Liszt – Funérailles par les pianistes français

Entendu récemment Véronique Bonnecaze dans cette œuvre, superbe de panache, mais son CD a disparu de Qobuz.. (11/3/2015)

huve

Devant assister au prochain récital de Cyril Huvé mardi prochain, voilà que je tombe sur son tout récent CD : programme Liszt – extraits des Années de pèlerinage et des Harmonies poétiques et religieuses. Je me préparais à comparer cette nouvelle interprétation avec mes 2 pianistes français préférés, Guy et Amoyel, quand, étonné par une certaine matité de l’instrument, je m’aperçois qu’il s’agit d’un piano d’époque, alors allons faire un tour vers toutes les versions des pianistes français (pas forcément « de souche » comme dirait l’autre), uniquement pour Funérailles, en essayant de voir ce que pouvaient apporter les versions sur instruments d’époque : tous les compositeurs pour clavier ont adopté illico les nouveaux instruments qui apparaissaient de leur temps, et Liszt aurait probablement adopté un Steinway de la grande époque, mais il n’empêche qu’ils ont composé leurs œuvres pour l’instrument qu’ils connaissaient alors…
L’ordre d’écoute est au hasard, et c’est l’occasion de faire un tour de certains pianistes français, jeunes ou moins jeunes.
On a arrêté d’écouter assez vite Mélisande Chauveau, Michel Bourdoncle, Brigitte Engerer ou Pascal Mantin.

Michel Briguet (1918  – 1997) : son un peu ancien (1958), beaucoup de bas médium, on dirait plutôt du Franck, mais c’est très prenant, « nature », fait penser un peu à Yves Nat. Une découverte.

François-Frédéric Guy (1969*) – Un de « nos » plus grands pianistes, à l’aise dans tous les répertoires, contemporain notamment. Là on n’est pas devant un instrument d’époque : ça sonne presque comme un orgue, La sûreté et la détermination dans la conduite des phrases est impressionnante. Tous les plans sonores sont évidemment mieux mis en avant que dans la précédente version. C’est grandiose. On a encore une petite pensée pour Briguet, plus simple(iste) et dans un tempo plus allant, mais ça sonnerait maintenant un peu « modèle réduit ».

Cyril Huvé (1954* ) – C’est donc un Steinveg de 1875 qu’aurait pu jouer Liszt. Le son est donc assez mat. Les aigus sonnent désincarnés, le piano ne zingue pas trop ; le principal avantage est que les voix secondaires ou d’accompagnement sonnent bien et ne sont pas noyées. Interprétation très bien menée, qui soutient l’intérêt de bout en bout. C’est moins impressionnant que Guy et l’ambitus dynamique fait plus penser à Chopin.

Dominique Merlet (1938*) – Piano très sonore et très sonnant, Équilibres sonores parfois un peu curieux, effets de pédales. C’est impressionnant mais on a l’impression d’être parfois du côté de Rachma (le pianiste) ou de Jean Guillou… Fin grandiose.

Aldo Ciccolini (1925-2015) – Célèbre notamment pour ses Liszt, j’avoue que ce très grand pianiste ne m’a jamais vraiment emballé. Ce qui se confirme ici ; certes le son n’est pas très bon, mais c’est assez extérieur.

Roger Muraro (1959*) – Célèbre pour ses Messiaen, il donne ici un très beau son de piano – mais avec des sonorités moins différenciées que Guy. De grands moyens, mais ça tombe un peu à plat.

François-René Duchâble (1952*) – Lecture originale, beaucoup de présence. Un peu trop de « pianisme » mais c’est très bien mené, à part la toute fin un peu précipitée.

Pascal Amoyel (1971*) – Prise de son manquant un peu de présence. Début très rhapsodique. Mais dès le 2e thème, il vous prend et ne vous lâche plus. Ça me rappelle une anecdote : j’emmène mon épouse (9 ans de Conservatoire) l’écouter dans un récital Chopin – certes dans l’acoustique impossible de l’Orangerie de Bagatelle – et à la sortie elle me déclare qu’elle préfère Weissenberg… Je ne m’en suis jamais remis, mais je comprends que l’on puisse ne pas aimer ce genre d’interprétation si personnelle, tout en restant « Amoyel-addict ».

Guillaume Coppola (1979*) – Du grand son de piano, plus « moderne » encore que Guy ou Merlet. De l’allure, de la conduite, pas complètement convaincant, mais un pianiste  à suivre assurément.

Jean Frédéric Neuburger (1986*) – Un des artistes préférés de Philippe Manoury, on avait été récemment assez déçu par sa prestation dans le 4e de Beethoven avec Dohnányi / Paris à la Philharmonie lors d’un concert privé. Encore de gros moyens pianistiques, un piano moderne. C’est élégant, mais ça manque d’intériorité. Mais à suivre.

Claire Chevallier (1969*) – La plus lente, sur piano Erard. Pianiste « historiquement informée ». Pascal Amoyel eut l’occasion de jouer sur piano d’époque avec Anima eterna (cf.) et me déclara avoir beaucoup appris sur Chopin, pour mieux l’interpréter… sur des pianos actuels. La prise de son est ici assez réverbérée, on a de belles couleurs. J’avoue ne pas avoir été très concerné…

France Clidat (1932-2012) – Célèbre en son temps, cette intégrale vit ses bandes finalement récupérées après une longue histoire. C’est la version la plus rapide. Piano très timbré, variations de tempo, S’il n’est pas toujours parfaitement réglé, c’est le plus bel instrument entendu ! Une sorte de synthèse Guy / Amoyel…

Daniël Ernest Joseph Carol Wayenberg (1929*) – J’ai rajouté cet immense pianiste, bien méconnu dorénavant, dont j’ai un magnifique 3e de Proko avec Kubelik à Paris. Interprétation émouvante et prenante, « classique » pourrait-on dire. Magnifique.

Louise de la Salle (1988*) – Prise de son un peu réverbérée. On avait bien aimé un récital Schumann.  L’intro paraît un peu bousculée. Du très beau piano, mais manque un peu d’intériorité. Très belle fin.

Conclusion

Piano d’aujourd’hui : chez les anciens : France Clidat et Daniel Wayenberg, chez les jeunes : François Frédéric Guy et Pascal Amoyel, voire Lise de la Salle.
Piano d’époque : Cyril Huvé

3 réflexions sur « Liszt – Funérailles par les pianistes français »

  1. De tout ceux de votre liste que j’ai pu entendre c’est l’interprétation de Cyril Huvé que je préfère car c’est celle qui me capte , me touche le plus!

  2. Il est peut-être dans l’ordre des choses que la version de Michel Briguet évoque Yves Nat puisqu’il fut l’un de ses disciples !
    La prise de son, monophonique, fut réalisée Salle Adyar à Paris par André Charlin.

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