philharmonic Orchestra 1975
David Zinman Rotterdam Philharmonic Orchestra 1978
Armin Jordan Orchestre De La Suisse Romande 1985
Yann-Pascal Tortelier Ulster orchestra 1990
Jesus Lopez-Cobos Cincinnati Symphony Orchestra 1999
Leonard Slatkin Orchestre National de France 1999
Jean-Claude Casadesus Orchestre national de Lille 2005
Sylvain Cambreling Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg 2007
Jean-Luc Tingaud RTE National Symphony Orchestra 2014

Fanfare

Cette pièce merveilleuse est devenue un tube pour les ensembles de cuivres. On ne l’enregistrait pas toujours dans le temps (Fistoulari). Des versions disponibles, se détache nettement celle d’Armin Jordan, suivie de celle d’Ansermet, 26 ans auparavant avec le même orchestre de la Suisse Romande.

La Péri, poème dansé

On trouvera ici une brève analyse de l’œuvre (Tirée de Paul Dukas, de Simon-Pierre Perret et Marie-Laure Ragot, Fayard, 2007).

 

 

 

On a donc commencé par la version d’Armin Jordan : superbe orchestre, notamment les cordes sollicitées de façon si variée. Quasiment toutes les indications de la partition sont suivies, à peine s’il y a un montage audible. Une interprétation très chaleureuse avec de magnifiques passages (certaines envolées dans les variations de la danse de la Péri) et une façon unique de faire percevoir l’harmonie sophistiquée tout en gardant le naturel de la narration. On ne peut s’empêcher de penser à Rimsky (Antar). Bonne prise de son, manquant un peu de piqué.

C’est l’occasion de ‘croiser’ des chefs qui n’ont pas été très présents au disque :
Georges Sebastian (György Sebestyén, 1903-1989) fut élève de Bartók, Kodály et Weiner et assistant de Bruno Walter. Il réalisa en fait nombre d’enregistrements qui n’ont jamais réédités, tant orchestraux que d’opéras (avec Callas, Varnay, Flagstad… et notamment Madame Bovary d’Emmanuel Bondeville ou L’annonce faite à Marie de Renzo Rossellini…). Il était célèbre en France il y a 40 ans pour son disque Nuit transfigurée / Adagio de la 10e de Mahler chez EMI.
La Fanfare distord. Elle est très allante mais un peu brouillonne. Dans La Péri, de beaux phrasés, des ambiances, des couleurs, un style très direct, avec parfois quelques traits appuyés. La danse est superbe d’engagement, même si on n’y fait pas dans la dentelle. Une version vivante et attachante. On a écouté ici la version Naxos avec la Suite de Pelléas et Mélisance de Fauré. Forgotten records l’a réédité en la couplant avec la symphonie de Dukas.

Anatole Fistoulari (1907-1995) était d’origine russe, conduisit la Pathétique à l’âge de 7 ans (!), se maria avec Anna Mahler. Il était surtout célèbre comme chef de musiques de ballet.
Ce sera très lent, du coup cela manque franchement d’allant, sans grand intérêt.

Pierre Dervaux (1917-1992) était connu pour ses disques de musique française.
Le début est bien marqué Lent, mais on le préfère plus allant. Prise de son un peu lointaine, la direction est un peu lâche rythmiquement, pas très prenant.

Louis Frémaux (*1921) a été chef à Monte-Carlo, puis à l’Orchestre Philharmonique Rhône-Alpes (futur Orchestre national de Lyon), Birmingham et Sydney.
C’est assez pâle, ça manque d’accents, de phrasés, de couleurs.

Ernest Ansermet (1883-1969) (Decca-1958) : Tempo allant, du son enfin, même si la prise de son est loin d’être parfaite. C’est dirigé un peu « à la corde », certains phrasés pourraient avoir plus de souplesse, de beaux passages, mais une impression générale de décousu.

Antonio de Almeida (1928-1997), fut assistant de Koussevitsky, Bernstein, Szell, étudia avec Ginastera et Hindemith.
Fanfare : les sonneurs tchèques sonnent un peu exotique, mais c’est vivant. Péri : Prise de son un peu globale et réverbérée, de l’atmosphère, de beaux équilibres ; un bon remastering, on aurait une des plus belles versions.

Yann-Pascal Tortelier (*1947) : Une fanfare bien rapide… Péri assez rapide également. Au début violons quasi inexistants, prise de son trop éloignée, très peu de timbres.

Leonard Slatkin (*1944) : Fanfare efficace, Péri : ça s’enchaîne bien mais c’est assez extérieur, voire timide.

Sylvain Cambreling (*1948) : prise de son pâlotte, interprétation itou. Svetlanov, génial, par exemple, dans Antar, aurait dû le faire !

Jean-Claude Casadessus (*1935) – Fanfare façon guimauve. Péri : prise de son distante, c’est un peu insipide, mais il y quelques belles animations ensuite. Une bonne version ‘standard’.

Jean-Luc Tingaud (*19??) : Le RTE est en fait un orchestre irlandais. Fanfare un peu en bretelles, vivante. Encore une fois quasiment pas de violons après l’introduction… De belles interventions solistes. Le grand thème aux violoncelles est d’une platitude remarquable…

Conclusion

J’ai réécouté A. Jordan pour être sûr de ne pas avoir la berlue. Dès les premières mesures, on retrouve l’œuvre ! Presque rien n’existe à côté, curieusement pas Ansermet ; on pourra apprécier tout de même Sebastian dans un style ‘nature’ et les belles versions plus standards de de Almeida et Casadessus.
Quand est-ce qu’un grand chef (s’il y a aujourd’hui maint excellents techniciens, il y a bien peu de grands interprètes : EPS dans la musique moderne et j’ai de grands espoirs avec A. Nelsons. Peut-être Jordan fils, mais il faudra qu’il trouve un bon ingénieur du son pour ses prochains enregistrements. Encore une fois son père me fait de plus en plus penser à Kub.
Enfin, si cette partition est assez merveilleuse, tous les commentateurs la mettent à l’acmé de sa production, mais ce n’est pas pour rien qu’il y a pléthore d’enregistrements de L’Apprenti, comme il y a pléthore de Nouveau monde quand les mêmes mettent au-dessus sa 7e, trouvant celle-là un peu vulgaire…

Dukas - La Péri

6 réflexions sur « Paul Dukas – La Péri »

  1. Vu l’extrême notoriété de l’intéressé, il conviendrait de corriger partout « Léon Blast » en « Léon Bakst » !

    Merci.

  2. Jean Martinon n’ayant pas été commenté, je me permets d’en dire quelques mots -très subjectivement: en-dehors de Jordan et et de jean Fournet (pas critiqué non plus) c’est la seule version que je connaisse au disque, et c’est ma préférée; il ne semble pas qu’elle ait été rééditée par Erato (dommage, le disque qui réunit la Péri à l’Apprenti-sorcier et à Polyeucte est excellent); le tempo de la fanfare est modéré, et lui donne l’ampleur souhaitée, quand Jordan me paraît trop rapide et donc un peu anodin.
    Je n’ai pas retrouvé mon bonheur chez Jean Fournet, et j’attends désespérément la réédition de Martinon.

  3. ET LA VERSION DE PIERRE BOULEZ AVEC LE NEW YORK PLILHARMONIC (1976?) QUI EST UN PURE JOYAU MÊME COMPARÉ AVEC L’EXCELLENTE VERSIO D’ARMIN JORDAN

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.