Entretien avec Philippe Tranchet, Directeur du festival « Un violon sur le sable » à Royan (du 25 juillet au 1er août)

Entretien avec Philippe Tranchet, Directeur du festival « Un violon sur le sable » à Royan (du 25 juillet au 1er août) – Site du Festival

Festival Un violon sur le sable - Royan
Festival Un violon sur le sable – Royan

Thierry Vagne : Une formation de 75 musiciens sous la direction de Jérôme Pillement interprétant quelques-uns des grands airs du répertoire classique, des extraits d’œuvres symphoniques, des airs d’opéras, des musiques de films, des musiques originales ou encore des musiques du monde devant un public assis sur la plage de Royan. Près de 150 000 auditeurs pour notamment 3 concerts de musique classique, sans doute un record européen ! Comment expliquez-vous ce succès depuis vingt-huit ans ?

Philippe Tranchet : Rien n’était prémédité, à l’ origine ce n’était que l’inspiration  d’un jeune animateur de radio que j’étais dans les années 80, et l’envie d’associer l’inconcevable : un violoniste de l’Opéra de Paris en queue de pie jouant sur la plage, face à un public néophyte. L’intérêt inattendu suscité par les passants m’a encouragé à renouveler l’opération l’année suivante. Quatre musiciens, puis douze, jusqu’à soixante-quinze aujourd’hui avec un orchestre symphonique.
Les trois spectateurs intrigués du premier concert sont devenus un public atypique de 50 000 personnes par concert…
Pourtant en réfléchissant bien, mettre un Stradivarius face à ses pires ennemis, l’humidité, le vent, le soleil et surtout le sable a quelque chose d’anachronique…

TV : Comment faites-vous pour attirer des vedettes du classique qui ne s’y produisent que quelques minutes et touchent un faible cachet pour leur prestation ?

PT : Chaque artiste venu au Violon sur le Sable devient un ambassadeur auprès de ses « collègues » et témoigne de son affection particulière pour avoir vécu une expérience unique dans sa carrière. Jouer devant une foule aussi immense, respectueuse et silencieuse  (dont des milliers d’enfants !). Une véritable émotion, forte partagée par tous les artistes. Descendant de scène les larmes aux yeux, Brigitte Engerer me confia dans une étreinte amicale que ma salle était la plus belle du Monde et le public du Violon sur le Sable était qu’une seule personne tant le silence et le respect les unifiés.
Les rendez-vous sont pris parfois plusieurs années en amont avec les artistes, le principal obstacle étant la disponibilité puisque la période connaît pléthore de festivals dans le Monde. Quant aux cachets, ils sont dans la norme ! Au final le plus délicat reste de bloquer un artiste trois jours (répétitions incluses) pour 10 minutes sur scène…

TV : Le parti-pris de l’éclectisme (des chanteurs de variétés sont régulièrement invités également), la programmation sous forme d’extraits classiques, la sonorisation n’expliquent-ils pas la relativement faible couverture médiatique nationale de la part de la presse spécialisée ?

PT : C’est une énigme…. mais ça va mieux !
Nous ne rentrons effectivement pas dans les « cases », c’est justement notre spécificité. Ce serait bien plus simple à tout point de vue, y compris financier, de jouer chaque soir l’intégral d’une symphonie. Je me place toujours comme l’auditeur qui écoute une émission de radio, c’est un peu ce qu’est le Violon sur le Sable avec Jérôme Pillement (le chef d’orchestre).Si un morceau ne fait pas l’unanimité, le suivant sera différent. Au final chaque personne sur la plage sera touchée.
Il arrive que la presse (qui ne connaît pas la manifestation) argumente sur la gratuité pour expliquer la présence d’autant de spectateurs. Ce qui n’est pas tout à fait vrai, puisque la plupart arrivent des heures avant le concert pour obtenir une place gratuite et bien placée et que d’autres (3 000 spectateurs par concert) payent une place en tribune pour assister à la soirée, mais de plus loin… (pour pouvoir éviter l’attente). Nous pourrions aisément augmenter la capacité des tribunes, ce que nous refusons pour ne pas générer de la frustration de la part de spectateurs trop éloignés de la scène : les meilleures places sont gratuites, mais se « payent » en attente…
Quant à l’artiste de variété, (pas tous les ans) il n’est pas annoncé…
Nous sommes cependant de plus en plus reconnus (pour preuve un partenariat avec France Inter), les artistes présents au Violon sur le Sable sont aussi une caution importante.
En fait, aujourd’hui, nous attendons uniquement la curiosité d’un représentant de la DRAC de Poitiers et du Ministère de la Culture qui nous ignorent depuis 28 ans…

TV : Les subventions publiques ne représentent que 40% de votre budget. En ces périodes difficiles, les mécènes vous sont-ils fidèles ?

PT : Nous constituons une identité privée, et chaque année nous craignons que ce soit la dernière. Les coûts techniques et artistiques augmentent chaque année mécaniquement, et heureusement nous sommes soutenus par la Ville de Royan (consciente des retombées économiques) ainsi que le Conseil Départemental de la Charente Maritime. Nos partenaires Baume et Mercier, Hennessy, la Caisse d’Epargne, sont à nos côtés.

TV : Pourriez-vous nous présenter l’édition 2015 du festival et notamment le «festival off « un violon dans la ville » ?

PT : Chaque soir de concert sur la plage un programme différent est interprété par l’orchestre d’Un Violon sur le Sable ainsi que les solistes dont : Camille Thomas (violoncelle), Béatrice Uria Monzon (mezzo), Nemanja Radulovic (violon), Bertrand Chamayou (piano), Patricia Petibon, Dorothée Gilbert (danseuse étoile), etc.
Et, entre chaque grand concert, une multitude d’événements musicaux dans le pays royannais avec les artistes en solo, sur le green d’un golf, dans un parc de verdure ; il y a aussi des stages de danse, un récital de piano sur une falaise ou encore un match de pianos sur un court de tennis où les protagonistes (Jean-François Zygel et Jean Rondeau) rivalisent d’improvisation en se renvoyant des notes de musique sous le contrôle d’un arbitre.

TV : Enfin, pourriez-vous nous décrire votre public et comment estimez-vous l’impact du festival sur son attrait vis-à-vis de la musique classique ?

PT : Ça n’a jamais été ni un but, ni une mission, ni un message, nous « subissons » avec plaisir !! L’adhésion d’un merveilleux public en est la preuve. Chaque personne peut être sensible à Beethoven, Mozart, Ravel ou Poulenc pour peu qu’on ne néglige pas la présentation. Je vous invite à lire le livre d’or de notre site avec bon nombre de  témoignages d’enfants s’initiant à un instrument suite à leur venue au Violon sur le sable…
Pour le reste la réponse est probablement dans ces lignes écrites il y a longtemps lorsque j’observais un enfant assis sur le sable au premier rang :

Les violons de mon enfance

Il me plaît de croire que plus tard, bien plus tard, l’enfant qui ce soir est assis sur le sable se souviendra, devenu grand, qu’autrefois déjà “il y avait des drôles de chanteuses qui chantaient fort et haut et qu’à la fin, des étoiles de feux tombaient sur leur robes”.
Parce que le Violon sur le sable fabrique des souvenirs d’enfance pour ces mômes qui patiemment attendent le feu d’artifice final,
Il se souviendra aussi “qu’il y avait du sable, et que Maman prenait une couverture pour s’asseoir sur la plage avant de préférer un siège en vieillissant”.
Il se souviendra toujours de quelques musiques là-bas à Royan, “celles déjà entendues sur une pub à la télé d’autrefois, d’ailleurs c’est sur l’une d’entre elles que la cousine me prit la main”.
Ces airs, il les écoute aujourd’hui, devenu grand, et ce soir il emmène son fils à son premier Violon, pour que plus tard….
Dommage que Grand-mère ne soit plus là. 

Un violon sur le sable

2 réflexions sur « Entretien avec Philippe Tranchet, Directeur du festival « Un violon sur le sable » à Royan (du 25 juillet au 1er août) »

  1. Merci à vous Monsieur d’avoir eu cette idée folle et surtout d’avoir osé la concrétiser. Merci d’avoir crée cette « Merveille » qu’est cet émouvant Violon sur le sable qui me remplit depuis plus de vingt ans d’émotion et de gratitude. Merci pour cette gigantesque organisation et tout ce travail qui nous font penser que tout semble se passer comme sur « des roulettes », sans rebondissements et grands soucis. Bravo et encore bravo et plein de mercis

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